Immobilier indirect: un œil sur les taux, un autre sur les loyers

Philippe Gabella, BCV

2 minutes de lecture

Les fonds immobiliers subissent des forces contradictoires dans le climat actuel. Les gagnants d’hier ne seront pas forcément ceux de demain.

 

Les craintes d’un retour de l’inflation ont plané sur les marchés récemment sur fond de croissance solide de l’économie mondiale. Faut-il s’inquiéter pour l’immobilier titrisé?

Dans ce contexte de hausse des prix, la dynamique du marché immobilier indirect est tributaire de deux forces contradictoires. La première, plus académique, mesure l’impact d’un retour de l’inflation sur les taux d’intérêt. En cas de hausse, les fonds immobiliers risquent en effet de perdre de leur attractivité vis-à-vis des rendements obligataires et de voir ainsi leur prix baisser. 

La deuxième force, plus contractuelle, évalue la répercussion de la hausse générale des prix sur les loyers. Une hausse de l’inflation génère normalement une hausse des revenus pour les propriétaires et donc des dividendes des fonds immobiliers qui regagnent en attractivité.

Décalage temporel

Ces deux forces ne sont pas synchrones. La mécanique de marché implique une assimilation instantanée de l’évolution des taux par les investisseurs, alors que la hausse des loyers peut prendre plusieurs années pour se retrouver dans les résultats des fonds. Un environnement plus inflationniste est donc négatif à court terme pour les fonds immobiliers, mais positif sur un horizon au-delà de trois ans.

Nous anticipons en Suisse la fin des taux négatifs,
mais pas pour autant à leur envolée.

Variable la plus sensible, la hausse des taux peut provoquer un choc violent à court terme si elle est importante et rapide. Ce n’est pas notre scénario. 

Les dernières statistiques liées à l’inflation publiées aux Etats-Unis ont ravivé les inquiétudes d’un durcissement monétaire de la part de la Réserve fédérale. Grandement causées par la crise sanitaire, les tensions sur les prix ne devraient pas modifier la politique monétaire américaine d’ici à l’automne. Après, des pressions plus structurelles devraient soutenir une remontée durable de l’inflation à l’horizon 2022. En passant d’une cible d’inflation à une moyenne d’inflation à 2% l’été dernier, la Fed s’est accordé une marge de manœuvre qui lui permet de tolérer une envolée temporaire des prix. Ce changement de régime d’inflation sera plus marqué aux Etats-Unis qu’en Europe. Nous anticipons en Suisse la fin des taux négatifs, mais pas pour autant à leur envolée.

Plus hauts historiques

La pression à court terme sur les fonds immobiliers intervient alors qu’ils affichent des niveaux de prix historiquement à leur pic. Pour rappel, les agios de l’indice suisse des fonds dépassent aujourd’hui 40%. Une baisse de 5% à 10% de cette prime de risque, et donc des fonds, n’est donc pas exclue.

Résidentiel vs commercial

Tous les fonds sont-ils amenés à réagir de la même manière? Confrontés à l’évolution des taux, le résidentiel et le commercial vont réagir de façon relativement similaire. Par rapport au mécanisme des baux à loyer en revanche, le résidentiel est moins bien loti que le commercial. La majorité des baux à loyer résidentiels sont indexés au taux d’intérêt de référence hypothécaire suisse. Nombre de locataires n’ont pas demandé d’adaptation à la baisse de leur loyer ces dernières années. C’est notamment vrai dans les zones les plus tendues sur le front de l’offre, à l’exemple de l’Arc lémanique. Contrairement à l’indice suisse des prix à la consommation (ISPC), le mécanisme d’adaptation des baux au taux de référence prendra des années. Le potentiel de hausse dans les fonds immobiliers résidentiels romands semble ainsi limité aux réserves locatives propres au portefeuille de chaque fonds.

L’appétit des investisseurs pour la classe d’actifs
de l’immobilier commercial se confirme ce printemps.

Le segment commercial bénéficie, lui, de valorisations moins élevées et d’un potentiel d’adaptation des loyers plus favorable à l’inflation. Cela dit, les risques sur ce segment augmentent en raison d’une offre abondante et de mutations structurelles (télétravail, e-commerce, impact environnemental, etc.).

Le miroir obligataire

Les gagnants dans le monde d’hier ne seront peut-être pas les gagnants de demain. L’analyse de la stratégie poursuive par les directions de ses fonds est donc clé. En attendant, l’appétit des investisseurs pour cette classe d’actifs se confirme ce printemps. On en veut pour preuve les dernières levées de capitaux, toutes à destination du marché résidentiel. La demande en actifs immobiliers restera élevée tant que l’écart de rendement par rapport aux obligations de la Confédération demeurera important. La forte activité des augmentations de capital de ces prochains mois pourrait tout de même provoquer quelques turbulences qui peuvent offrir des points d’entrée intéressants.

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