Un peu de reflation... mais de courte durée

Salima Barragan

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Selon Adrien Pichoud de Banque SYZ, les pays occidentaux entrent dans un mini-cycle reflationniste.

Inflation atone, croissance anémique, taux d’intérêt bas: le monde occidental semble être entré dans un mégacycle imperturbable. Cependant, selon Adrien Pichoud, économiste en chef de Banque SYZ, cette configuration n’exclut pas l’apparition de petits cycles courts offrant des opportunités d’investissement tactiques. Explications.

Comment vos portefeuilles étaient-ils positionnés avant les élections?

En septembre, nous avions diminué le risque des portefeuilles car nous ne souhaitions pas parier sur l’issue des élections américaines. Nous avions donc réduit les expositions aux actions, ainsi qu’aux obligations d’échéances longues afin de réduire la sensibilité aux taux longs. Puis, lorsque victoire de Biden et la continuité d’un Sénat aux mains républicains se sont dessinées - un scénario positif pour les marchés puisqu’il devrait empêcher tout changement drastique de politique économique un certain nombre de nos incertitudes sont tombées.

«Nous avons encore réduit la duration et simultanément
acheté de la dette émergente en devise forte.»
Maintenant que les résultats sont clairs, allez-vous augmenter votre exposition aux actions?

Nous avons fait un premier pas dans ce sens, en augmentant notre exposition aux titres chinois avec un biais domestique. Nous sommes actuellement proche d’une allocation neutre en actions dans les portefeuilles, et la prochaine étape consistera à ajouter des valeurs plus cycliques, ou Value, si l’amélioration attendue de la croissance en 2021 se confirme.

En octobre, vous vous montriez prudent sur la duration. Est-ce toujours le cas?

Encore plus prudents qu’en octobre! Nous avons encore réduit la duration et simultanément acheté de la dette émergente en devise forte. Notre vue constructive sur l’économie implique un potentiel de remonté des taux d’intérêt à long terme dans les prochains mois, tandis que les spreads émergents sont encore attractifs aujourd’hui.

Dans le cas d’une embellie économique, comment agiront les banques centrales?

La hausse potentielle des taux longs sera limitée par le fait que la Fed, comme la BCE, n’auront d’autre choix que de garder les taux courts à des niveaux extrêmement bas. Les pays occidentaux sont effectivement entrés dans un environnement structurel d’inflation atone, de croissance faible et de taux d’intérêt bas que ni la crise du COVID-19, ni les élections américaines n’ont altérés.

Donc pas d’inflation à l’horizon. Peut-être un peu de reflation?

Bien que nous excluions le retour d’une inflation significative, nous avons identifié (dans le cadre structurel précédemment décrit) des mini-cycles bien plus courts que dans les années 1990, constitués d’accélérations et de ralentissements de la croissance et de l’inflation autour de leur tendance basse. Actuellement, nous estimons nous situer au commencement d’un mini-cycle de reflation globale (accélération synchronisée de la croissance et de l’inflation), qui sera malheureusement trop faible pour sortir le monde occidental du paradigme de japonisation dans lequel il est entré. Cet épisode de reflation contenue offre toutefois des opportunités d’investissement tactiques à court terme, le temps que cette dynamique alimentée par les anticipations d’inflation s’essouffle et que la réalité du monde de croissance et de taux bas ne se rappelle aux investisseurs.

«Il n’y a aucune raison de s’attendre à une hausse
de l’inflation et des anticipations en Europe.»
A quelles opportunités tactiques vous référez-vous?

De manière générale, à une performance positive des actifs «risqués», tels que les actions et en particulier un potentiel rattrapage des valeurs cycliques. Les actifs émergents, obligations et actions, devraient également bénéficier de cet environnement, ainsi que le crédit en général. Mais à côté de cela, nous conservons naturellement des actifs défensifs comme l’or et les obligations gouvernementales, afin de contenir le risque et la volatilité des portefeuilles.

Les anticipations d’inflation américaines sont clairement en train de remonter. Mais qu’en est-il en Europe?

Les anticipations d’inflation américaines sont à présent à des niveaux pré-COVID.  Elles pourraient monter encore un peu sous le triple effet de l’activité économique, de la hausse du prix des matières premières - soutenue par la croissance - qui va se retranscrire dans l’inflation, puis enfin par la faiblesse du dollar qui importe de l’inflation aux Etats-Unis. En revanche, il n’y a aucune raison de s’attendre à une hausse de l’inflation et des anticipations en Europe, où la force des devises (euro et franc suisse) contrebalancera l’impact de la hausse des matières premières.

Le billet vert va-t-il continuer à s’affaiblir?

Il pourrait s’affaiblir, mais modérément. Les politiques monétaires des banques centrales ne divergent plus beaucoup, pas plus que les politiques budgétaires de part et d’autre de l’Atlantique, ce qui limite le potentiel d’ajustement du dollar. En l’absence d’une vague Démocrate qui aurait rendu possible une forte hausse des dépenses publiques aux Etats-Unis, nous excluons un scénario durablement «bearish» sur le dollar. 

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