Du moins bien aux US, du mieux en Europe

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 

Marchés US: and the winner is ….

Au moment où vous lirez cette chronique, vous pourrez encore dire avec certitude qui est président des Etats-Unis et à quel niveau se situent les taux directeurs de la Fed. Inutile de se lancer dans de longs bavardages sur le résultat des élections, nous n’en savons rien, personne n’en sait rien et c’est du 50-50. Toutefois, selon les dernières rumeurs, Kamala Harris remonterait la pente et pourrait empocher une victoire qui semblait lui échapper. Dans un tel scénario, complété par un Congrès dominé par les Républicains, ce serait une plutôt bonne nouvelle pour les taux longs. Le bullish flattening d’hier après-midi semblait valider un tel résultat après plusieurs jours de souffrance des taux longs qui semblaient résignés à une victoire de Donald Trump.

Nous sommes en fin de cycles, les earnings commencent à entrer dans une zone de turbulences et la Fed se retrouve dans de beaux draps.

La fin de semaine dernière a été mouvementée puisque jeudi après-midi, après la publication du Core PCE, nous étions presque enclins à envisager un statu quo de la Fed après un jumbo rate cut un peu trop précipité. Vendredi, les 12'000 créations d’emplois ont fait l’effet d’une douche froide. On peut certes faire comme l’autruche la tête dans le sable et se dire que ce chiffre ne vaut rien car il est biaisé par les grèves (Boeing mais pas seulement) et par deux ouragans. Toutefois, les révisions d’août et septembre ne sont pas concernées par ces deux arguments. Nous sommes en fin de cycles, les earnings commencent à entrer dans une zone de turbulences et la Fed se retrouve dans de beaux draps. Baisser les taux de 25bp car le ralentissement s’installe pour de bon? Faire une pause car l’inflation repart? Attendre le prochain FOMC du 18 décembre une fois que les résultats des élections sont définitifs?

Mais où va l’Allemagne (et donc l’Eurozone)?

Jusqu’à présent, en simplifiant grossièrement, la zone euro se retrouvait dans une configuration beaucoup plus simple que celle des Etats-Unis. L’inflation baissait fortement au point de nous faire craindre qu’elle s’installe durablement bien en-dessous des fameux 2% et la récession était une évidence dans les pays «non-PIGS». Les marchés se tenaient prêts à imaginer une BCE prête à renoncer à ses petits pas timides de 25bp pour passer aux jumbo rate cuts de 50bp. Nous étions plutôt dans le consensus, à savoir 25bp à chaque réunion nous amenant à 3% en fin d’année, 2,5% en mars et 2% en juin 2025.

Depuis quelques jours, la situation a évolué. L’Allemagne qui reste, qu’on le veuille ou non, le benchmark de la zone, a connu une croissance de +0,2% au Q3. Ce n’est certes pas brillant mais nous ne pouvons plus parler de récession, au moins techniquement. Ensuite, l’inflation a rebondi sérieusement. Le CPI est passé de 1,6% à 2% mais, plus inquiétant, le Core CPI allemand est remonté de 2,7% à 2,9%, tiré par les services qui remontent à 4%. Si l’on ajoute à cela les revendications salariales de IG Metall qui brandit déjà la menace de grèves dures, on se dit que l’équation n’était peut-être pas aussi simple à résoudre pour la BCE. Certes, du côté de la santé de l’industrie, il faut considérer les annonces du groupe VW comme un signal d’alarme inquiétant, menaçant sérieusement la croissance future de l’économie. Il va donc falloir rester vigilants et voir si ce retour de l’inflation est un accident «transitoire» (dû notamment à l’alimentation et à l’énergie) ou quelque chose de plus structurel qui va compliquer la tâche des banquiers centraux de Francfort. Alors que nous avons tous les yeux braqués sur Washington, rappelons-nous que l’incertitude et la volatilité ne sont décidément pas l’apanage des Américains!

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