Les élections allemandes, Trump: quelles implications de marché?

Philippe Ferreira, Kepler Cheuvreux Solutions

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Alors que la taille de l’économie des Etats-Unis mesurée par le PIB réel est 10% plus élevée que fin 2019, l’économie allemande a désespérément stagné.

 

En amont des élections fédérales de février 2025, la morosité bat son plein en Allemagne alors que le pays semble à la croisée des chemins sur le plan politique et économique. Pour autant, le DAX se traite à des plus hauts grâce à sa valeur phare SAP. Quelles perspectives pour les actions européennes dans ce contexte politique et géopolitique incertain alors que Trump s’apprête à s’installer à la Maison Blache?

L’impopularité du chancelier Scholz et la morosité économique ambiante ont eu raison de la coalition Allemande. Après la France l’été dernier, c’est la première économie européenne qui convoque à son tour des élections anticipées pour début 2025. Les sondages donnent la CDU gagnante, mais le défi est de taille pour inverser la tendance défavorable dans laquelle l’économie allemande s’est inscrite depuis plusieurs années.
L’économie Allemande avait pourtant mieux tenu le choc Covid que les autres pays européens au début de la décennie. Mais à partir de 2022 et de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la désindustrialisation s’est accélérée face à des coûts de l’énergie qui ont augmenté de façon significative. Aussi, un de ses principaux partenaires commerciaux, la Chine, est restée longtemps dans la crise sanitaire pour entrer dans la phase d’ajustement du secteur immobilier, avec des effets richesse négatifs très importants pour le consommateur chinois.

Le secteur de la consommation discrétionnaire est intéressant mais cela semble encore prématuré. L’automobile pourrait trouver un second souffle après une année 2024 très agitée. 

En termes concrets, l’Allemagne a connu une demi-décennie perdue, sans croissance. Alors que la taille de l’économie des Etats-Unis mesurée par le PIB réel est 10% plus élevée que fin 2019, l’économie Allemande a désespérément stagné. Le prochain gouvernement devra trouver les ressorts de la croissance et probablement alléger des règles fiscales trop contraignantes pour financer la relance, alors que les finances publiques allemandes sont en bien meilleur état que dans les autres pays européens. Mais la CDU, qui a inscrit ces règles fiscales dans la Constitution il y a quinze ans pourra-t-elle se dédire et faire sauter le verrou? Aussi faut-il savoir où dépenser plus pour créer de la richesse future. En effet, porter artificiellement des secteurs qui tôt ou tard seront restructurés ne fait que retarder l’échéance pour un coût souvent élevé. 
Du coté des marchés actions européens, les élections allemandes et le prochain gouvernement sont un facteur un peu marginal. L’incertitude et la morosité économique n’ont pas empêché le DAX de se traiter à ses plus hauts, avec une progression de près de 15% depuis le début de l’année, presque deux fois mieux que le STOXX Europe 600 (+8,5% en rendement total). Les entreprises du DAX génèrent en effet moins de 20% de leurs revenus en Allemagne selon nos estimations. Mais l’Euro, qui a fortement chuté contre Dollar depuis la montée dans les sondages et l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, pourrait se redresser si le nouveau gouvernement allemand rassure sur l’économie. L’élection allemande aura de notre point de vue plus d’implications potentielles sur les taux et changes (taux plus élevés, Euro en hausse) que sur les actions. 
Les perspectives pour les actions allemandes et européennes sont plutôt à lier avec le contexte global, aussi bien aux Etats-Unis avec la nouvelle administration Trump qu’en Chine avec ces espoirs de relance qui se font trop attendre. Au sein des actions européennes, nous avons récemment relevé nos perspectives sur le secteur des médias qui a une part élevée de ses revenus aux Etats-Unis. En Allemagne, Deutsche Telekom a une forte exposition au marché américain à travers sa filiale T-Mobile.

Pour se positionner sur le potentiel regain d’optimisme du consommateur allemand avec le prochain gouvernement, le secteur de la consommation discrétionnaire est intéressant mais cela semble encore prématuré. L’automobile pourrait trouver un second souffle après une année 2024 très agitée. De même que des valeurs orientées consommation locale, comme Tui et Zalando, qui génèrent un tiers de leurs revenus en Allemagne. 

Pour conclure, les incertitudes actuelles nous rappellent la situation du début des années 2000. A cette époque, l’Allemagne était considérée comme l’homme malade de l’Europe («the sick man of Europe»). Les années 1990 avaient été moroses après l’intégration de la RDA et l’Allemagne avait dû mettre en place les réformes Hartz qui ont dynamisé l’économie. Il y a vingt ans, en 2003, paraissait un livre au titre provocateur de la part du célèbre économiste allemand Hans-Werner Sinn, alors président de l'Ifo Institute for Economic Research: «Can Germany be saved?». La même est posée aujourd’hui. L’Allemagne a relevé d’énormes défis depuis la fin de la deuxième guerre mondiale et il n’y a pas de raison de penser qu’elle ne pourra pas relever celui-ci.

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