Les baisses de taux seront pour cet été

Andrew Lake, Mirabaud

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En dépit de leurs situations économiques différentes, les États-Unis, l'Europe et le Royaume-Uni devraient réduire leurs taux à quelques mois d’intervalle.

Lorsque Goldman Sachs a annoncé prévoir une première baisse des taux américains en mars, elle a déclenché une vague spéculative. Bien que l’économie des Etats-Unis soit plus vigoureuse que celle de l’Europe ou du Royaume-Uni et soit, vraisemblablement, la première à procéder à une baisse des taux, les complications engendrées par un environnement qui demeure marqué par l’inflation rendent peu probable – de mon point de vue – un démarrage des baisses au mois de mars.

Les prévisions de Goldman Sachs sont basées sur une analyse de l'indice des dépenses de consommation personnelle aux Etats-Unis (PCE), qui est l’un des indicateurs d’inflation de prédilection de la Fed. Le chiffre annualisé sur six mois est tombé juste en dessous de 1.9% en décembre, ce qui correspond à l'objectif d'inflation de 2%. Cette baisse de l’indice a suggéré que l’inflation était en train d’être vaincue et que des réductions de taux pourraient être imminentes: en mars, avril et mai, avant la bataille électorale américaine.

Toutefois, des données plus générales suggèrent qu'il y a une faille dans cette analyse. Alors que la tendance à long terme est au ralentissement, les chiffres mensuels montrent une résilience surprenante de l’économie américaine. En janvier, les demandes d'allocations chômage ont atteint leur niveau le plus bas depuis septembre 2022, et les ventes au détail ont dépassé les attentes en décembre, alors qu’elles étaient censées diminuer. Au contraire, la consommation demeure robuste avec un marché du travail modérément tendu.

L'emploi et l'inflation étant des indicateurs rétrospectifs, je m’attendrais à ce que cette robustesse commence à se détériorer au cours des prochains mois. Les données dont nous disposons aujourd'hui et un PIB autour de 2% indiquent que les États-Unis se portent bien pour l'instant et qu'il est peu probable que nous assistions à une première réduction avant le début de l'été.

Les attentes des marchés concernant une première baisse des taux américains en mars sont passées d’une probabilité de 85% fin 2023 à environ 50%. 

Nous nous retrouvons donc dans un scénario inattendu où, bien que l'économie américaine soit nettement plus forte, il semble probable que les premières baisses de taux de la Fed, de la Banque centrale européenne (BCE) et de la Banque d'Angleterre (BoE) interviennent à quelques mois d'intervalle.

La complexité vient du fait que chaque banque centrale réduit ses taux pour des raisons différentes. Le risque de récession est réel en Europe et au Royaume-Uni, ce qui limite le mantra «higher for longer», tandis que les États-Unis sont confrontés au risque potentiel de dépasser l'objectif d'inflation à la baisse et/ou de créer un environnement de récession en maintenant les taux trop élevés pendant trop longtemps. C'est une nuance, mais elle est importante.

Parmi les trois économies, c'est au Royaume-Uni que l'inflation est la plus élevée aujourd'hui, mais elle est en train de baisser et cette tendance devrait se poursuivre pendant les mois d'été, sous l'influence de la baisse des prix de l'énergie. L'inflation des denrées alimentaires a déjà diminué de manière significative, donc si l'on y ajoute les réductions des prix de l'énergie, je pense que nous devrions voir l'inflation tomber autour de 3% à l'approche de l'été, ce qui devrait être suffisant pour que la BoE commence à réduire ses taux.

Les attentes des marchés concernant une première baisse des taux américains en mars sont passées d’une probabilité de 85% fin 2023 à environ 50%. Tant les données que les discours des banques centrales ont tempéré les attentes quant au rythme des réductions, communiquant clairement qu’elles n’étaient pas pressées de le faire.

Ainsi, bien qu’il soit possible de comprendre le point de vue de Goldman Sachs basé sur l’indice PCE, il ne s'agit pas d'un facteur suffisamment fort pour déclencher des réductions anticipées dans un contexte de données américaines robustes et de messages clairs de la part de la Fed. Les États-Unis pourraient entamer une baisse des taux au début de l'été, suivis de près par la BCE et la BoE qui ont pour seul mandat l'inflation, contrairement à la Fed qui a un double mandat de stabilité des prix et de plein emploi. Je pense que les baisses de taux auront lieu cet été même si l'inflation ne descend pas à 2% afin d’éviter que les effets négatifs d'une politique trop restrictive.

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