Fenêtre de tir reflationniste

Salima Barragan

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La crise du COVID-19 ne remet pas en cause la thèse d’investissement de la banque SYZ. Avec Adrien Pichoud.

Lors d’une séance sur les perspectives de la banque SYZ en visioconférence, Adrien Pichoud, Chef économiste, confirmait la «japonisation» des pays occidentaux, un courant déflationniste séculaire entrainé par les vents contraires démographiques. Autrement dit, le vieillissement de la population. Sa thèse d’une courte phase reflationniste oscillant à l’intérieur du cycle long reste également intacte malgré la crise du COVID-19. Il s’agit d’une fenêtre d’opportunité de 6 à 9 mois pour des investissements tactiques. Entretien.

En novembre de l’année passée, alors que les espoirs d’une reprise rapide allaient de bon train, vous mentionniez l’amorce d’une courte phase déflationniste. La confirmez-vous toujours, maintenant que la reprise tardera plus qu’anticipé?

Ces phénomènes, que j’appelle les mini-cycles, font partie de notre environnement de croissance atone. De 2012 à 2014, puis de 2016 à 2018, nous avons vécu deux cycles de ce type de deux ans chacun, et 2021 n’échappera pas à cette tendance. La crise du COVID ne remet pas en cause notre thèse d’investissement car notre scénario central table sur la reprise d’une dynamique positive mondiale. Notons que la perte de l’activité de ces derniers mois est moindre qu’au premier trimestre 2020. Mais cette reprise qui est limitée dans le temps sera suivie d’un ralentissement dès 2022.

Qui seront les champions de la reprise économique?

Les deux grands moteurs de croissance, à savoir les Etats-Unis et la Chine, continueront de tirer l’économie mondiale vers le haut. Ils sont aussi nos marchés préférés pour leurs tendances structurelles à long terme. En revanche, nous avons allégé nos positions sur le marché suisse, plus défensif dans sa composition sectorielle, et qui offre, dans le contexte actuel, moins de perspectives.

A mesure que les craintes sur l’économie se dissipent,
la tendance sur les valeurs cycliques restera haussière.
Favorisez-vous toujours les valeurs cycliques en tant qu’opportunité tactique, malgré une pause de la rotation sectorielle en janvier?

Oui, car à mesure que les craintes sur l’économie se dissipent, la tendance sur les valeurs cycliques restera haussière. Les épisodes reflationnistes permettent typiquement aux actions cycliques et value de battre le marché. Nous aimons tout particulièrement les valeurs industrielles et les matériaux. Ainsi que les titres financiers qui ont le plus souffert durant les dernières années et dont le modèle d’affaires profitera de la repentification de la courbe des taux. Enfin, dans un scénario de reflation, les marchés émergents devraient bien se comporter.

Hormis les politiques monétaires accommodantes, quels autres facteurs pourraient-ils déclencher une brève poussée reflationniste?

L’effet de base défavorable lié au rabaissement de la TVA avait mécaniquement rabaissé l’inflation. Nous partons donc d’un point plus bas. A mesure que nous avançons dans le temps, ces effets se convertiront en facteurs favorables à la reflation. Dans un contexte de reprise économique, ils seront accompagnés d’une demande plus forte qui attirera temporairement les prix à la hausse.

Dans ce contexte, comment les banques centrales agiront-elles?

Pour l’heure, elles n’ont aucune intention de lever le pied; elles sont même disposées à accroitre leur soutien. Mais à partir du second semestre, sous réserve que la situation sanitaire s’améliore, elles commenceront probablement à infléchir leur discours.

L’argent qui bénéficie aussi de la demande mondiale qui s’améliore,
peut potentiellement mieux évoluer que le métal jaune.
Dans votre scénario de reflation de courte durée, comment appréhendez-vous le marché obligataire?

Avec un peu plus de prudence! Dans cette fenêtre de tir de reflation, les taux d’intérêt devraient globalement enregistrer des pressions haussières temporaires. Nous restons ainsi plutôt à l’écart des obligations gouvernementales. Pour les obligations d’entreprises, nous ne nous inquiétons pas des fondamentaux du marché, mais nous avons tactiquement pris quelques profits face au risque de remontée des taux et au faible potentiel de diminution des spreads de crédit. Enfin, nous continuons à voir des perspectives attrayantes sur la dette émergente.

Que pensez-vous de l’argent, qui a récemment attiré l’attention des médias suite au raid manqué des «traders en pyjama»?

A côté des soubresauts récents sur ce métal, il est sensible à l’évolution des taux d’intérêts réels - tout comme l’or - mais comporte en plus une composante d’application industrielle car il est utilisé pour la fabrication de panneaux solaires et de composants pour automobiles. L’argent qui bénéficie aussi de la demande mondiale qui s’améliore, peut potentiellement mieux évoluer que le métal jaune sur lequel nous avons une vue neutre. L’argent pourra facilement se valoriser dans le cadre d’une reprise économique reflationniste. Mais si la situation se dégrade, les investisseurs rechercheront refuge dans l’or et non l’argent.

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