Le marché des immeubles locatifs sous surveillance

Yves Hulmann

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Les taux de vacance des immeubles locatifs sont en hausse. Les stations en vogue restent très prisées, à l’instar de St-Moritz.

St-Moritz abrite les prix les plus élevés pour les logements de vacances dans le segment haut de gamme. ©Keystone

Le secteur de l’immobilier en Suisse a connu une évolution pour le moins contrastée dans ses différents segments. Alors que le marché du logement en Suisse a enregistré la plus forte hausse des prix depuis 2014, caractérisée par un renchérissement d’environ 2% des prix des appartements et des maisons, les immeubles locatifs affichent des taux de vacance toujours plus élevés, à l’exception des grands centres. Pendant ce temps, les prix des transactions dans l’immobilier de luxe ont à nouveau fortement augmenté dans les communes les plus onéreuses, situées avant tout dans les régions genevoise et zurichoise, tout comme cela a été le cas pour les logements de vacances dans le segment haut de gamme, à l’exemple de St-Moritz, Gstaad ou Verbier. Telles sont quelques-unes des tendances qui ressortent de l’étude UBS Real Estate Focus 2020 publiée jeudi par le numéro un bancaire helvétique.

Les achats de logement à des fins
de location accentuent l’effet de rareté.

S’agissant du marché du logement, les prix à l'achat des logements ont augmenté le plus fortement dans les «régions urbaines à l'économie dynamique», à l’exemple de l’arc lémanique ainsi que dans les agglomérations de Zurich et de Bâle. La rareté de l’offre devrait continuer à soutenir le niveau des prix des logements cette année, anticipe UBS. Cette situation est favorisée par deux facteurs: d’une part, la faible offre de nouveaux logements en propriété par rapport aux appartements en location. D’autre part, l’achat de logements à des fins de location dans les villes renforce encore cet effet de rareté: dans les centres urbains, la forte demande de transactions de type «buy-to-let» (achats dans le but de louer), plus la demande de résidences secondaires, contribuent à l'assèchement du marché des logements en propriété. Actuellement, plus de 15% des appartements, qui étaient vendus à l'origine comme logements en propriété, sont finalement loués, illustre UBS.

Immeubles locatifs: pression à la baisse sur les loyers

La situation sur le marché des immeubles locatifs est contrastée selon les régions. Globalement, une situation de suroffre prévaut sur ce marché. Sur l’ensemble de la Suisse, quelque 70’000 appartements locatifs, soit 2,8% du parc existant, étaient en effet inoccupés fin 2019, soit environ deux fois plus qu'il y a cinq ans. Pour les immeubles locatifs existants, l’augmentation des taux de vacance a un impact sur les loyers demandés qui ont reculé d’environ 1% en 2019 - et qui sont désormais inférieurs de 5% par rapport au pic atteint en 2015. Pour les loyers des immeubles neufs, la correction est même «probablement deux fois plus forte», suppose UBS. Seules dans les marchés tendus que sont Zurich, Genève, Berne et Bâle, les loyers offerts sont plus élevés qu’il y a cinq ans. En dehors des grands centres, l’excès d’offre reste en revanche marqué. Ainsi, dans plusieurs régions comme l’arc jurassien, dans certaines parties du Valais, au Tessin, sur le plateau et en Suisse orientale, chaque logement, en moyenne, ne génère pas de revenus un mois par an. Pour un objet sur six, cette durée peut même s’étendre jusqu’à deux mois.

Davantage de permis de construire dans les grandes villes.

Malgré le grand nombre d’appartements locatifs inoccupés à fin 2019, la construction de logements se poursuit: l'an passé, quelque 44’000 logements ont été autorisés à la construction, soit 14% de moins qu’en 2018. Toutefois, la construction de logements se déplace de plus en plus vers des régions qui n’ont que peu de biens immobiliers vacants. En 2019, c'est dans les pôles économiques de Zurich, Genève et Lucerne qu'a été enregistré le plus grand nombre de demandes de permis de construire, soit plus de 1,5% du parc existant correspondant. Schaffhouse et Fribourg restent aussi très appréciés des investisseurs. En revanche, le nombre de demandes de permis a fortement baissé dans les cantons d’Argovie et de Thurgovie ainsi que dans l’arrière-pays vaudois et le Bas-Valais.

Rendement total annuel de 2,5% au plus

Compte tenu du taux élevé d’appartements locatifs inoccupés, UBS s’attend à ce que les loyers demandés diminuent d’environ 1% en 2020, ce qui empêchera aussi une hausse des prix sur ce segment. Le faible niveau des taux d’intérêt limite toutefois aussi le risque d’une «baisse notable des prix», nuance UBS. La banque anticipe néanmoins un recul graduel des prix au cours des cinq prochaines années. Dans une perspective d’investissement, le rendement total annuel (sommes des recettes locatives et appréciation du capital) ne devrait ainsi pas dépasser les 2,5%. Est-ce peu ou beaucoup? Aux yeux des experts d’UBS, ces rendements peuvent, certes, paraître faibles en comparaison historique – or, corrigés de l’inflation, les rendements avaient été encore plus minces durant deux périodes, à savoir entre 1973 et 1978 ainsi qu’entre 1990 et 1995.

Bureaux: les risques se déplacent vers les centres 

En 2019, les surfaces de bureaux dans les centres ont rapporté davantage que les bureaux en périphérie. Les centres profitent largement d'une croissance de l'activité portée par les petites entreprises et les sociétés nouvellement créées ainsi que par une demande correspondante de surfaces de bureaux flexibles (co-working). Une croissance de l'emploi plus faible et des perspectives économiques moins favorables risquent de peser sur la demande en surfaces de bureaux. Or, «les risques conjoncturels ne sont justement pas intégrés dans les prix des emplacements centraux », prévient la banque. Le coworking, notamment, est une activité très cyclique qui souffrirait en conséquence en cas de crise économique. « Au vu du fléchissement économique attendu cette année et en 2021, le risque de correction des valorisations dans les centres se fait jour», conclut UBS au sujet des surfaces de bureaux.

L’essor de l’e-commerce exerce une concurrence importante. 

S’agissant des surfaces commerciales proprement dites, l’essor de l’e-commerce exerce une concurrence importante. En 2020, le commerce en ligne devrait augmenter d'environ 10% pour la troisième année consécutive. Le commerce traditionnel devrait, lui, enregistrer au mieux une augmentation nulle du chiffre d'affaires. Dans les centres-villes, le nombre d'espaces annoncés à la location – du moins en dehors des rues les plus passantes – est relativement élevé. Néanmoins, l'offre excédentaire n'a eu, jusqu'à présent, aucun impact sur les loyers à l'offre. «Les loyers sont en moyenne encore trop élevés et une baisse est inévitable», relève Claudio Saputelli, expert immobilier chez UBS.

Immobilier de luxe: Cologny reste la commune la plus chère

Comparé aux segments des immeubles locatifs et des surfaces commerciales, l’immobilier de luxe évolue, lui, selon une dynamique différente. Dans le segment du luxe – soit les 5% des propriétés les plus chères réparties sur 25 communes les plus onéreuses en Suisse -, l’étude observe une hausse de 7% en rythme annuel au cours des trois premiers trimestres de 2019. Pour l’ensemble de 2019, cette hausse des prix pourrait avoir atteint jusqu’à 10%, comme l’an précédant. Cologny, Gstaad et St-Moritz restent les communes les chères de Suisse.

Résidences secondaires: St-Moritz en tête

En ce qui concerne les résidences secondaires, l’envolée des prix s’est poursuivie, avec une hausse de 1,3% au troisième trimestre en rythme annuel. Les prix les plus élevés pour les logements de vacances dans le segment haut de gamme s’observent à St-Moritz et à Gstaad avec des tarifs de plus de 16'000 francs le mètre carré. Elles sont suivies par Verbier, Zermatt et la région de la Jungfrau où les prix dépassent les 10'000 francs le mètre carré.

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