La société Trafigura écope d’une amende de 3 millions de francs pour son implication dans la corruption de l’ex-CEO d’une société pétrolière angolaise. Des peines de prison, assorties du sursis partiel ou complet, ont été prononcées contre les autres accusés vendredi.
Devant le Tribunal pénal fédéral, Trafigura Beheer BV était accusée de ne pas avoir pris les mesures nécessaires à l’interne pour empêcher des paiements illicites en faveur du patron de la Sonangol, une filiale de la Société nationale des pétroles angolais. Les faits se sont déroulés entre 2009 et 2011.
L’amende de 3 millions de francs - le Ministère public de la Confédération (MPC) avait requis le montant maximum de 5 millions prévu par la loi - est assortie d’une créance compensatrice de 145 millions de dollars. Versée à la Confédération, cette somme correspond aux profits illicites réalisés.
Lors de l’annonce du verdict, le président a expliqué les motifs qui ont amené la Cour des affaires pénales à s’écarter du montant réclamé par le Parquet. Les juges ont tenu compte des mécanismes de compliance efficaces mis en place par Trafigura et des efforts consentis depuis les faits.
Contrats d’affrètement
L’ancien patron de la Sonangol est reconnu coupable de corruption passive pour avoir reçu des avantages d’une valeur de quelque 6,4 millions de dollars. Ce double national angolais et portugais de 61 ans écope de la sanction la plus lourde avec 36 mois de prison, dont 14 fermes.
Une créance compensatrice de près de 1,2 million de francs est également mise à sa charge. Enfin, une somme de plus de 5 millions, déposée sur un compte à Genève, est confisquée
La Cour des affaires pénales a estimé que l’ex-numéro deux de Trafigura ne pouvait ignorer le schéma corruptif mis en place au sein de sa société entre 2009 et 2011 afin d’obtenir de la Sonangol des contrats d’affrètement et de soutage de navires. Ce Britannique de 51 ans est condamné à 32 mois de prison, dont 12 fermes, pour corruption active d’un agent public étranger.
En deçà des réquisitions
Le troisième homme est un Suisse de 60 ans qui a joué un rôle d’intermédiaire dans certaines transactions. Il est également condamné pour corruption active. Les juges de Bellinzone lui accordent cependant le sursis complet pour la peine de 24 mois prononcée vendredi.
Outre l’amende de 5 millions contre Trafigura, le MPC avait requis des peines de 54 mois contre l’ex-CEO, de 4 ans contre l’ancien numéro deux de Trafigura et de 3 ans contre l’intermédiaire suisse.
Les frais de la cause, soit 193’291 francs, sont mis à la charge des prévenus, à hauteur de quelque 60’988 francs pour Trafigura et de près de 54’987 francs pour le CEO de la Sonangol. Le cadre britannique et l’intermédiaire suisse devront rembourser environ 38’658 francs chacun.
Regrets et satisfaction
Dans une réaction, Trafigura dit regretter la décision du Tribunal pénal fédéral et examiner actuellement la situation. La société souligne qu’elle a consacré des ressources importantes au renforcement de son programme de conformité au fil des ans.
Cela inclut des mesures de formation, un renforcement continu de ses politiques, procédures et contrôles de conformité, ainsi que la décision prise en 2019 d’interdire le recours à des tiers pour développer l’activité commerciale, énumère-t-elle.
De son côté, le MPC fait part de sa satisfaction quant à ce jugement qui marque une étape importante dans cette affaire. Même s’il n’est pas définitif - il peut être encore contesté devant la Cour d’appel du Tribunal pénal fédéral - c’est la première fois en Suisse qu’une entreprise est condamnée par un tribunal avec l’un de ses anciens hauts dirigeants pour des faits de corruption d’agents publics étrangers, relève le Parquet.
Pour l’ONG Public Eye, qui avait révélé les faits il y a plus de dix ans, «ce verdict sonne comme un avertissement à l’ensemble du secteur des matières premières». Elle se félicite que la justice suisse semble toujours plus décidée à remonter la chaîne des responsabilités.