Dans la dynamique des marchés actions globaux, le contraste entre l’année 2024 et les quatre premiers mois de 2025 est saisissant: les performances en USD des indices (S&P 500 ou MSCI World) sont négatives ou proches de zéro. Et, en raison de la faiblesse marquée du billet vert cette année, elles deviennent franchement négatives lorsqu’on les mesure en EUR ou en CHF. C’est un premier constat. Mais sous la surface, les changements sont bien plus profonds.
Le recul des anciens leaders
En effet, les grands gagnants des années précédentes, notamment les célèbres «Magnificent 7», sont aujourd’hui en difficulté. De fait, au 30 avril 2025, ils affichent tous une variation négative en USD depuis le début de l’année, ce qui les place largement dans le rouge si l’étalonnage se fait en EUR ou en CHF.
Les plans d’investissement annoncés par les Magnificent 7 pour la période 2024-2029 sont d’une ampleur inédite.
Pourquoi un tel retournement?
Certes, les incertitudes entourant les projets de droits de douane de Donald Trump ou ses velléités d’influencer les décisions monétaires de la Federal Reserve ont pu peser. Mais il est important de noter que la faiblesse des Magnificent 7 a commencé bien avant ces annonces. D’ailleurs, à fin avril, une bonne partie des pertes boursières liées aux déclarations du président américain avait déjà été résorbée. Cela remet donc en cause l’idée selon laquelle les seules tensions politiques ou commerciales sont responsables des remous récents.
Des signaux précurseurs dès fin 2024
Certes, les Magnificent 7 ne constituent pas un bloc homogène et leurs modèles d’affaires sont très divers. Pourtant deux constats majeurs s’imposaient déjà fin 2024:
- Des valorisations tendues, parfois très élevées. L’engouement et un optimisme peut-être exagéré à propos de l’Intelligence Artificielle ont alimenté une prime de valorisation pour ces leaders, d’autant plus que ceux-ci affichaient collectivement des niveaux enviables de profitabilité et de positions de marché dominantes.
- Une intensité capitalistique en forte hausse. Depuis 2014, le montant brut des immobilisations corporelles de ces entreprises a souvent été multiplié par plus de 10. Cela reflète les investissements colossaux dans le cloud et l’IA.
Capex massif: un changement structurel
Sur ce deuxième point, on remarque que le ratio Immobilisations Corporelles/Ventes a fréquemment triplé en l’espace de dix ans, passant dans certains cas de 35% à 100%. En d’autres termes, s’il fallait 35 cents d’«outil industriel» pour réaliser 1 dollar de ventes en 2014, il en faut aujourd’hui 1 dollar.
Cette tendance ne devrait pas faiblir. En effet, les plans d’investissement annoncés par les Magnificent 7 pour la période 2024-2029 sont d’une ampleur inédite. En parallèle, les dépenses de renouvellement («maintenance capex») vont également peser sur les flux de trésorerie disponibles.
C’est la raison pour laquelle l’analyse financière conduit en général à ne pas attribuer de prime importante de valorisation pour les entreprises ayant une intensité capitalistique élevée (l’exemple extrême étant des activités telles que l’aciérie ou la construction automobile, qui sont, de plus, très sensibles aux variations du cycle économique).
Des fondamentaux solides, mais un réajustement logique
Bien sûr, les perspectives d’activité des Magnificent 7 restent solides et leurs résultats à venir devraient rester excellents. Toutefois, leurs performances boursières relativement décevantes cette année s’expliquent probablement par une réévaluation de leurs valorisations, plus que par une remise en cause de leurs fondamentaux.
Vers une diversification raisonnée
Un portefeuille d’actions internationales peut difficilement se passer de toutes ces compagnies. Cependant leur poids relatif mérite d’être reconsidéré à la lumière de l’évolution de leurs bilans et de leurs perspectives d’investissement.
Les opportunités d’investissement dans les actions globales sont légion, ailleurs que dans les simples Magnificent 7, que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis. Dans ce contexte de valorisations élevées et d’incertitudes sur la croissance économique mondiale, un travail rigoureux sur les modèles économiques, la soutenabilité des marges, les valorisations et la qualité des bilans reste plus que jamais essentiel.