La promesse de Donald Trump de réduire les impôts sur les sociétés a dopé les actions

Yves Hulmann

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Selon John Plassard de Mirabaud, la politique potentiellement plus inflationniste du Républicain pourrait inciter la Fed à abaisser ses taux moins fortement qu’attendu ces prochains mois.

L’annonce de la victoire de Donald Trump aux élections présidentielles américaines a été accueillie favorablement par les marchés en Europe mercredi matin, même si certains indices se sont ensuite repliés en cours de journée. Aux Etats-Unis, aussi bien le S&P 500 que le Nasdaq 100 gagnaient plus de 2% mercredi en milieu de séance. Comment interpréter la netteté du résultat du vote et à quels aspects faudra-t-il être attentif au cours des prochains jours ? Le point avec John Plassard, directeur chez Mirabaud & Cie.  

Le résultat de l’élection présidentielle, marquée par la nette victoire de Donald Trump, n’a pas été une surprise complète aux yeux d’un certain nombre d’experts. En revanche, la nette majorité obtenue par le camp républicain aussi bien au Sénat qu’à la Chambre des représentants a davantage surpris mercredi. Qu’en pensez-vous?

Je ne suis pas tout à fait d’accord avec la première partie de votre question. L’écart entre les deux candidats s’était un peu resseré vers la fin de la campagne. Néanmoins, la rapidité de l’annonce des résultats mercredi matin a été assez incroyable. De plus, dans plusieurs des Etats clés, l’avance obtenu par Donald Trump sur Kamala Harris a été beaucoup plus marquée qu’attendu.

«Les précisions sur la manière de mettre en œuvre toutes ces mesures sera très suivie au cours des prochaines semaines – cela peut être un facteur de soutien mais aussi d’instabilité pour les marchés.»

Comment expliquez-vous la nette avance des Républicains à la fois au Sénat et à la Chambre des représentants et quelles en seront les implications?

Les explications à cette situation sont nombreuses. Il y a eu, tout d’abord, le retrait très tardif de Joe Biden de la campagne qui a fait que les Démocrates n’avaient plus le temps d’organiser une véritable primaire et qui ont dû choisir d’emblée Kamala Harris. Ensuite, le camp qui était très proche de Joe Biden n’était au départ pas très favorable à Kamala Harris – cela n’a certainement pas aidé dans une telle situation. D’autant plus que Joe Biden avait confié plusieurs dossiers difficiles à la vice-présidente, comme celui des questions liées à l’immigration.

D’un point de vue économique et politique, la forte concentration des pouvoirs dans un seul camp, celui des Républicains, est-il un facteur positif ou au contraire un risque? Avant l’élection, de nombreux économistes ont parfois argumenté que ça serait mieux d’avoir un Congrès divisé afin de mieux équilibrer les pouvoirs…

Un Congrès divisé serait certainement la meilleure des choses car cela permet, d’une part, de continuer une partie des politiques mises en place auparavant. D’autre part, dans un Congrès divisé, les deux camps sont obligés de faire des compromis – cela peut certes ralentir certaines décisions mais cela oblige à la négociation. Maintenant, ce n’est pas la situation que l’on a au sortir de l’élection. Tout est à la faveur de Donald Trump et des Républicains.

Concernant la réaction des marchés, les principaux indices mondiaux étaient tous en forte en hausse aussi bien au Japon qu’en Europe mercredi matin. La tendance s’est poursuivie l’après-midi aux Etats-Unis. Quel est le facteur principal qui explique cette réaction très positive?

L’attitude «pro business» de Donald Trump et sa promesse de ramener le taux d’imposition des bénéfices des entreprises de 21% à 15% y a certainement fortement contribué. Il faut aussi souligner que les entreprises européennes qui ont des activités aux Etats-Unis en bénéficieront également.

De plus, il y a certainement eu un facteur technique : beaucoup d’investisseurs qui avaient «shorté» les marchés des actions avant l’élection ont dû rééquilibrer leurs positions très rapidement.

Cette tendance va-t-elle se poursuivre ou ne sera-t-elle que de courte durée?

C’est toute la question. Les investisseurs vont maintenant attendre des annonces plus précises de Donald Trump. Ce dernier a promis d’arrêter la guerre en Ukraine – en un jour! –, tout comme il a annoncé vouloir déporter – ce sont ses mots – des milliers de migrants illégaux en les reconduisant à la frontière. Il y a aussi la question des droits de douanes sur certains biens importés. Bref, ses précisions sur la manière de mettre en œuvre toutes ces mesures sera très suivie au cours des prochaines semaines – cela peut être un facteur de soutien mais aussi d’instabilité pour les marchés.

Si l’on regarde la réaction des marchés en Europe, on peut voir que les groupes industriels comme ABB ou Siemens affichaient mercredi d’excellentes performances aussi bien au SMI que sur le DAX. L’industrie profitera-t-elle du retour de Donald Trump?

Quand un président tient un discours très pro business et parle de relance de l’industrie, il est logique que cela profite à de tels titres. Mais encore une fois, on est ici sur du court terme. Tout dépendra des détails annoncés concernant les mesures proposées.

A l’inverse, les actions de plusieurs constructeurs autombiles allemands comme BMW, Mercedes-Benz ou Porsche buvaient la tasse mercredi en chutant de plus de 5%. Pourquoi?

Car il s’agit typiquement des constructeurs qui exportent le plus vers les Etats-Unis et qui craignent des droits de douanes plus élevés ou la concurrence plus forte de Tesla par exemple. L’action de Renault en France n’a, par exemple, pas du tout réagi à la baisse.

Comment expliquer l’envolée du Bitcoin mercredi?

Avec une bonne part d’opportunisme, Donald Trump, qui n’était au départ pas très favorable aux cryptomonnaies, a eu l’intelligence de promettre qu’il n’allait pas taxer davantage les cryptomonnaies. Sa politique est aussi davantage tournée vers la dérégulation que la régulation.

Beaucoup d’experts redoutaient que la politique de Donald Trump soit davantage inflationniste. Pourquoi cela ne s’est pas tellement remarqué sur les marchés obligataires mercredi?

Sur les marchés obligataires, il n’y a pas toujours une réaction si immédiate. Même si la politique de Donald Trump ajoutait plusieurs milliers de milliards de dette au budget d’ici 2030, cela n’est pas une inquiétude à court terme pour les marchés.

En revanche, la politique potentiellement plus inflationniste de Donald Trump pourrait inciter la Fed à ne pas abaisser ses taux trop agressivement au cours des prochains mois. Cela s’observe dans la remontée récente des rendements des emprunts d’Etat à 10 ans aux Etats-Unis.

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