
A la mi-mars, Lee Zeldin, l'administrateur de l'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA), nouvellement confirmé par le président Donald Trump, a annoncé que l'EPA entreprenait un réexamen formel de sa «conclusion de mise en danger». L'administration Trump n'a jamais caché son désir d'annuler la déclaration de 2009 selon laquelle les émissions de gaz à effet de serre (GES) mettent en danger «à la fois la santé publique et le bien-être des générations actuelles et futures». En d'autres termes, Donald Trump souhaite revenir sur l'affirmation du gouvernement américain selon laquelle le changement climatique est réel et causé par l'homme.
Ce constat scientifique découle d'un arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis de 2007, selon lequel divers GES sont des polluants couverts par la loi sur la qualité de l'air (Clean Air Act). La Cour a estimé que l'EPA devait déterminer si les émissions de GES des nouveaux véhicules à moteur «causent ou contribuent à une pollution de l'air dont on peut raisonnablement penser qu'elle met en danger la santé ou le bien-être du public». Pour être clair, l'arrêt n'ordonne pas à l'EPA de réglementer les émissions de gaz à effet de serre. Mais si l'agence constate que les émissions causent ou contribuent à la pollution de l'air, la loi sur la qualité de l'air l'oblige à établir des normes de qualité de l'air qui reflètent fidèlement «les dernières connaissances scientifiques».
Pour ce faire, l'EPA a dû étudier la littérature scientifique, évaluer les risques existants et émergents sur la base de cette science, et évaluer les coûts et les avantages associés à d'autres options de réglementation potentielle. L'agence a ensuite publié un avant-projet de ses conclusions et de ses options politiques pour une période de consultation publique de 60 jours, et elle a dû répondre publiquement à chaque commentaire tout en révisant le document.
Après avoir publié une version finale de ses conclusions sur la mise en danger et la «cause ou contribution» – cette dernière reconnaît que les émissions de GES des nouveaux véhicules à moteur contribuent à la pollution atmosphérique – en décembre 2009, l'EPA a commencé à concevoir sa réponse et à mettre en œuvre les mesures appropriées. Mais la réaction a été presque immédiate. En juillet 2010, l'agence avait reçu et rejeté dix demandes de réexamen des deux conclusions. En juin 2012, à la suite d'un groupe de poursuites judiciaires, la Cour d'appel des États-Unis pour le circuit du district de Columbia a confirmé la conclusion de mise en danger. Plus tard, en avril 2022, l'EPA a rejeté quatre autres demandes de réexamen.
Mais aujourd'hui, avec un président américain qui qualifie le changement climatique de «canular» et qui suit un plan pour limiter la politique environnementale et climatique des Etats-Unis au nom de l'extraction des combustibles fossiles et de la déréglementation, l'EPA a brusquement changé de cap. Les raisons invoquées pour réexaminer le constat de mise en danger sont ténues. Elles reposent en partie sur de fausses affirmations concernant le programme climatique, notamment le fait qu'il a imposé aux Américains des coûts se chiffrant en milliards de dollars.
Il n'en reste pas moins que l'EPA a un chemin difficile. Avant de parvenir à la conclusion inverse, à savoir que les émissions de gaz à effet de serre ne mettent pas en danger la santé et le bien-être des populations, l'agence doit entreprendre le même processus, rigoureux et en plusieurs étapes, que celui qui a abouti à la conclusion de 2009. De plus, elle doit maintenant faire face à un corpus de preuves scientifiques beaucoup plus important concernant les dommages observés et prévus de ces émissions : les seize dernières années ont donné lieu à de nombreuses recherches soulignant les effets néfastes des émissions de gaz à effet de serre.
La gravité de la crise climatique est apparue plus clairement en 2019, lorsque quinze scientifiques ont publié dans la revue Science une analyse de la littérature scientifique de l'époque. Ils ont conclu que, depuis 2009, «la quantité, la diversité et la sophistication des preuves» avaient «augmenté de façon marquée, renforçant clairement l'argument de la mise en danger». En 2023, la sixième évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a confirmé le message en constatant que «les effets néfastes du changement climatique d'origine humaine continueront de s'intensifier». Le rapport souligne qu’ils s'aggravent plus rapidement que jamais.
Le simple fait de se lancer dans une réévaluation officielle du constat de mise en danger pourrait produire l'effet souhaité par l'administration Trump: un recul massif de l'action climatique au niveau fédéral. C'est déjà le cas dans une certaine mesure. L'EPA a annoncé son intention de supprimer sa branche de recherche scientifique, alors que presque toutes les agences américaines dépendent de la science climatique qu'elle produit.
En outre, les nouveaux dirigeants des nombreux ministères qui soutiennent la recherche sur le réchauffement climatique – de la Santé et des Services sociaux (qui abritent les Instituts nationaux de la santé) au Commerce (qui abrite l'Administration nationale océanique et atmosphérique) – partagent largement le climato-scepticisme de Donald Trump. Le réexamen par l'EPA du constat de mise en danger leur donnera une couverture pour défrayer les programmes scientifiques existants, interrompre la collecte de séries de données précieuses, rejeter les propositions de recherche créatives, geler les embauches du gouvernement et entreprendre des réductions de personnel à grande échelle.
Le mépris de l'administration Trump pour la science, associé à des coupes sombres dans le financement de la recherche pour les universités, les ONG et le secteur privé, pourrait finir par décourager toute une génération de jeunes d'étudier le changement climatique. Quelle que soit la décision de l'EPA concernant le constat de mise en danger, il est presque certain que le processus s'éternisera, qu'il donnera lieu à de multiples procès et qu'il ira jusqu'à la Cour suprême – à ce moment-là, le mal sera peut-être déjà fait. Le démantèlement du programme de recherche sur le climat le plus prodigieux au monde menace de nuire aux Américains – et à tous.
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