«Nous développons une stratégie de croissance»

Emmanuel Garessus

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Lionel Pilloud et Rémy Savoya, de BIL Suisse, présentent leurs projets de croissance tant dans le financement d’entreprises que dans la gestion de fortune.

 

Le financement d’entreprises est l’un des métiers qui attire le plus les regards en ce début d’année. Après la fin de Credit Suisse, plusieurs entreprises n’hésitent pas à exprimer sur les difficultés à obtenir un financement de qualité auprès des acteurs suisses.

Les banques étrangères en Suisse déclarent leurs ambitions sur ce créneau. BIL Suisse, filiale de Banque Internationale à Luxembourg et détenant sa licence bancaire Suisse depuis 1985, a nommé Lionel Pilloud à la tête de son bureau genevois le 1er septembre dernier, afin d’y accélérer son développement. 

Ses projets sont nombreux pour 2025, l’année de 40 ans d’existence de la Banque en Suisse. Rémy Savoya, responsable du Global Advisory et membre du comité de direction de la Banque, a rejoint BIL Suisse en 2020, quand la banque comprenait une centaine d’employés, pour lancer puis gérer les activités de banque de financement et d’investissement, un métier sur lequel la banque a pu s’appuyer sur l’expérience acquise depuis 1856 existant au niveau du groupe luxembourgeois noté A2 par Moody’s. Lionel Pilloud et Rémy Savoya, répondent aux questions d’Allnews:

Quelles sont ses particularités de la BIL? 

Lionel Pilloud: La BIL est une banque systémique au Luxembourg, avec des activités universelles, mais encore relativement modeste en Suisse. BIL Suisse, qui est la filiale d’une banque luxembourgeoise, se distingue par sa présence à la fois dans le financement d’entreprises et la gestion de fortune.

Quels sont les actionnaires du groupe?

L.P: La BIL a deux actionnaires principaux, le Grand-Duché de Luxembourg et Legend Holdings, qui est majoritaire dans le capital. Coté à la bourse de Hong Kong, Legend Holdings est aussi l’actionnaire principal du fabricant chinois d’ordinateurs Lenovo..

Est-ce un frein dans votre développement d’avoir un actionnaire majoritaire chinois?

R.S: Nos clients comprennent bien notre ancrage au Luxembourg depuis 1856 et en Suisse depuis 1985, avec des décisions prises localement et étant régulés la BCE et la FINMA. Nos deux actionnaires soutiennent notre stratégie, c’est un atout pour poursuivre la croissance de nos activités

«Nous allons déménager du Boulevard Georges-Favon dans un nouvel immeuble situé à la place de Hollande à Genève, qui pourrait, en théorie, compter le double des effectifs actuels.»

Quelle est l’importance du financement d’entreprises dans les activités du groupe?

R.S: Ce métier est l’un des principaux du groupe, pour des raisons historiques. La BIL ne finance pas seulement les entreprises luxembourgeoises de toute taille mais aussi et depuis longtemps les entreprises des régions telles que la Belgique francophone, les régions limitrophes en Allemagne et en France.

Quelle est la taille et quels sont les projets de BIL Suisse?

L.P: Nous sommes 120 employés en Suisse, dont 25 à Genève, une dizaine à Lugano, et le reste à Zurich. 

Nous développons une stratégie de croissance et allons effectivement engager de nouveaux professionnels en Suisse. Dans un peu moins d’un an, nous allons déménager du Boulevard Georges-Favon dans un nouvel immeuble situé à la place de Hollande à Genève, qui pourrait, en théorie, compter le double des effectifs actuels.

Et en pratique?

L.P: Nous sommes en phase de recrutement actif. Notre objectif est de croître de façon organique tant dans la partie de financement d’entreprises que celle de gestion de fortune et de gérants indépendants.  

Dans la gestion de fortune, le cœur de cible géographique est clairement la Suisse, l’Europe et le Moyen Orient. Je note que la Chine est un partenaire commercial de référence au Moyen Orient, et la structure de notre actionnariat peut être un argument favorable pour des clients de cette région.

Quelle est la répartition de vos revenus?

L.P: Les revenus sont répartis de façon équilibrée entre les activités de gestion de fortune et de financement d’entreprise. 

R.S: Le groupe BIL est une banque universelle au Luxembourg, mais la BIL Suisse est axée sur les besoins d’une clientèle d’entrepreneurs et de familles, en termes de financement et de gestion patrimoniale. J’ai été engagé en 2020 pour démarrer les activités de financement d’entreprises. 

L’avantage de démarrer une nouvelle activité consiste à pouvoir suivre d’autres voies. Nous sommes les seuls en Suisse à placer au centre de notre mandat les activités de financement et de conseils en corporate finance (fusions-acquisitions, structure de capital, financements non-bancaires etc) au sein d’une seule équipe. Ce choix n’est pertinent qu’à condition de se focaliser sur une clientèle d’entrepreneurs et de familles à la tête d’entreprises de taille intermédiaire. Nous traitons directement avec l’entrepreneur/le décisionnaire et nous cherchons à l’accompagner sur la durée plutôt que de nous limiter à la vente de produits maison.

Est-ce que vous visez les déçus du rachat de Credit Suisse par UBS?

R.S: Nous avions débuté dans le financement d’entreprises avant cette fusion, en nous appuyant sur l’expertise historique de la banque et nos contacts personnels. En termes d’infrastructures, nous nous sommes développés à partir des systèmes et du savoir-faire existant au Luxembourg tant dans la gestion informatique que dans le contrôle du risque. 

Nos activités Corporate Banking portent sur le financement d’entreprises (acquisitions, investissements, immobilier commercial) et la structure actionnariale (family office, holding d’investissement). Nos opérations oscillent entre 10 et 200 millions de francs. Dans le bas de fourchette, nous pouvons intervenir seuls et dans le haut nous travaillons avec d’autres banques. De plus en plus, nous commençons à organiser les crédits et à les syndiquer.

«Nous nous concentrons sur le segment intermédiaire, celui d’entreprises souvent très internationales dont les besoins sont trop complexes pour les banques locales.»

Pour la partie Conseil, notre activité porte sur trois volets: 

  • 1e volet:  aider nos clients à trouver un financement non bancaire (institutionnel), dans des transactions de dette privée, 
  • 2e volet, conseils en opération de capital (hors bourse), aider à une ouverture du capital, par exemple pour la sortie d’actionnaires minoritaires historiques, 
  • et enfin 3e volet, offrir une activité de fusion & acquisitions pour accompagner les clients dans l’achat ou la vente de sociétés.  

L.P: Après le rachat du Credit Suisse par UBS, nous observons une demande de financement significative qui fait appel à nos services en raison d’une diminution de l’appétit au crédit d’entreprises de la part des grands établissements suisses.

Ce rachat a-t-il changé le marché des tiers gérants?

L.P: L’impact de cette fusion concerne aussi les relations avec les gérants indépendants. Les tarifs étaient différents ainsi que les systèmes informatiques. Ce secteur est en pleine transformation. Des opportunités émergent également pour nous dans ce type de services.

Est-ce que vous apportez votre bilan pour l’octroi de prêts?

R.S: Il existe parfois un besoin de crédit qui répond à nos critères d’appétit au risque, dès lors nous le finançons soit seul, soit avec d’autres banques. Mais il y a aussi des besoins qui sortent de nos critères d’appétit au risque. Alors nous faisons intervenir notre expertise dans le conseil. Nous trouverons ici des solutions à l’extérieur de la banque, soit auprès de fonds de dette, soit d’investisseurs en capital. 

En effet en général, nos clients sont des familles entrepreneuriales peu endettées. Il arrive néanmoins qu’elles aient des projets qui nécessitent davantage de dettes que ce que les banques pourraient accepter.

Quelles sont vos ambitions pour 2025?

L.P: Nous allons nous donner les moyens de poursuivre le développement de nos activités de financement des entreprises et de gestion de fortune depuis nos bureaux de Zurich, Genève et Lugano, ceci dans le contexte d’un secteur bancaire qui a plutôt tendance à restreindre ses ambitions. 

R.S: Nos projets de croissance s’inscrivent dans une vision longue. Auprès des entreprises, nous entendons être compris comme un partenaire fiable et de long terme.

Quel est votre sentiment sur la conjoncture dans votre domaine?

R.S: Les cycles sont de plus en plus courts. Notre attention porte donc avant tout sur la qualité du management, de la gouvernance de nos clients et leur capacité d’adaptation. Aujourd’hui, nous observons d’intéressantes opportunités de croissance dans ces entreprises. Il ressort aussi que la situation est globalement meilleure en Suisse que chez nos voisins.

Quant au financement, la situation diffère en fonction de la taille des entreprises. Les plus grandes sont bien servies par les principaux établissements locaux et internationaux présents en Suisse, les petites le sont très bien par les banques cantonales. Nous nous concentrons sur le segment intermédiaire, celui d’entreprises souvent très internationales dont les besoins sont trop complexes pour les banques locales, par exemple en cas d’acquisitions, et souvent trop petits pour les grands établissements. Les lacunes émergent à partir d’opérations supérieures à 40 millions de francs. Dans le cas des sociétés qui étaient clientes des deux grandes banques, il peut apparaitre que, lorsque l’exposition est combinée, 1+1 ne fait pas 2. Il en résultera que certaines entreprises réduiront leurs investissements, du fait d’une moindre offre, ou feront appel à de nouveaux acteurs.

Quels services sont difficiles à trouver en Suisse dans votre créneau?

L.P: Rares sont les acteurs bancaires suisses capables d’accompagner des projets immobiliers en Europe, par exemple. Nous le faisons dans 11 pays européens.

Quelle est votre performance dans la gestion de fortune?

L.P: Notre historique de performance est impressionnant dans les mandats de gestion discrétionnaires depuis cinq ans. En 2024, à ce jour, sur un mandat Croissance en CHF, la performance dépasse 15%. Cette activité est basée à Luxembourg mais trois experts sont chargés de sa réplication en Suisse. 

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