Monnaie forte
Le resserrement significatif des spreads des pays émergents en 2024 s'est produit grâce à l'amélioration des fondamentaux et à l'assouplissement des conditions de financement au niveau mondial. Cela a permis aux émetteurs high yield (HY) de regagner les marchés et de réduire considérablement leur risque de défaillance. Le taux de défaillance de leurs entreprises devrait également poursuivre sa baisse, tandis que celui des entreprises des économies développées, en ralentissement, devrait augmenter.
Les fondamentaux toujours solides des entreprises des pays émergents en bonne santé justifient un nouveau resserrement des spreads avant la fin d'année. De même, les fondamentaux des obligations souveraines continuent de s'améliorer: le Paraguay et l'Azerbaïdjan sont notés «investment grade» pour la première fois, et même des émetteurs HY de niche comme le Cameroun ont émis des obligations en euros avec succès pendant l’accalmie estivale de l'hémisphère nord.
Les valorisations sont aujourd'hui plus attrayantes: la brève panique des marchés d’août a temporairement élargi le spread dans les pays émergents. Mais la baisse des rendements du Trésor américain devrait à terme réduire les coûts de refinancement des pays émergents. Ces événements ont créé une fenêtre d'opportunités attrayantes pour les valorisations des pays émergents.
Ces événements ont laissé de nombreuses opportunités idiosyncrasiques pour les investisseurs actifs, car ils entraînent souvent des mouvements qui ne distinguent pas suffisamment les émetteurs individuels. Nous pensons que la résistance des obligations émergentes devrait se poursuivre: dans l’hypothèse d'un atterrissage en douceur des États-Unis, nous prévoyons que les rendements du Trésor américain continueront à baisser au cours des deux prochaines années. Les marchés ont peut-être surestimé les taux d'intérêt à court terme, mais sont probablement justes en ce qui concerne le moyen terme. Même si les écarts de taux des pays émergents se creusent dans un contexte d'incertitude macroéconomique persistante, les rendements totaux devraient rester positifs et il est peu probable que les coûts d'emprunt augmentent.
Nous nous attendons à ce que la rivalité entre les États-Unis et la Chine se poursuive quelle que soit l'issue de l'élection, bien qu'elle serait moins perturbatrice sous une présidence Harris.
Lorsque l'on considère le risque de récession aux États-Unis, les crises de 2008 et 2020 viennent à l'esprit. Selon nous, elles ne constituent pas une indication réaliste pour l'avenir proche. Si une récession américaine se matérialise au cours de l'année prochaine, nous pensons qu'elle sera similaire à celles de 2001 et de 1990/91. En 2001-2002, période marquée par une baisse progressive des taux d'intérêt américains, une légère récession et le défaut de paiement de l'Argentine, qui représentait alors 11% de l'indice Emerging Market Bond Index Global (EMBIG), contre moins de 2% aujourd'hui. Cet indice avait toutefois enregistré un rendement total de 9,7% en 2001, malgré l'augmentation du spread, et de 13,7% en 2002.
La hausse des taux sans risque a entraîné des sorties de capitaux des obligations des pays émergents, soit 15 milliards d'USD au cours des huit premiers mois de l'année. Heureusement, ces taux élevés sont déjà en train de diminuer et les flux vers les pays émergents devraient repartir à court terme. Dans ce contexte, nous prévoyons des rendements totaux à un chiffre au cours des douze prochains mois pour les obligations en devises fortes des pays émergents dans notre scénario de base, et des rendements faibles, mais positifs si une récession plus importante devait frapper.
Monnaie locale
Les obligations en monnaies locales des pays émergents ont enregistré un rendement exceptionnel de 12,7% en 2023 (en USD), mais ont perdu 2,6% au cours des sept premiers mois de 2024 en raison de la vigueur du dollar et des inquiétudes au Brésil et au Mexique.
Alors que ces problèmes persistent, les investisseurs se penchent davantage sur les événements américains qui affaiblissent le dollar et stimulent donc les actifs locaux des pays émergents, dont le prix des obligations a augmenté en août, mais pas autant que les bons du Trésor américain, créant ainsi un différentiel de taux d'intérêt plus large qui pourrait favoriser les rendements des pays émergents à court terme.
La course à la présidence américaine est plus serrée que jamais. Trump a promis d'étendre les réductions d'impôt sur les sociétés de sa première présidence, qui avaient entraîné à l’époque une hausse du dollar. Harris, quant à elle, a promis que «les Américains les plus riches et les grandes entreprises paieront leur juste part». Donald Trump a également promis davantage de frais de douane pour la Chine, voire pour le reste du monde. Or, un pays à la compétitivité réduite voit, pour compenser, sa monnaie affaiblie par les marchés, comme pour le yuan chinois pendant les guerres commerciales de 2018.
Nous nous attendons à ce que la rivalité entre les États-Unis et la Chine se poursuive quelle que soit l'issue de l'élection, bien qu'elle serait moins perturbatrice sous une présidence Harris. Si Harris continue de progresser dans les sondages, le sentiment positif envers marchés émergents devraient en faire de même, dans la perspective d'un dollar plus faible. Les politiques fiscales et douanières de Trump auraient quant à elles un effet positif sur la monnaie.
Si les devises se renforcent lorsque leurs économies se portent bien, le dollar américain se renforce également en temps de crise grâce à son statut de monnaie de réserve. Mais dans notre scénario d'atterrissage en douceur avec une croissance américaine et un dollar plus faible, le sentiment à l'égard des monnaies locales des pays émergents s'en trouve amélioré, tendant vers des rendements à deux chiffres.
Les taux réels restent élevés dans les pays émergents dans un contexte de désinflation ordonnée: de nombreuses banques centrales émergentes ont relevé leurs taux plus rapidement et plus agressivement que leurs homologues en 2021 et 2022 et ont réduit leurs taux plus tôt, à partir de 2023. Ces baisses contribué aux rendements à deux chiffres de 2023. Nombre de ces banques a fait une pause en 2024, tandis que d'autres ont continué à réduire prudemment leurs taux en attendant la Fed. Cette dernière ayant finalement commencé à agir en septembre, certaines banques centrales émergentes devraient reprendre leurs cycles, stimulant les rendements. Les investisseurs actifs devraient trouver de nombreuses opportunités grâce à des cycles beaucoup moins synchronisés, tous les pays n'ayant pas connu le même succès dans leur lutte contre l'inflation.