Les fonds de pension pourraient facilement augmenter leur rendement

Jean Keller, Quaero Capital

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Sans prendre plus de risques mais en optimisant simplement leur stratégie d'investissement, les caisses de prévoyance pourraient offrir de meilleures rentes à leurs assurés.

Les statistiques des fonds de pension compilées sur 20 ans par la Confédération1 montrent que, en contribuant à plus de CHF 500 milliards à nos actifs de retraite, la performance des investissements pèse plus que les cotisations des employeurs et des employés. Ainsi, par son rôle de plus grand contributeur à la prévoyance, le rendement des placements s’avère essentiel pour le bon fonctionnement de notre système de retraite. Il est donc important de tout faire pour obtenir la meilleure performance possible, car c’est elle qui permet à la moyenne de nos institutions de 2e pilier suisses d’afficher un taux de couverture de l’ordre de 118% (ajusté aux actifs), gage de la bonne santé de nos caisses.

Une prudence excessive?

Ce sont les Conseils de fondation qui ont la mission difficile de déterminer l’allocation d’actifs à long terme qui doit permettre à leur caisse de pension de faire face à ses engagements en termes de prestations de retraite ou en cas de décès, tout en étant capables de résister aux fluctuations de marchés sur la durée pour préserver leur solidité et leur crédibilité. A cet égard, on comprend bien que la quantité de risque prise est un facteur critique pour lui permettre de bénéficier pleinement ou non de l’évolution des différents marchés financiers et ainsi atteindre ses objectifs de performance.

Le rôle du Conseil de fondation est bien entendu de limiter la prise de risque. Mais il est également de s’assurer que la caisse dont ils ont la responsabilité remplisse son rôle et atteigne ses objectifs de performance.

C’est pourquoi, afin d’explorer les améliorations potentielles dans les politiques de placement de nos caisses de retraite, l’Association Suisse d’Asset Management (AMAS) a récemment mandaté la société de conseil WTW pour qu’elle analyse et quantifie leur capacité à prendre du risque et qu’elle mesure leur potentiel de performance2. Les conclusions de cette étude sont particulièrement remarquables. Tout d’abord, il est rassurant de relever que la première constatation est que nos fonds de pension contrôlent leur risque d’investissement de manière satisfaisante. Toutefois, plus de 75% d’entre eux pourraient l’augmenter sans pour autant mettre en péril leur équilibre structurel. En étant trop restrictives en matière de risque et en imposant trop de contraintes sur les placements, ces caisses restreignent leur capacité à performer sur le long terme. A cet égard, rappelons que le risque va dans les deux sens: autant il faut absolument éviter de plonger une caisse dans les chiffres rouges, autant une performance insuffisante peut être catastrophique sur le long terme pour garantir les prestations futures.

La différence entre une retraite redoutée et une retraite espérée

Le second enseignement est que, sans même augmenter leur niveau de risque mais simplement en optimisant leur politique d’investissement, la plupart des fonds de pension suisses pourraient augmenter leur rendement. Sans entrer dans des considérations techniques qui sont longuement détaillées dans l’étude, il apparaît clairement qu’une trop grande pondération dans les actifs domestiques et les obligations limite le potentiel de performance. A l’inverse, une trop grande timidité par rapport aux placements alternatifs (hedge funds, infrastructure et private equity) restreint la performance potentielle – sans oublier que la décorrélation de ce type d’investissements constitue un avantage particulièrement intéressant en période de volatilité, comme celle que l’on traverse actuellement. Ce n’est pas anodin car la différence en termes de prestations aux assurés peut être considérable! En effet, en exploitant le potentiel d’augmentation du rendement, l’étude calcule qu’à risque égal, les 25% des institutions de prévoyance ayant la plus grande marge d'efficience pourraient augmenter leur rendement attendu de 0,84% par an en moyenne. Sur un horizon de 10 ans (ce qui est peu), cela augmenterait déjà les prestations assurées d'environ 11,7% par personne assurée. Pour de nombreuses personnes, une telle amélioration de leur rente future pourrait faire une différence très importante et leur permettre de ne pas redouter le moment de leur retraite.

La responsabilité fiduciaire des Conseils de fondation

Le rôle du Conseil de fondation est bien entendu de limiter la prise de risque. Mais il est également de s’assurer que la caisse dont ils ont la responsabilité remplisse son rôle et atteigne ses objectifs de performance. C’est uniquement à ce prix qu’elle – et notre système de retraite (qui compte parmi les meilleurs au monde) avec elle – pourra rester pérenne. A cet égard, il faut avouer que le cadre réglementaire est parfois très contraignant pour des Conseils de milice et qu’une trop grande concentration sur le risque absolu peut les amener à faire passer au second plan les objectifs de placement sur le long terme. 

Au cours des dernières années, les coûts de notre système de retraite ont fait couler beaucoup d’encre et ont concentré sur eux une bonne partie du débat politique. Certes, ceux-ci ne sont pas à négliger, mais il faut les mettre en relation avec les résultats obtenus. Car il ne sert à rien d’obtenir la gestion la moins chère si sa performance reste décevante et que ses objectifs ne sont pas atteints. Les récents débats sur le taux de conversion doivent donc être mis en relation avec une analyse sans complaisance de la capacité de notre système de retraite à atteindre les objectifs que nous lui avons fixés.

 

1 Office fédéral de la statistique, Statistique des caisses de pension.

2 AMAS, «Risk capacity and investment risks of Swiss pension funds», janvier 2025.

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