Psychopathes vs. Sociopathes

Philippe Szokolóczy-Syllaba

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De l'égoisme sans conscience ... qui se donne les moyens de ses ambitions.

Un excellent article de Brandon Smith nous explique la différence entre les sociopathes et les psychopathes1. En gros les premiers sont des gens qui n’ont pas d’empathie pour les autres, qui considèrent que l’être humain est quantité négligeable, que le bien-être d’autrui, ses problèmes, sa souffrance n’entrent pas en ligne de compte dans leur conception du monde. Pour eux, les autres sont dans le meilleur des cas de simples pions sur l’échiquier d’une partie qu’ils essaient de jouer au mieux de leurs intérêts personnels. Et s’il faut en sacrifier quelques-uns pour gagner, qu’il en soit ainsi. De même si le sociopathe peut trouver quelque utilité à exploiter autrui pour faciliter son ascension ou réaliser quelque plan, il n’hésitera pas un instant, du moment qu’il pense qu’il ne se fera pas attraper. Généralement son ambition est à la hauteur du mépris qu’il porte à toute autre forme d’existence que la sienne. C’est l’égoïste sans conscience qui se donne les moyens de ses ambitions, au détriment des autres.

Le psychopathe, c’est un sociopathe qui prend du plaisir à faire du mal. Là où le sociopathe se fiche des dégâts qu’il cause, le psychopathe s’en réjouit. Pour le sociopathe, le tort qu’il cause aux autres est un dommage collatéral, un passage obligé sur la trajectoire de son succès alors que pour le psychopathe, c’est un but en soi. Le sociopathe n’a pas de conscience, le psychopathe a justement conscience de faire le mal et il s’en délecte.  

Le système politique suisse a en cela bien des vertus puisque
nos dirigeants n’ont que peu de pouvoirs individuels.

Encore plus intéressante est la question de savoir si notre monde est dirigé par des sociopathes et des psychopathes. En d’autres termes faut-il être sociopathe, voire psychopathe pour désirer le pouvoir au point d’être capable de consentir tous les sacrifices, en particulier celui de ses semblables, pour se l’approprier? Car pour accéder aux plus hautes marches du pouvoir, du véritable pouvoir, de celui qui permet d’être au-dessus des lois, de s’affranchir des contraintes du quotidien, de prendre des décisions qui impactent les autres de façon considérable, il en faut des sacrifices. Qui peut avoir envie de disposer des telles prérogatives, de pouvoir faire la pluie et le beau temps, de dominer les autres, d’asseoir son autorité, de laisser une trace dans l’histoire, etc…? Qui est prêt à consentir tous les sacrifices pour y parvenir?

Je ne parle évidemment pas de ceux qui se sacrifient pour la cause commune, qui ne recherchent pas le pouvoir en soi mais acceptent d’assumer la responsabilité de représenter les intérêts de ceux qui les ont élus. Ils existent, fort heureusement, mais force est de constater qu’ils ne parviennent à survivre que dans des environnements où la gouvernance a été pensée de façon à ne pas mettre de pouvoirs exorbitants entre les mains des représentants du plus grand nombre. Le système politique suisse a en cela bien des vertus puisque nos dirigeants n’ont que peu de pouvoirs individuels, le processus de décision étant généralement collectif et la gouvernance étant souvent basée sur notre fameuse formule du consensus helvétique.

Chez certains de nos voisins, le jeu ne consiste pas toujours à agir dans l’intérêt du plus grand nombre mais souvent à jouer ses cartes de façon à devenir calife à la place du calife. Un politicien ou carriériste en entreprise ambitieux aura donc souvent la tentation d’axer son effort sur les stratagèmes qui lui permettront de dégommer le calife, de mettre des peaux de bananes sous les babouches de tous les autres vizirs qui sont également sur les rangs et de bien colmater le plafond de verre qui a vocation d’empêcher tous les aspirants vizirs à gravir les marches qu’il aura assez péniblement escaladées pour arriver où il est.

Il paraît douteux que les gentils aient une chance
de parvenir au sommet et s’y maintenir.

Est-ce parce que les systèmes de gouvernance en place accordent une place trop importante au pouvoir qui vient avec les hautes fonctions en entreprise ou en politique? Si les dirigeants n’avaient pas autant de pouvoirs personnels, les hautes fonctions n’attireraient-elles pas moins de candidats eux-mêmes attirés par le pouvoir et les prérogatives qui en découlent? Car si l’on est intéressé par le pouvoir en soi et par ce qu’il permet d’atteindre, ne tombe-t-on précisément pas dans la définition du sociopathe? Celui qui s’en fiche des autres mais est prêt à marcher sur leurs corps morts pour parvenir à ses fins, dans ce cas au pouvoir.

Et quand on est au pouvoir, que fait-on? Devient-on tout d’un coup un sage bienveillant à la barbe blanche qui exerce son autorité avec justesse et dans l’intérêt de ses sujets? Cela supposerait soit un revirement à la Docteur Jekyll que j’ai de la peine à imaginer, soit que le comportement et le parcours ayant permis d’accéder au pouvoir aient été eux-mêmes vertueux en premier lieu. Or dans un système où l’on doit passer plus de temps à esquiver les coups et à en porter pour survivre, il paraît douteux que les gentils aient une chance de parvenir au sommet et s’y maintenir.

En réalité, si l’on décortique froidement les arcanes du pouvoir, on se rend compte de plusieurs choses:

  1. On n’arrive pas au pouvoir tout seul. S’il est vrai que les sociopathes se fichent des autres, il est en revanche dans leur nature intrinsèque de s’associer entre eux. Car ils savent que seuls, ils n’iront pas très loin. Ce n’est pas qu’ils se respectent entre eux, car à la première occasion ils seraient plutôt du genre à se tirer dans les pattes si cela leur paraissait utile ou indispensable. Mais paradoxalement, ils agissent en bandes, pas par solidarité, mais par nécessité. Donc, pas sous forme d’une meute unie et soudée, mais un en faisant juste un bout de chemin ensemble pour servir leurs intérêts individuels. C’est pourquoi j’ai de la peine à croire dans ces théories qui voudraient que notre monde soit dirigé par une poignée d’individus agissant sous différents vocables que ce soit celui d’Illuminatis2, de Cabale3, de Khazarians4, de Jésuites, etc…Cela supposerait des ententes beaucoup plus solidaires que la définition et la nature même du psychopathe ou du sociopathe ne permettent d’envisager.
  2. Il faut un système intelligent qui préserve et verrouille l’accès au pouvoir. En particulier un système qui garantisse l’impunité de ceux qui se sont hissés en haut de la pyramide et qui leur permettre d’être en dessus des lois sans être inquiétés. La meilleure façon d’y parvenir est de consolider les bases de la pyramide avec des membres du sérail. Lorsqu’on ne place aux échelons inférieurs que des gens sur lesquels on peut compter, c’est plus facile. D’où l’importance de tenir l’appareil judiciaire, les organes de sélection et de confirmation des candidats aux postes clés, les organes de supervision et de contrôle et les organes de communication et d’information, notamment les médias. Il est intéressant à cet égard d‘observer la partie d’échecs que se livrent le Grand Schtrump et ses opposants, notamment les efforts de Bourick Au-Bas-Mot pour maintenir la charrue dans le sillon qu’il a creusé pendant les 8 ans de ses précédents termes. Les rumeurs sont qu’il y aurait plus de 25'000 inculpations sous scellés qui, selon QAnon, n’attendent que le moment où le Grand Schtrump aurait repris le contrôle du judiciaire, notamment de la Cour Suprême, pour être mises en œuvre5. Les mauvaises langues prétendent que ce moment coïnciderait avec le mois qui précèdera les élections Mid Term cet automne.
  3. Le meilleur moyen d’avoir des gens sur lesquels on peut compter, c’est de s’assurer qu’ils ne tourneront pas leur veste. En effet, les sociopathes ayant la fâcheuse habitude de n’être loyaux que par nécessité, il est indispensable de bien les tenir pour qu’il ne se laissent pas aller à leur pulsion naturelle de vous poignarder dans le dos dès qu’ils en auront l’occasion. Et comment tient-on les sociopathes? Par le pouvoir, le fric et le c…, c’est bien connu. Quand on voit l’argent amassé par certaines personnalités du monde politique, quand on apprend presque tous les jours qu’un tel est un prédateur sexuel ou un pédophile ou quand on lit la liste des passagers qui auraient prétendument pris le «Lolita Express», l’avion privé que le pédophile condamné Jeffrey Epstein affrétait pour amener ses invités sur son île privée des Caraïbes pour des parties fines avec des mineurs et mineures, on se demande si un tel système n’existe pas réellement6.
Seule une remise à plat de nos systèmes de gouvernance
nous permettrait d’envisager un changement.

Il est devenu de plus en plus malaisé de débusquer les sociopathes et les psychopathes. Ils cachent bien leur jeu, d’ailleurs ils sont souvent sympathiques et ce n’est qu’à l’aune de leurs résultats que l’on constate qu’ils en étaient. Or dans l’accélération de notre société, on n’arrive que trop rarement à disposer du recul nécessaire pour les coincer sur la base de leurs résultats. Ils bougent vite, souvent avant qu’on ait eu le temps de réaliser au sein de l’entreprise ou de leur filière politique qu’ils en étaient. Ils sont organisés et évoluent au sein d’un système qu’ils ont contribué à tisser afin de préserver leurs intérêts.

Seule une remise à plat de nos systèmes de gouvernance, aussi bien politiques que corporate nous permettrait d’envisager un changement. Comme ce ne sont pas ceux qui sont aux commandes qui proposeront ce changement, puisque cela reviendrait à scier la branche sur laquelle ils sont assis, la solution doit venir d’une prise de conscience citoyenne. Les solutions existent pourtant et sont déjà appliquées dans la vraie vie. Regardez le merveilleux Ted talk de Ricardo Semler, déjà prophète en son pays, le Brésil7. Ou plus près, chez nous, demandez-vous comment se fait-il que la Suisse parvienne à rester parmi les premiers de la classe avec des politiciens pour la plupart non professionnels, sans formation politique particulière, souvent issus de professions courantes? Alors qu’en France voisine, les élites intellectuelles du pays, issues des plus hautes écoles, notamment de l’ENA, donc des gens autrement plus calés que chez nous, n’arrivent pas à sortir ce merveilleux pays du bourbier dans lequel son emblème national, le coq, se complait pourtant à chanter comme si tout allait le mieux du monde. Et si ça n’était qu’une question de gouvernance? Une question de redonner au citoyen les moyens de se prendre en mains et de se réveiller à la réalité qu’il est aujourd’hui en passe de devenir un pion sur l’échiquier des sociopathes et des psychopathes qu’il se passionne à élire en fonction de l’efficacité de l’enfumage qu’ils lui distillent, comme le Soma, la fameuse drogue euphorisante du Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley.

 

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