La semaine dernière, la BNS a non seulement abaissé ses taux directeurs pour la quatrième fois cette année, mais elle a accéléré le rythme en procédant à une baisse de 50 pb. Les taux interbancaires à 2 ans sont déjà proches de zéro, en anticipation de baisses de taux supplémentaires par la BNS en 2025. La Suisse revient rapidement vers la configuration qui prévalait pré-Covid. Selon nous, il faut se préparer à un retour des taux négatifs à terme.
En cette fin décembre, la BNS a surpris les marchés en abaissant ses taux directeurs de façon agressive. Ceci intervient alors que l’inflation n’est plus une source de préoccupation pour les banques centrales en Europe. En effet, la progression des prix a continué de refluer cette année, en particulier en Suisse où elle s’est inscrite à 0,7% en novembre en variation annuelle. Certaines composantes de l’inflation suisse évoluent déjà en territoire négatif tel qu’alimentation et transports.
Si le recul de l’inflation est une bonne nouvelle pour le pouvoir d’achat des ménages, un rythme trop faible devient vite problématique. Lorsque l’inflation est à des niveaux proches de zéro, le risque est grand de tomber en déflation. Par certains aspects, un recul des prix peut être désirable pour le consommateur, qui a subi des hausses de prix violentes depuis 2022. Mais pour les banques centrales cela devient une source de préoccupation. De façon paradoxale, des anticipations de déflation peuvent avoir des effets très néfastes sur la consommation et la croissance. En effet, si les prix sont attendus en baisse, de nombreux consommateurs seront amenés à décaler leurs achats de biens durables pour profiter des opportunités dans le futur. Si ce comportement se généralise, la consommation s’effondre et la récession se produit. Ainsi, de façon préventive, la BNS baisse ses taux pour encourager la consommation et décourager l’épargne. Au passage, la banque centrale espère également affaiblir la devise, ce qui permet de générer quelques pressions haussières sur le prix des produits importés.
Malgré la vigueur de la devise, les excédents commerciaux sont élevés et ont continué de s’accroître ces dernières années.
Au-delà des la baisse des taux, la BNS accroît également sa détention de devises étrangères pour affaiblir le franc suisse. Entre novembre 2023 et novembre, 2024, ses avoirs en devises externes (principalement USD et EUR) ont progressé de 80 milliards de francs suisses. Ici aussi, la logique consiste à acheter des devises pour faire monter leur prix (hausse du dollar ou de l’euro) et affaiblir le France suisse pour soutenir les volumes d’’exportations et le prix des produits importés.
Mais malgré toutes ces mesures, la BNS ne parvient pas à faire baisser le CHF. Le CHF s’est bien affaibli en début d’année contre Euro lorsque la SNB a devancé les autres banques centrales en signalant une baisse des taux dès le début de l’année. Mais rapidement, les autres banques centrales lui ont emboîté le pas, la BCE en particulier, et le CHF est reparti en flèche (+5% depuis fin mai contre euro).
Est-ce-que la vigueur du CHF est un problème? Oui et non. La Suisse fait preuve d’une compétitivité extraordinaire. Malgré la vigueur de la devise, les excédents commerciaux sont élevés et ont continué de s’accroître ces dernières années. Les entreprises ont dû s’adapter et monter en gamme pour conserver leur pouvoir de fixation des prix. Mais cela peut atteindre une limite, que personne ne connaît, au-delà de laquelle de potentielles délocalisations détruiraient l’emploi local. Ainsi, la BNS va devoir continuer à baisses ses taux. Mais jusqu’où?
On ne peut exclure un retour des taux négatifs au cours des deux prochaines années. Tout d’abord en Suisse, et probablement en zone euro plus tardivement. Des tendances de fond comme la technologie et la démographie restent déflationnistes. De même, la globalisation reste un vecteur de faible inflation, et en particulier les biens importés de Chine, où les prix à la production baissent. Est-ce que les taux négatifs sont un problème? Oui et non. C’est un problème pour les épargnants, car la rémunération des placements va continuer de baisser. Aussi, cela encourage la prise de risque de la part des investisseurs et peut causer la formation de bulles spéculatives. Mais les risques du secteur financier sont désormais mieux encadrés depuis 2008 par la régulation macro-prudentielle, qui vise à identifier et réduire les risques qui pèsent sur le système financier. Des taux plus bas sont en revanche un soutien pour les emprunteurs. Mais le problème est que les prix de l’immobilier ont tendance à grimper quand le coût du financement baisse. Et le sujet de l’accès à la propriété pour les jeunes et les classes moyennes devient vite un problème politique. Dans l’ensemble il n’est donc pas souhaitable que les taux reviennent en territoire négatif. Mais il semble bien que nous en prenions le chemin.