Un intérêt croissant pour les plans de prévoyance 1e

Emmanuel Garessus

6 minutes de lecture

Pour Julia Paoli, d'Edmond de Rothschild, les plans 1e reflètent un intérêt croissant des entreprises pour la mise en place de plans de prévoyance adaptés à un personnel plus jeune.

Julia Paoli dirige depuis début février le département prévoyance de la banque Edmond de Rothschild (Suisse) (EdR). La banque privée Edmond de Rothschild accompagne ses clients dans la planification et l’optimisation de leur prévoyance patrimoniale tant individuelle (3A) que professionnelle (libre-passage, prévoyance sur-obligatoire et prévoyance extra-obligatoire). La banque propose une approche holistique sur le sujet qui permet d’offrir des solutions uniques et adaptées à chaque étape de vie. Elle offre désormais des solutions complètes et des produits d’investissements sur le long terme grâce à des fonds OPP2 dédiés à la prévoyance professionnelle – qui se veulent à la fois accessibles, transparents et connectés. «Ces fonds sont gérés dans un pool, à la différence d’un mandat de gestion et permettent d’accéder à la prévoyance beaucoup plus tôt», déclare-t-elle à Allnews. De cette façon, l’établissement s’adresse à la génération des «Millenials», soit celle des personnes nées dans les années 1980-90. EdR a ainsi réaménagé ses mandats de gestion de prévoyance et développé des fonds accessibles à ce segment de clientèle. Julia Paoli répond aux questions d’Allnews:

Est-ce que votre offre porte sur le 2e ou le 3e pilier?

Notre offre se concentre essentiellement sur le deuxième pilier. En matière de prévoyance professionnelle, nous ciblons trois types de produits: les comptes de libre passage, les plans de prévoyance extra-obligatoires (pour les salaires à partir de 132’300 francs) ainsi que les plans de prévoyance sur-obligatoires (pour les salaires des 88’200 francs). De plus, nous proposons une analyse complète de la prévoyance globale afin de déterminer le prestataire le mieux adapté, y compris pour la prévoyance de base.

«La priorité est accordée au gain financier par rapport à d'autres considérations, bien que les critères ESG soient abordés lors des discussions.»

Nous avons élaboré une offre exclusive pour le troisième pilier, réservée uniquement à nos clients. Cette offre est disponible pour notre clientèle active dans la prévoyance professionnelle, qui peut solliciter nos solutions de troisième pilier sur mesure.

Vous avez débuté en juillet 2023. Quels sont vos objectifs pour 2024?

Mes objectifs sont multiples. Avec le soutien de ma hiérarchie, j’ai dans un premier temps effectué une véritable analyse des offres en matière de prévoyance proposées par les banques universelles et privées. Fort de ce constat, j’ai pu également m’appuyer sur le travail qui avait été fait par les équipes de Wealth Planning à Genève, le département Prévoyance au sein de Edmond de Rothschild est devenu plus indépendant. Il s’est repositionné et une nouvelle équipe avec des profils venant du secteur de la prévoyance la compose. J’ai également noué de nouveaux partenariats avec plusieurs prestataires en matière de prévoyance. Finalement, grâce aux synergies entre les métiers de banque privée et d’asset management, de nouveaux fonds d’investissement OPP2 compatibles viennent compléter notre offre « produits » aux côtés d’une gestion plus personnalisée réservée à une certaine clientèle. L’offre globale étant dorénavant prête, mon objectif principal est d’offrir un service et un accompagnement efficace et pertinent et bien évidemment que la prévoyance au sein de Edmond de Rothschild gagne en visibilité.

Sous l’angle du client lui-même, de quels produits de prévoyance doit-il se détourner?

La prévoyance est une question hautement personnelle qui nécessite une approche holistique. Doit-on privilégier un produit bancaire ou d'assurance? Une gestion individualisée ou collective? La personne concernée est-elle arrivée de l'étranger ou non? La sélection du produit adéquat découle d'une analyse minutieuse et complète effectuée en collaboration avec un de nos expertes capables d'évaluer spécifiquement une situation. Forte d'une expérience de 15 ans dans ce domaine, je constate que beaucoup pensent que la prévoyance se fige à un moment donné et ne nécessite aucun ajustement ultérieur. Cette idée est erronée. Il est déconseillé d'établir un plan de prévoyance pour une durée de 30 ans. En réalité, il est recommandé de réexaminer la question de la prévoyance environ tous les 5 ans, que ce soit pour l'entrepreneur soucieux de son entreprise ou pour l'individu assuré, afin de vérifier si les avoirs de prévoyance sont correctement investis.

La prévoyance est-elle excessivement considérée comme une assurance-vie?

Bien que l'assurance vie puisse faire partie de la prévoyance individuelle (troisième pilier), la prévoyance en Suisse englobe un ensemble de dispositifs et n'est pas exclusivement limitée à l'assurance vie.

Jusqu’où aller dans l’individualisation? Est-ce que l’épargnant formé à la finance ne peut pas lui-même obtenir un meilleur rendement à long terme que la caisse de pension et un fonds 3a?

Dans le domaine du deuxième pilier, la concurrence est très vive. Les frais liés à la prévoyance professionnelle sont notablement bas par rapport à une gestion privée.

Quel que soit le choix de l'individu, il doit accorder sa confiance à un acteur de la prévoyance, car les avoirs de prévoyance doivent se conformer à l'OPP2. Ainsi, le client est contraint de s'associer à une fondation qui, à son tour, confie la gestion des avoirs de vieillesse à une banque. En matière de prévoyance, l'individu dispose de deux alternatives : soit il souhaite gérer ses économies par le biais d'un prestataire bancaire et peut ajuster la gestion tout en respectant l'OPP2, soit il délègue entièrement la gestion des fonds à une fondation de prévoyance qui établit les tarifs et perçoit les frais.

Une considération fiscale significative entre également en jeu. Tout au long de la période de vie des fonds de prévoyance, ces montants ne sont pas inclus dans la fortune et les revenus sont exonérés d'impôt. Ainsi, la prévoyance professionnelle constitue un produit qui adoucit la charge fiscale de l'assuré.

En quoi les fonds que vous proposez se distinguent-ils de la concurrence?

La gamme de fonds Edmond de Rothschild dédiée à la prévoyance se distingue de la concurrence à différents niveaux.

Conscients de l’importance des actifs liés à la prévoyance, nous avons voulu offrir à nos clients une solution simple, reflétant au plus juste les rendements des marchés et ce à une tarification avantageuse. Ainsi, nos fonds LPP sont gérés passivement via des fonds indiciels et proposent une allocation diversifiée et transparente sur un grand nombre de classes d’actifs.

«La création de nouveaux fonds, plus risqués en terme d’allocation actions, et des fonds thématiques adaptés à la sensibilité de nos clients sont en cours de réflexion.»

Aussi, les indices de référence liés à la prévoyance professionnelle ont généralement une part actions situées autour de 25% pour les profils défensifs et 40% pour les profils équilibrés. Nous avons décidé, chez Edmond de Rothschild, de réhausser cette part actions à 30% pour le profil défensif et 45% pour le profil équilibré afin de tirer parti de la croissance du capital supplémentaire qu’offre cette classe d’actifs à long terme. La création de nouveaux fonds, plus risqués en terme d’allocation actions, et des fonds thématiques adaptés à la sensibilité de nos clients sont en cours de réflexion.

La notion de placement défensif n’est-elle pas remise en cause par un cycle d’inflation persistant?

Les avoirs de prévoyance s'inscrivent dans un horizon temporel bien plus étendu que 3 ou 5 ans. La préférence des clients pour des investissements conservateurs justifie l'intérêt pour des produits indiciels, notamment axés sur les obligations, dans une perspective de 15 à 20 ans et selon une approche diversifiée.

Que recommandez-vous en matière de prévoyance à un «Millenial» tel qu’un entrepreneur de 35 ans qui réside en Suisse et entend y rester?

Pour un entrepreneur âgé de 35 ans percevant un salaire de 200’000 francs, la quête d'un produit de prévoyance sur mesure est cruciale. Opter pour un produit d'investissement bancaire (adapté à un salaire dépassant les 132’300 francs) lui offrirait une grande liberté en matière d’investissement et répondrait parfaitement à ses besoins.

Et pour un jeune salarié de 35 ans?

Il est important de souligner que ce n'est pas le salarié, mais bien l'employeur qui a le pouvoir de décider du prestataire pour la prévoyance. Il convient alors de faire la distinction entre un produit d'assurance complète, désormais proposé par seulement cinq acteurs, et un produit d'assurance semi-autonome. A mon avis, l'assurance complète n'est plus en phase avec le marché, car elle est coûteuse et offre un rendement trop faible.

Avec les produits semi-autonomes, la caisse de pension place les fonds via un prestataire bancaire. Au cours des dix dernières années, leur performance a dépassé celle des assurances complètes. Ce type de produit répond aux besoins de la grande majorité des profils de salariés. Toutefois, pour les salariés bénéficiant de revenus plus élevés, dotés de solides connaissances financières et à la recherche de solutions fiscalement avantageuses, une stratégie de placement individuelle est particulièrement adaptée.

Est-ce que dans vos fonctions, vous rencontrez vraiment des millenials?

Je suis en relation avec des individus de tout âge. Par exemple, cet après-midi, je vais rendre visite à une entreprise d'investissement où la moyenne d'âge est de 35 ans et la personne la plus âgée a 48 ans. L'employeur envisage de mettre en place un plan 1e afin d'attirer les talents. Ce plan permettra aux assurés de sélectionner des fonds et d'investir progressivement leur avoir de vieillesse selon leurs préférences. Il est essentiel de rendre accessible et attractif un sujet aussi important que la prévoyance

Est-ce que les plans 1e sont en train de repartir?

C’est une demande représentative de la tendance actuelle, car depuis le début de cette année, j'ai des demandes similaires pour des entreprises dont la moyenne d'âge des salariés se situait entre 30 et 35 ans. Cela reflète un intérêt croissant des entreprises pour la mise en place de plans de prévoyance adaptés à un personnel plus jeune.

Quelles sont les principales demandes de la part de ces entreprises? Est-ce une solution durable, la maximisation du rendement ou une solution dérisquée?

La priorité est accordée au gain financier par rapport à d'autres considérations, bien que les critères ESG soient abordés lors des discussions. En ce qui concerne les investissements, l'objectif est de satisfaire trois exigences principales : la flexibilité, l’optimisation de la performance et la digitalisation.

Quelle est votre interprétation des diverses tendances que vous observez sur les 3 votations de cette année sur la prévoyance?

En tant qu'experte, je constate que l'année 2024 se profile comme une année cruciale pour la prévoyance, notamment en ce qui concerne les votations. Il ne manque plus qu'un sujet concernant le 3e pilier pour que l'ensemble soit complet. Je suis convaincue que le sujet de la prévoyance est complexe et souvent mal expliqué. Lorsqu'un électeur ne comprend pas pleinement un enjeu et que seuls les politiciens, par nature orientés, en parlent et l'expliquent, cela crée un a priori négatif chez les électeurs. Malheureusement, un vote négatif résulte souvent d'un manque de compréhension ou d'une complexité excessive du sujet.

Préféreriez-vous une dépolitisation de la prévoyance?

Il est essentiel que les experts de la prévoyance informent les assurés de manière neutre et en se concentrant sur les aspects techniques. En effet, un citoyen ne peut prendre position que s'il a pleinement saisi tous les enjeux. Ces dernières semaines, Le département Prévoyance Edmond de Rothschild a justement organisé des rencontres et convié divers intervenants, sans donner de consignes politiques, dans un souci d'information.

Est-ce qu’au final l’assuré ne regarde pas avant tout le taux de conversion lors du choix de prévoyance d’une entreprise, toutes choses étant égales par ailleurs?

Je comprends votre point de vue, et votre expérience avec le cas d'une personne de 52 ans qui a changé d'emploi et bénéficié d'une forte augmentation de salaire est très instructive. Vous avez géré le transfert de son avoir de vieillesse vers sa nouvelle entreprise, assurée par la même société de prévoyance mais avec un autre plan de prévoyance. Bien que le taux de conversion, la fondation et les avoirs de prévoyance soient restés inchangés, l'écart important constaté dans sa rente de vieillesse future avec sa nouvelle entreprise a suscité son étonnement.

En effet, il est crucial de noter que le plan de prévoyance légal mis en place par son nouvel employeur peut être minimal pour diverses raisons telles que des contraintes budgétaires, un manque d'intérêt ou d'autres considérations propres à l'entreprise. Il est donc clair que le taux de conversion seul n'est pas déterminant. Ce qui importe réellement, c'est de prendre en compte les cotisations futures, la déduction de coordination, le seuil d'entrée minimal, le salaire assuré maximal, l'échelle d'épargne de prévoyance, la contribution de l'employeur, ainsi que la gestion ou non de la rémunération. Un plan de prévoyance comprend en effet une multitude de critères qui doivent être analysés en détail, et qui peuvent faire une énorme différence dans les prestations futures.

Il est donc fondamental de se faire accompagner par de véritables spécialistes pouvant apporter un éclairage en matière de prévoyance, piller de notre système social.

A lire aussi...