Le no-landing gagne du terrain
Le rendement du 30 ans américain était passé en dessous de 3,9% le 17 septembre dernier. Aujourd’hui, cela nous paraît déjà une éternité puisqu’il s’affiche à 4,5%. Cette remontée spectaculaire et douloureuse a également touché les échéances à 10 et 20 ans dans des proportions similaires depuis le fameux «jumbo rate cut» de la Fed le 18 septembre. Certains observateurs avisés ont même avancé l’idée d’une erreur de politique monétaire pour qualifier cette décision. Nous voyons trois raisons principales pour justifier ce sell-off. Avant de les énumérer, nous ajouterons que nous pourrions en citer une quatrième, un sentiment grandissant d’inquiétude face au montant vertigineux de la dette du Trésor US. Cet argument est justifié et soulève de nombreuses questions à moyen-long terme. Mais nous ne le retenons pas comme une cause immédiate de ce mouvement de marché impressionnant.
Premièrement, il y a sans doute un effet Trump. L’éventualité d’une victoire du leader Républicain fait craindre un retour de l’inflation défavorable aux taux longs. Rappelons une fois de plus que si Trump l’emporte mais que le Congrès est divisé, ce sera une demi-victoire et ces craintes apparaîtront exagérées. Ensuite, toujours dans le même registre des craintes inflationnistes, les marchés de taux sont circonspects depuis que le Core CPI ne décroît plus et remonte même légèrement. Est-ce un phénomène temporaire (ou plutôt «transitoire» pour taquiner Monsieur Powell)? la trajectoire prise par les taux longs US nous répond clairement que ce n’est peut-être pas le cas. Enfin, la troisième raison, qui selon nous est la principale, réside dans la résilience de l’économie outre-Atlantique. Mi-septembre, on envisageait un plongeon en récession de cette dernière alors que maintenant, le scénario de soft landing apparaît comme le plus probable. Pire pour la duration longue, les marchés se remettent à considérer que le no-landing est tout à fait possible. C’est la raison pour laquelle ils estiment que la baisse de 50bp entérinée au cours du dernier FOMC était sans doute inappropriée.
Rallonger la duration, pure folie?
Il est nécessaire et important de considérer ces trois arguments expliquant a posteriori ce sell-off car si nous voulons rallonger la duration de nos portefeuilles, il est indispensable d’analyser leur évolution. Premièrement, pour estimer pendant encore combien de temps cette correction va durer et ensuite pour passer à l’action si l’un ou l’autre (ou les trois en même temps) devait s’atténuer voire disparaître. Nous n’allons toutefois pas connaître plus de deux jours de répit avant la semaine prochaine qui s’annonce cruciale. Nous avons évidemment tous coché sur nos agendas les dates du 5 (élections) et du 7 novembre (FOMC) prochains. Mais avant ces deux dates incontournables, nous regarderons de très près le Core PCE après-demain pour constater s’il corrobore ou non le Core CPI qui nous a tant déçus. Vendredi, 1er novembre, les chiffres de l’emploi revêtiront également une importance majeure puisqu’ils nous donneront une indication concernant l’ampleur de l’atterrissage (ou non) de l’économie US.
Tant que le brouillard entourant nos trois arguments ne se dissipe pas, nous excluons tout rallongement de duration qui tiendrait plus du pari que de la stratégie. En revanche, à la moindre éclaircie, nous ne nous interdisons pas de songer à revenir sur les taux longs. Ces quelques jours capitaux nous fourniront peut-être des opportunités d’investissement. Un 10 ans au-dessus de 4,5% serait un bon début. Regardons également du côté des TIPS. Si nous devions réinvestir dans les taux très longs, nous étudierions sérieusement l’éventualité d’acheter du 30 ans TIPS au détriment de son homologue à taux nominal. Aujourd’hui, nous sommes en pleine période de calme avant la tempête. Mais cette dernière peut se déclencher dès jeudi avec la publication des chiffres d’inflation PCE. Dernier conseil pour les étourdis: les Etats-Unis passent à l’heure d’hiver le weekend prochain. Jeudi (PCE) et vendredi (Non Farm Payrolls), il serait judicieux de rentrer de la pause-déjeuner à 13h30!