La COP 16 n’a pas fait avancer les négociations comme prévu. Aucun accord n’a été trouvé sur le suivi du Cadre mondial pour la biodiversité (Globale Biodiversity Framework) et, bien que l'annonce d'un financement public de USD 163 millions au titre du Fonds mondial pour la biodiversité ait été accueillie favorablement (portant le total à USD 400 millions engagés), cela ne représente que 2% du montant à mobiliser chaque année pour combler le déficit de financement dans le domaine de la protection de la nature.
Bien que les efforts du secteur privé pour combler cette lacune aient également été limités, puisqu'ils ne représentent que 18% du financement de la nature, il est encourageant de constater que la COP 16 a enregistré la plus forte représentation d'entreprises de toutes les conventions sur la biodiversité à ce jour, avec au moins 1’300 représentants, contre une poignée seulement à la COP 14. Les participants comprenaient des entreprises et un large éventail d'acteurs de l'ensemble du secteur financier, tels que des compagnies d'assurance, des gestionnaires d'actifs, des banques, des propriétaires d'actifs et des fonds de pension, qui se sont engagés à adopter des normes de publication sur la nature, mais ont également appelé les gouvernements à prendre des mesures audacieuses en faveur de la nature et à reconnaître le rôle du secteur privé dans sa transition vers une économie positive pour la nature.
Transformation des chaînes de valeur des entreprises existantes
Cet engagement collectif reflète également une prise de conscience croissante de la nécessité de transformer les chaînes de valeur commerciales existantes. Par exemple, certaines entreprises du secteur de l'alimentation et des boissons ont présenté, lors de la COP 16, la manière dont elles transposent à plus grande échelle les pratiques d'agriculture régénératrice afin d'accélérer leur transition vers les objectifs net zéro et positifs pour la nature, tout en soutenant les moyens de subsistance des agriculteurs et des communautés locales.
Dans une bioéconomie circulaire, les NbS telles que l'agroforesterie et l'utilisation d'intrants biologiques sont au cœur des chaînes de valeur.
Ces initiatives soulignent une tendance plus large concernant la manière dont les entreprises peuvent transformer plus efficacement leurs chaînes de valeur à grande échelle. En abordant de manière holistique les aspects climatiques, naturels et sociaux, elles soulignent la pertinence de la bioéconomie circulaire, un paradigme économique qui reconnaît la nécessité de passer de modèles de production et de consommation linéaires extractifs à des modèles qui éliminent les déchets et la pollution et réutilisent les produits et les matériaux. Ce paradigme exploite également le pouvoir circulaire, renouvelable et régénérateur de la nature et est donc centré sur la mise en œuvre de solutions fondées sur la nature (nature-based solutions, NbS), de connaissances scientifiques et de technologies tout au long des chaînes de valeur.
Il est important que ce paradigme soit également ancré dans les dix principes sur la bioéconomie circulaire établis par le G20 en septembre dernier, visant à garantir, entre autres objectifs, que la bioéconomie circulaire contribue à l'inclusion sociale et à la création d'emplois.
Dans une bioéconomie circulaire, les NbS telles que l'agroforesterie et l'utilisation d'intrants biologiques sont au cœur des chaînes de valeur. Ces solutions peuvent non seulement être utilisées pour produire des ressources biologiques telles que la nourriture, le coton et le bois, mais aussi fournir des services écosystémiques vitaux tels que la séquestration du carbone, la lutte contre les parasites et la régulation des sols et de l'eau. En outre, les NbS et les technologies avancées peuvent remodeler d'autres secteurs qui dépendent actuellement des combustibles fossiles et des ressources non renouvelables, tels que les produits chimiques, les textiles, le plastique ou la construction.
Par exemple, le bois, l'un des matériaux biologiques les plus polyvalents de la planète, peut être transformé en nanocellulose, un matériau révolutionnaire cinq fois plus résistant que l'acier et nettement plus léger. La première voiture en nanocellulose a été produite au Japon il y a quelques années. En outre, une nouvelle génération de textiles durables à base de bois, dont l'empreinte carbone est cinq fois inférieure à celle des fibres plastiques comme le polyester, est désormais réalisable. Les produits de l'ingénierie du bois représentent également l'un des moyens les plus efficaces de réduire les émissions de carbone dans les zones urbaines et dans le secteur de la construction, qui est actuellement dominé par le béton et l'acier.
Avec l'aide du secteur financier privé
Alors que le paradigme de la bioéconomie circulaire est de plus en plus connu, le secteur financier continue d'intensifier ses efforts pour éliminer les incitations néfastes qui ont un impact négatif sur la nature et pour promouvoir un financement favorable à la nature. Cela inclut des mécanismes tels que les paiements pour les services écosystémiques, les obligations vertes et les crédits de biodiversité.
Lors de la COP 16, un cadre a été lancé pour guider le développement d'un marché de crédits de biodiversité à haute intégrité. Ce cadre encourage l'utilisation de crédits de biodiversité pour apporter des contributions concrètes aux objectifs de protection de la nature, fournir une compensation locale pour les impacts sur la biodiversité selon des critères stricts et faciliter l'investissement proactif dans les chaînes d'approvisionnement des acheteurs. Bien que ce nouvel outil d'incitation et de financement en faveur de la biodiversité suscite un enthousiasme considérable, surtout s'il est basé sur des données, il est essentiel d'aborder sa mise en œuvre avec prudence.
Comme le souligne la Circular Bioeconomy Alliance, les industries doivent avant tout investir dans la nature et travailler en symbiose avec elle pour transformer et repenser leurs chaînes de valeur. Dans ce contexte, la bioéconomie circulaire appelle à donner la priorité non seulement aux solutions dans les secteurs responsables d'importantes émissions de gaz à effet de serre et de la dégradation de l'environnement, mais aussi au financement d'instruments qui peuvent être directement intégrés dans les chaînes d'approvisionnement de l'agriculture et de la sylviculture, que le Forum économique mondial a récemment évaluées à plus de USD 21 milliards.
Développer de nouvelles chaînes de valeur commerciales
Enfin, il est important de garder à l'esprit que la nature est également une source d'inspiration pour les nouvelles entreprises de la bioéconomie circulaire.
Lors de la COP 16, il a été très intéressant d'apprendre que le biomimétisme - une discipline qui s'inspire et imite les stratégies utilisées par les organismes vivants pour relever les défis sociétaux - a généré plus de USD 125 millions d'investissements dans des start-up inspirées par la nature. Un exemple notable est celui de Sparxell, qui produit des peintures à partir de cellulose en s'inspirant des structures physiques qui créent les couleurs vives des oiseaux et des papillons, éliminant ainsi le besoin de colorants chimiques. En outre, nous avons pris connaissance des efforts déployés par le secteur de l'assurance pour mettre au point des outils qui permettent non seulement de réduire les risques liés aux investissements dans la nature, mais aussi d'assurer les actifs naturels, tels que les récifs coralliens et les mangroves, pour la protection qu'ils offrent aux entreprises locales contre les tempêtes côtières.
Sur la base de ce thème de la valorisation de la nature, une autre réalisation importante de la COP 16 a été l'accord sur l'opérationnalisation du Fonds de Cali. Ce fonds fait partie d'un mécanisme de partage des avantages découlant des informations numériques sur les séquences (DSI) des ressources génétiques. Cette décision porte sur la manière dont les applications des DSI dans des domaines tels que la médecine, l'agriculture, la biotechnologie et la santé publique doivent garantir que les avantages sont partagés avec les pays en développement, les peuples autochtones et les communautés locales.
Alors, quelle est la prochaine étape?
Alors que nous nous préparons pour la prochaine COP 30 sur le climat au Brésil l'année prochaine, où la bioéconomie circulaire sera au centre des préoccupations, il est essentiel de reconnaître que, bien que la COP 16 n'ait peut-être pas abouti aux percées attendues en matière de négociation, de nombreuses options sont déjà disponibles pour le secteur privé afin de faire progresser leurs efforts en matière de réduction des investissements nuisibles à la nature et d'augmentation des financements positifs pour la nature.
La bioéconomie circulaire rappelle avec force l'interconnexion de toutes les actions actuellement menées pour lutter contre la crise de la nature et du climat, tout en intégrant des considérations sociales. Des initiatives locales à la recherche révolutionnaire, en passant par la participation active des entreprises et des institutions financières à la transformation des chaînes de valeur existantes. Cette approche fournit également une feuille de route au secteur financier privé pour identifier les domaines d'investissement prioritaires. Il est impératif que nous agissions de manière audacieuse et décisive, en tirant parti des enseignements de la COP 16 pour commencer à catalyser la transition vers une économie nette zéro et positive pour la nature.