Le Brésil a annoncé son intention de mettre en place un fonds de 125 milliards de dollars pour la préservation des forêts tropicales. Il s’agit d’un élément clé du plan national visant à assurer le succès de la prochaine Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP30), qui se tiendra au Brésil. A l’heure où certaines des économies les plus riches de la planète réduisent leurs budgets d’aide aux pays étrangers, et tandis que les Etats-Unis tournent purement et simplement le dos à l’action climatique, le monde a-t-il réellement besoin d’un autre fonds pour le climat ?
Ces 30 dernières années, plus de 60 fonds multilatéraux ont vu le jour pour financer l’action climatique dans les pays en voie de développement. La plupart de ces fonds demeurent limités et obscurs, seulement 19 entités significatives – dont le Fonds vert pour le climat (FVC), le Fonds mondial pour l’environnement (FEM), le Fonds d’adaptation au changement climatique (FACC), et les Fonds d’investissement climatiques (FIC) – rendent compte publiquement de leurs activités.
En théorie, chaque entité remplit un objectif utile, et certaines gagnent du terrain. Le FVC s’est notamment imposé comme le deuxième plus grand fournisseur multilatéral de financements climatiques sous forme de subventions aux pays les plus vulnérables (après la Banque mondiale). Dans l’ensemble, les contributions de ces entités se révèlent toutefois décevantes. En 2021-2022, les 19 fonds suivis par le Comité permanent des finances de l’ONU ont fourni seulement 3,7 milliards de dollars – soit environ 195 millions de dollars par fonds – bien en dessous des 55,7 milliards que les banques multilatérales de développement ont collectivement mobilisés pour l’action climatique, et très loin des milliers de milliards de dollars dont les économies en voie de développement ont besoin chaque année pour combler l’insuffisance des financements de lutte contre le changement climatique.
L’un des principaux problèmes réside dans le fait que les donateurs ne se bousculent pas pour financer ces entités. Les Etats-Unis, première économie mondiale et plus grand émetteur historique de gaz à effet de serre, se sont engagés à verser seulement 17,5 millions dollars au Fonds de réponse aux pertes et préjudices (FRLD) si souvent évoqué, dont la création a été décidée lors de la COP28 à Dubaï. Dans le cadre de la COP29 de Bakou, le FACC a largement échoué à atteindre l’objectif de financement de 300 millions de dollars qu’il s’était fixé, avec pour conséquence une difficulté de ce fonds à ne serait-ce que financer les projets déjà engagés.
Ces contributions modestes sont aujourd’hui elles-mêmes sur le point de se tarir. L’administration du président Donald Trump a fait sortir les Etats-Unis de l’accord de Paris sur le climat, abandonné le FRLD ainsi que plusieurs autres fonds, et démantelé l’appareil américain d’aide aux pays étrangers. Bien que les économies riches n’emboîtent pas toutes le pas aux Etats-Unis, beaucoup d’entre elles – Allemagne, Belgique, Canada, Finlande, France, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède, Suisse, ou encore Union européenne – réduisent également leurs dépenses dans ce domaine.
Aux côtés des Etats-Unis, ces donateurs représentaient en 2021-2022 pas moins de 69% des engagements bilatéraux climatiques en faveur des pays en voie de développement, et ont apporté 74% des contributions aux fonds pour le climat depuis 2003. Autrement dit, la mobilisation de fonds pour l’action climatique, qui a toujours constitué une tâche difficile, devient aujourd’hui herculéenne, ce qui signifie que les Etats vont devoir trouver les moyens d’accomplir davantage avec moins de ressources. La dernière chose dont le monde ait besoin, c’est d’une situation dans laquelle ces capitaux seraient canalisés dans un système fragmenté et inefficace, composé de dizaines de fonds à l’épaisseur limitée.
Les fonds pour l’action climatique ont été créés dans le but de combler les insuffisances des institutions multilatérales telles que la Banque mondiale. Ils confèrent par exemple aux entités nationales et régionales un «accès direct» à des financements, favorisant ainsi l’autonomie décisionnelle et le renforcement des capacités institutionnelles. Leur envergure réduite et leur multiplicité étaient par ailleurs censées encourager une compétition saine, et offrir davantage d’options aux pays bénéficiaires.
Or, le paysage des fonds pour le climat est devenu si encombré – chaque entité appliquant ses propres règles d’accréditation, processus d’approbation et contraintes de conformité – que leurs bénéficiaires doivent aujourd’hui traverser un véritable labyrinthe bureaucratique pour accéder à un quelconque financement. Ces formalités administratives, qui ralentissent considérablement les décaissements, se révèlent particulièrement lourdes pour les pays les plus vulnérables face au changement climatique, tels que les petits États insulaires en voie de développement, dont les capacités institutionnelles sont déjà très limitées.
Comme si cela ne suffisait pas, les coûts de fonctionnement de ces fonds sont vertigineux. A titre d’illustration, les frais généraux du Fonds spécial relatif aux changements climatiques ont représenté en 2019-2021 plus de la moitié de ses engagements de projets. Ce n’est pas tout à fait ce que l’on pourrait qualifier d’utilisation optimale des fonds consacrés au climat.
Il convient également de souligner que si les fonds pour le climat sont généralement censés mobiliser de «nouveaux financements supplémentaires», cet objectif est rarement rempli. Les fonds ont davantage tendance à puiser dans une réserve fixe d’argent public liée au développement durable, couvrant différents projets relatifs au climat, tels que la santé, l’éducation et la lutte contre la pauvreté.
Plutôt que de créer un énième fonds pour le climat, les délégués de la COP30 devraient se concentrer sur la rationalisation des financements climatiques. Une poignée de fonds, présentant des normes et processus harmonisés, serait beaucoup plus adaptée pour mobiliser des financements efficaces et accessibles, tout en minimisant le gaspillage d’argent.
L’expérience démontre qu’une telle démarche pourrait se heurter à une résistance considérable. Les FIC étaient supposés constituer une solution provisoire, qui devait être abandonnée après la montée en puissance du FVC. Leur comité directeur a toutefois supprimé en 2019 leur clause d’expiration, insistant sur leur pertinence continue, malgré les objections d’un certain nombre d’experts et d’organisations de la société civile.
Pour que les futurs efforts de mise en place d’une architecture de financement de l’action climatique ne soient pas contrariés de la même manière, les puissants acteurs devront user de leur influence. C’est de ce genre de leadership climatique dont le monde a besoin de la part du Brésil.
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