Panne sèche de la croissance en zone euro

Bruno Cavalier, ODDO BHF

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Sur le premier semestre 2023, le PIB réel en zone euro a progressé de 0,5% en rythme annualisé.

La morosité n’est plus seulement confinée à l’Allemagne et au secteur manufacturier

Les perspectives économiques de la zone euro se sont dégradées cet été. Le robinet du crédit bancaire est fermé depuis plus de six mois, présageant d’une forte correction des dépenses d’investissement. A ce jour, le marché du travail résiste mais quelques craquements surgissent. La désinflation n'est pas encore assez avancée pour redonner du pouvoir d’achat aux ménages. En ces temps de taux élevés, il n’est évidemment plus question de largesses budgétaires. Il serait bienvenu que la Banque Centrale Européenne (BCE) stoppe enfin le resserrement de sa politique monétaire.

Hausse du risque de récession

Sur le premier semestre 2023, le PIB réel en zone euro a progressé de 0,5% en rythme annualisé. C’est faible mais pas catastrophique compte tenu du renchérissement des prix de l’énergie l’an dernier, de la faiblesse du commerce mondial et de la rapide remontée des taux d’intérêt. Ce chiffre est une moyenne des diverses situations dans les cinq principaux pays de la zone: croissance en Espagne (+1,9%), France (+1,3%) et Italie (+0,6%); quasi-stagnation en Allemagne; contraction aux Pays-Bas (-1,5%). Chaque pays n’a pas été exposé de la même manière aux différents chocs et les dynamiques de rattrapage post-Covid ont varié en fonction des spécificités sectorielles. Dernièrement, les pays à forte intensité touristique ont surperformé les pays plus industrialisés. Pour le second semestre, les perspectives sont clairement orientées vers le bas. Le climat des affaires a rechuté, les flux de crédit bancaire sont largement taris et on observe quelques fissures sur le marché du travail.

La croissance économique a besoin de carburant, que ce soit du revenu pour financer les dépenses courantes ou des prêts pour financer l’investissement. En zone euro, le cycle du crédit bancaire et l’orientation de la politique monétaire ont une influence décisive sur les rythmes d’activité. A ce titre, les perspectives ne sont pas réjouissantes du tout. Les flux de prêts bancaires au secteur privé sont presque tombés à zéro depuis le début de l’année, situation que la zone euro n’avait pas connu depuis la crise des dettes publiques. L’enquête trimestrielle de la BCE auprès des banques commerciales signale que le resserrement des conditions de crédit va se poursuivre dans les prochains mois.

Dans le détail, on observe une nette contraction des prêts de trésorerie aux entreprises qui est sans doute le contrecoup de la forte poussée enregistrée durant la pandémie. La croissance des prêts d’investissement ralentit mais reste à ce jour positive. Du côté des ménages, le retournement des prêts hypothécaires est brutal. La vive remontée des taux d’emprunt dans un contexte de pressions sur le pouvoir d’achat a partout grippé les marchés immobiliers. Le choc paraît plus sévère en Allemagne qu’en France et à la périphérie de la zone. Les pays du sud ont en effet passé une bonne partie de la décennie post-crise financière à corriger les excès d’endettement et à purger les bilans des banques. Ayant peu profité de la période de grande faiblesse des taux d’intérêt, elles sont moins exposées au retournement du cycle du crédit. L’activité de construction résidentielle en particulier y était restée déprimée jusqu’à la pandémie.

Au total, l’impulsion de crédit – c’est-à-dire la variation des flux de prêts bancaires– s’est violemment retournée depuis la mi-2022. Avec les dernières données de juillet 2023, le signal est le plus négatif depuis la crise financière globale de 2008. Cela présage une baisse des dépenses d’investissement, confirmant s’il en était besoin la faiblesse du sentiment dans les secteurs de l’industrie et de la construction.

Signes de faiblesse sur le marché du travail

Avec le crédit, l’autre pilier qui soutient d’ordinaire la demande est l’emploi. Sur ce front, les conditions sont nettement meilleures. A première vue, la vigueur du marché du travail en zone euro est intacte. Le taux de chômage a inscrit de nouveaux points bas cycliques ces derniers temps. A l’exception d’une correction brève et somme toute limitée au premier semestre 2022, l’emploi évolue sur une tendance haussière depuis plus d’une décennie. Par rapport au niveau prépandémie du quatrième trimestre 2019, l’emploi ressortait au deuxième trimestre 2023 en excès de 3,3%, soit davantage que le surcroît de PIB réel (+2,7%). Sur la même période, rappelons que la consommation des ménages a pris du retard et reste toujours en léger retrait (-0,7%) par rapport à la fin 2019.

A y regarder de plus près, il y a néanmoins de plus en plus de signes de faiblesse qui se manifestent sur le marché du travail. Même si l’emploi progressait encore jusqu’au deuxième trimestre 2023, la durée effective du travail tend à baisser. Les raisons sont multiples. Il peut s’agir d’absences pour cause de maladie, de changements de comportement liés à la mise en place de modes de travail hybride ou de rétention de main-d’œuvre par les entreprises. Par rapport aux records de l’an passé, les ouvertures de postes sont en repli de 9 points en France et 14 points en Allemagne. L’emploi temporaire lui a baissé de 6 points en France et 5 points en Allemagne. 
 

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