Commercer plus efficacement: comment la technologie transforme le marché des obligations

Lee Sanders, AXA Investment Managers

2 minutes de lecture

L’intelligence artificielle annonce la prochaine percée technologique. Il s’agira d’y conjuguer la numérisation et la capacité humaine de jugement.

©Keystone

 

Ces dernières décennies, le négoce des obligations a connu une transformation remarquable, l'amenant vers un traitement hautement automatisé des transactions, s’appuyant sur les données numériques, et le hissant à un niveau totalement inédit en termes de rapidité, de modulabilité et d’efficience. Deux développements fondamentaux ont favorisé ce changement : les innovations technologiques et l’automatisation croissante. Aujourd’hui, le marché mondial des titres obligataires atteint un volume de plus de 141’000 milliards de dollars*, et les obligations se négocient 24 heures sur 24.

Il y a 30 ans à peine, le commerce des obligations se déroulait encore presque entièrement manuellement: les gestionnaires de portefeuilles rédigeaient leurs ordres de transaction à la main, les passaient à des courtiers, qui négociaient alors les prix au téléphone ou au moyen de terminaux Bloomberg, et exécutaient finalement les ordres manuellement - un processus fastidieux et fréquemment source d’erreurs, ce qui à terme, n’était tout simplement plus viable dans un monde de la finance en pleine accélération.

L’avènement des machines

Pour répondre à cette inefficacité, la solution allait provenir de l’automatisation. L’introduction des systèmes de gestion des commandes (en anglais: OMS) apporta un premier changement fondamental. Avec la mise en œuvre de plateformes telles que Simcorp, LatentZero, Minerva ou Charles River, il fut possible, pour la première fois, d’élaborer les ordres de trading par voie électronique et de les transmettre directement au service commercial. Cela résulta en une accélération des transactions et en un traitement plus précis des ordres. Parallèlement, ces systèmes permirent de grouper les ordres de trading selon des critères tels que la devise employée ou le type d’obligation, en les traitant de façon plus efficace. Par ailleurs, les transactions furent centralisées : les ordres arrivèrent immédiatement aux services concernés - par exemple les traders en crédit ou les traders sur les marchés émergents - ce qui réduisit considérablement le temps nécessaire à l’exécution des ordres.

Les systèmes de transaction furent de plus en plus alimentés en données numériques, de sorte à rendre possibles des décisions plus avisées. En plus des OMS, on vit apparaître les systèmes de gestion des exécutions (en anglais: EMS), capables d’intégrer les données commerciales internes et externes, les cours en temps réel et les données indiquant le niveau d’intérêt à négocier (« Axe »), entraînant ainsi une plus grande efficience.

Après la centralisation des ordres, l’attention se porta de plus en plus sur leur exécution. Le négoce des titres à revenu fixe peut être grossièrement classé en deux groupes: les ordres «low-touch» (à ‘contenu humain’ faible), à savoir de petits mandats concernant des obligations liquides telles que les obligations d’État ou les titres de première qualité, et les ordres «high-touch» (à ‘contenu humain’ élevé), c’est-à-dire des mandats de volume plus important concernant des placements moins liquides, par exemple dans les obligations de pays émergents ou les obligations à haut rendement.

En matière d’ordres low-touch, se sont les réseaux de communication électroniques (en anglais : ECN) qui se sont imposés. Les connexions FIX (relevant d’un protocole de communication pour le commerce international) permettaient désormais de déclencher les transactions en temps réel et de soumettre des demandes simultanément à plusieurs contreparties. Le trading électronique prit rapidement de l’ampleur, en couvrant des aspects allant de la demande individuelle de prix aux transactions concernant des portefeuilles entiers de titres obligataires.

La prochaine étape: un trading plus intelligent, plus rapide, plus numérique

Du côté acquéreur, le trading électronique a apporté aux services commerciaux la modulabilité, l’efficience et l’interconnexion mondiale. Même les transactions négociées individuellement passent aujourd’hui par les plateformes numériques - soutenues par un nombre croissant de fournisseurs de liquidité alternatifs. Les nouvelles sources de données permettent de prendre des décisions plus averties, d’avoir des références plus précises et de procéder à une meilleure analyse des coûts de transaction.

Si l’on porte son regard vers l’avenir, on s’aperçoit que l’intelligence artificielle (IA) est appelée à jouer un rôle déterminant dans les prochains développements du négoce des obligations. Les systèmes s’appuyant sur l’IA ont le potentiel d’augmenter encore l’efficience des transactions, en priorisant, optimisant et exécutant les ordres de façon automatique. Notamment dans le domaine des portefeuilles n’ayant qu’une faible fréquence de rotation, l’IA pourrait contribuer à réduire les efforts administratifs et ainsi, à laisser aux gestionnaires de portefeuilles plus de temps à consacrer à la réflexion stratégique. Alors qu’en termes de mise en pratique dans le négoce des titres obligataires, l’IA n’en est qu’à ses balbutiements, le passé nous montre abondamment à quelle vitesse les avancées technologiques peuvent ouvrir la voie à l’établissement de nouvelles normes.

En dépit de toutes ces innovations, l’être humain continue à y occuper un rôle central. Les traders expérimentés savent quand et comment se servir de la technologie afin d’obtenir les meilleurs résultats pour leurs clients. L’interaction entre les nouvelles technologies et le savoir-faire spécialisé des traders ne conduit pas seulement à des avantages financiers, mais forme également une base pour des avancées futures. Dans un univers de marché dynamique, il est primordial de savoir rester aussi bien agile que curieux. En effet, si la technologie fournit le cadre opérationnel, c’est en fin de compte la capacité de jugement de l’être humain qui détermine la réussite.


* Bond Market By Size, Share and Forecast 2030F | TechSci Research

A lire aussi...