Troisième guerre mondiale: partie remise?

Philippe Szokolóczy-Syllaba

3 minutes de lecture

Chronique insolente de la fin du monde.

 

La centaine de missiles Tomahawk, Storm Shadow et JASSM balancés par les US, la France et l’Angleterre samedi 14 avril sur la Syrie en réaction à l'annonce non vérifiée d'une attaque chimique qu'aurait perpétrée le vil Assad sur son propre peuple, nouvelle reprise quasiment à l'unanimité par l'ensemble de la «pressetituée» occidentale sans aucune vérification de ses sources ou de corroboration de l'information, semble n'avoir été qu'un coup dans l'eau. Voire un pétard mouillé, puisqu'aux dires des Syriens et des Russes, 70% des missiles auraient été interceptés et les ogives survivantes n'auraient atteint que des bâtiments désaffectés sans causer de victimes.

Trump a néanmoins décrété avec une satisfaction non dissimulée que l'opération avait été un succès incontestable, laissant entendre qu’il avait remis l'église au milieu du village et que les récalcitrants aux velléités hégémoniques de l'Oncle Sam n'avaient dorénavant qu'à bien se tenir.

Depuis, l’OPCW (Organization for the Prohibition of Chemical Weapons) a pu finalement se rendre à Douma et prélever des échantillons sur place qu’elle analysera à son retour en Hollande afin de déterminer si attaque chimique il y a bien eu.

«Le fait que nombre de vidéos montrent des victimes n'a aucunement suscité
de vocation journalistique à enquêter sur ce phénomène pour le moins troublant.»

En attendant les résultats, relevons les éléments suivants:

  1. Les US ont annoncé que les bombardements avaient atteint deux centres de recherche et un dépôt d’armes chimiques qu’il fallait absolument anéantir. Or les US n’ont pas contesté qu’il n’y avait eu aucune victime suite à leur bombardement, fait par ailleurs confirmé sur place par l’OPCW. Étrange que les alliés aient décidé de bombarder des centres de recherche et un dépôt d’armes chimiques sans se demander si leur destruction n’allait pas générer un nuage chimique provoquant des dégâts bien plus importants que ceux qu’aurait causé l’attaque prétendument perpétrée à Douma. Encore plus étrange que ces cibles devant contenir au moins quelques fioles toxiques n’aient causé aucune victime.
  2. Le fait qu'il existe une organisation intergouvernementale mise en place dans le but de vérifier que les 192 pays signataires de la Chemical Weapons Convention respectent l'interdiction d'armes chimiques n'a pas empêché trois pays signataires de spontanément bombarder un pays tiers, également signataire, sans attendre que l'OPCW se rende sur place pour valider (ou invalider) la thèse de l'attaque chimique, malgré le fait que la réalité même de l’attaque soit pourtant contestée par plusieurs pays signataires.
  3. La seule justification avancée par les alliés pour se dépêcher de sévir contre la Syrie seraient des images envoyées par les Casques Blancs, une ONG qui serait en partie financée par le British Foreign Office et une annonce par le groupe djihadiste Jaish al-Islam (Army of Islam) qui serait sponsorisé par l’Arabie Saoudite.
  4. Le fait que les seuls journalistes occidentaux s’étant véritablement rendus à Douma, dont l'anglais Robert Fisk du Independent (probablement le correspondant étranger le plus connu en Angleterre) et l'allemand Uli Gack de ZDF Heute, la plus importante chaine publique allemande, aient décrété qu'ils n'avaient trouvé aucune trace d'attaque chimique ni de blessés dans aucun hôpital n'a pas eu l'air d'émouvoir qui que ce soit.
  5. Le fait que nombre de vidéos et de photos circulant sur le net montrent des victimes particulièrement coriaces puisqu'elles s'avèrent, si l'on croit les images, avoir joué les premiers rôles dans plusieurs attaques chimiques et disposer de l'extraordinaire capacité de se relever après avoir été gazées pour poser avec leurs agresseurs ou sauveteurs, n'a aucunement suscité de vocation journalistique à enquêter sur ce phénomène pour le moins troublant que les MSM (Main Stream Media) se sont au contraire bien gardées d'évoquer https://www.zerohedge.com/news/2018-04-15/take-red-pill-history-syrian-false-flags-exposed
  6. Selon la Russie les quelques 70 missiles interceptés auraient été tirés sur les bases aériennes syriennes dans le but de neutraliser l’aviation syrienne. Pourquoi les US n’ont-ils pas confirmé avoir tiré sur ces bases aériennes et prétendu n’avoir visé uniquement les 3 bâtiments atteints? Il paraît en effet peu crédible d’avoir eu besoin de 105 missiles pour détruire 3 bâtiments.
«Il suffit qu’un état «pense» unilatéralement qu’il y a eu usage
de gaz chimique pour qu’il s’arroge le droit de bombarder un autre état.»

L’incident de Douma et le bombardement punitif qui s’en est suivi semblent marquer l’apparition d’une nouvelle doctrine sur le plan des relations internationales: tirer d’abord et discuter ensuite. Plus besoin de résolution de l’ONU, encore moins de preuves tangibles et officielles. Il suffit qu’un état «pense» unilatéralement qu’il y a eu usage de gaz chimique pour qu’il s’arroge le droit de bombarder un autre état.

Heureusement cette doctrine semble déjà avoir été abandonnée puisque la proposition de la Russie aux US, à la France et à l’Angleterre de reformer une coalition pour bombarder l’Arabie Saoudite en raison de l’usage d’armes chimiques par cette dernière au Yémen ayant causé des dizaines de milliers de morts n’est pas parvenue à susciter le même enthousiasme que pour la Syrie (ou pourtant seules 40 morts alléguées avaient suffi…...)

Sans doute tout le monde avait-il déjà trouvé son compte avec le bombardement syrien. Les US avaient pu faire une opération de relations publiques grâce à l’appui de leurs médias en faisant croire à leur population crédule que la puissance américaine était toujours au rendez-vous (et efficace) lorsqu’il s’agissait de terrasser les forces du mal. Trump avait pu calmer les néoconservateurs qui voulaient sa peau, en leur faisant croire qu’il n’était pas opposé à soutenir le lobby militaro-industriel et son appétit pour les conflits armés et les ingérences militaires. La Russie avait pu montrer aux Américains que sa technologie de défense aérienne fournie aux Syriens était capable d’anéantir la totalité des missiles américains lorsque ceux-ci cherchaient à atteindre des cibles autres que sans enjeu, lançant par là un avertissement clair de réfléchir à deux fois avant de jouer avec l’idée saugrenue de porter une offensive contre l’Iran dans la foulée de ce test raté avec la Syrie.

Donc bonne nouvelle, la troisième guerre mondiale ne serait pas pour tout de suite ! On respire, du moins jusqu’à ce que quelque groupement terroriste financé en cachette par les services secrets d’un gouvernement anti-iranien organise un coup d’Etat pour éliminer Erdogan afin de lui substituer un va-t-en guerre prêt à tout faire sauter. Oups, mauvais exemple, on me dit qu’il y a déjà eu tentative l’année dernière... manifestement ratée!

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