Contrer les taux d’intérêts négatifs

Salima Barragan

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Selon Marc Brütsch de Swiss Life AM, la Suisse résiste bien à la crise.

Comme de coutume en début d’année, cinq personnalités du monde de la finance partagent avec les lecteurs d’Allnews leurs vues sur les thèmes qui marqueront ces douze prochains mois : les conséquences de la crise du coronavirus, le fardeau de la dette qui s’alourdit et la politique du président fraîchement élu Joe Biden. Ils dévoilent aussi quelle sera leur politique d’investissement. Autour de quatre questions clé, l’équipe d’Allnews vous souhaite une heureuse année 2021.

Marc Brütsch, Chef économiste chez Swiss Life Asset Managers, souligne que la Suisse résiste bien à la crise malgré un taux de chômage qui pourrait atteindre le seuil de 4% d’ici juin. D’après lui, la Confédération devrait retrouver le PIB d’avant la pandémie dès le second semestre. Dans un environnement de taux d’intérêt réels négatifs, il privilégie les valeurs réelles comme l’immobilier, les infrastructures et les actions.

Quel bilan tirez-vous des dommages créés par le coronavirus et quelles sont vos perspectives pour cette année?

Les dégâts se concentrent avant tout sur les secteurs liés aux services. Ce sont de grands générateurs d’emplois, mais ils contribuent relativement peu à la création de valeur des économies développées. Je pense notamment à la restauration, aux agences de voyages, aux taxis, au divertissement ou encore aux blanchisseries.

En 2021, nous tablons sur la poursuite de la reprise économique
mondiale qui s’est un peu grippée en Europe.

La Suisse semble s’être relativement bien sortie de la crise et son produit intérieur brut devrait retrouver son niveau d’avant crise dès le second semestre. Toutefois, on peut tabler sur un taux de chômage d’environ 4% d’ici le milieu de l’année. Le nombre de faillites devrait aussi augmenter graduellement. Dans le meilleur des scénarios, il manquerait cependant toujours au moins trois points de pourcentage au PIB afin de rattraper la croissance moyenne des dix dernières années, ce qui se traduit en pertes sur les recettes fiscales et les salaires. Dans d’autres pays comme au Royaume-Uni, l’écart entre la réalité et la croissance potentielle se révèle encore beaucoup plus important.

En 2021, nous tablons sur la poursuite de la reprise économique mondiale qui s’est un peu grippée en Europe. L’élément déterminant sera de savoir si et quand la population pourra bénéficier d’une vaste campagne de vaccination.

Que penser des niveaux de dette des gouvernements amplifiés par la crise?

Les mesures de politique fiscale destinées à contrer le choc de l’offre au printemps ont permis d’éviter des dégâts économiques encore plus importants. Puis l’élargissement des instruments utilisés a empêché la survenue d’un choc de la demande et d’une crise financière. Toutefois, les politiques fiscales déployées atteignent des proportions gigantesques par rapport à la grande crise financière. L’Allemagne s’est départie de sa politique budgétaire rigoureuse, débloquant des ressources équivalant à environ un tiers de son PIB. En Suisse, les capitaux promis pour soutenir la conjoncture sont vingt fois supérieurs à ceux déployés en 2008. Ces ressources se sont immédiatement fait ressentir dans l’économie réelle, mais elles pourraient receler un risque d’inflation à long terme.

Comment la politique menée par Joe Biden va-t-elle orienter les marchés?

Les rapports de force au Congrès se répercuteront sur les grands thèmes politico-économiques comme commerce mondial, le programme d’infrastructures et l’éventuelle annulation des cadeaux fiscaux accordés par l’Administration Trump. Je n’en attends rien d’exceptionnel. Les jalons décisifs continueront d’être déterminés par la Banque centrale américaine. Celle-ci s’est d’ailleurs engagée à maintenir sa politique monétaire actuelle jusqu’en 2023 au moins.

Quelle est votre politique d’investissement?

Depuis le début du mois de novembre, les marchés se préparent à une année 2021 quasi parfaite. Malgré une deuxième vague, les données conjoncturelles n’ont pas connu de nouvel effondrement comme celui du printemps dernier. De plus, les pires craintes qui pesaient sur les élections américaines ne se sont pas vérifiées. Les avancées réalisées dans les vaccins laissent également entrevoir une fin prochaine de la pandémie. En bourse, cela plaide pour la poursuite de la rotation sectorielle en faveur des activités les plus touchés, bien que des revers ne soient pas à exclure. Le plafonnement des taux d’intérêt nominaux induit par les programmes d’achat d’obligations des banques centrales, ainsi qu’une dose d’inflation, entrainent des taux d’intérêt réels négatifs. Dans ce contexte, les valeurs réelles telles que l’immobilier, les placements en infrastructures et les actions resteront privilégiés par les investisseurs.

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