La détention d’un bien immobilier en France sous couvert d’un trust étranger n’est pas le meilleur véhicule d’investissement!
Dans une décision rendue récemment, la plus haute juridiction administrative française a confirmé qu’un trust étranger, même dépourvu de toute personnalité morale, doit être considéré comme une entité juridique redevable d’une taxe annuelle de 3% sur la valeur vénale des immeubles qu’il détient en France ou des droits réels portant sur ces immeubles (CE 9 mai 2019 n°426431, Sté Amicorp Limited). Faisant abstraction de la réalité juridique du trust, la Haute juridiction confirme par ailleurs que le trust serait doté d’un «siège» dans l’Etat ou le territoire de la loi à laquelle il est soumis.
Rappelons que toutes les entités juridiques, françaises ou étrangères, qui directement ou indirectement possèdent des immeubles situés en France, sont redevables d’une taxe annuelle égale à 3% de la valeur vénale de ces immeubles, telle que déterminée au 1er janvier de chaque année.
Mesure antifraude instituée en France en 1983, l’objectif affiché de la taxe de 3% était de créer un régime d’imposition dissuasif contre le procédé consistant à constituer, dans des «paradis fiscaux», des sociétés devenant propriétaires d’immeubles en France afin d’échapper à l’impôt sur la fortune ou aux droits de mutation en France.
L’administration fiscale a considéré que les trusts pouvaient être utilisés comme des instruments de fraude fiscale en occultant le propriétaire réel des biens immobiliers français. Face au silence de la loi, l’administration en a déduit que les trusts étrangers entraient nécessairement dans le champ d’application de la taxe.
Le législateur français n’a jamais dissimulé sa défiance à l’égard du trust, puisque, lors de l’adoption de la loi du 29 juillet 2011, il était annoncé sans équivoque: «La singularité des concepts mis en œuvre par le trust est source d’insécurité juridique dont les incertitudes sont de nature à favoriser l’évasion fiscale».
en forçant les catégories fiscales existant en droit français.
Pour remédier à l’insécurité menaçante de ce mécanisme, la France a décidé de traiter le trust par transparence, en forçant les catégories fiscales existant en droit français, pour être ainsi en mesure d’en tirer les conséquences fiscales souhaitées.
Par sa récente décision, la Haute juridiction poursuit allègrement ce mouvement en matière de taxe de 3%, créant ainsi des artifices surprenants et des difficultés pratiques quasi insurmontables.
En effet, le juge français confirme que les trusts, comme tous les redevables, devraient en principe être en mesure d’échapper à la taxe, notamment s’ils communiquent (ou prennent et respectent l’engagement de communiquer) à l’administration les «membres du trust» qui sont les «détenteurs réels» des biens ou droits immobiliers «portés» par le trust et, «à titre d’information, les autres membres du trust ». L’administration fiscale française compte parmi « les membres du trust » le constituant, le trustee et les bénéficiaires, y compris les attributaires en capital.
L’artifice trouve là toute sa splendeur: le trust est a priori débiteur de la taxe de 3% comme s’il était propriétaire des immeubles mis en trust. Mais il peut s’en exonérer s’il révèle l’identité de ses membres, «détenteurs réels» de ses mêmes biens. Or, ces mêmes personnes n’en sont pas davantage propriétaires, ni détenteurs (sauf en présence d’un trust révocable où il pourrait être admis que le constituant a conservé la propriété des biens mis en trust)! De même en cas de trust discrétionnaire, qui est le détenteur réel des biens immobiliers, dès lors que le constituant s’est définitivement dessaisi des biens immobiliers mis en trust et qu’aucun bénéficiaire n’a de droits jusqu’à l’attribution qui lui est faite de ces mêmes biens?
ou le territoire de la loi à laquelle il est soumis.
Autre conséquence dommageable de l’assimilation abusive du trust à la notion d’entité juridique, le trust est supposé avoir un «siège» dans l’Etat ou le territoire de la loi à laquelle il est soumis.
Rappelons en effet que les facultés d’exonération de la taxe de 3% ne sont en principe ouvertes qu’aux entités dont le siège est situé en France ou dans un autre Etat membre de l’Union européenne, ou encore dans un pays ou territoire ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale ou une convention comportant une clause de non-discrimination.
Dès lors que le dispositif législatif prévoit que les exonérations sont toutes conditionnées par la localisation du siège de l’entité dans un Etat visé, la doctrine administrative a donc purement et simplement ajouté à la loi pour permettre le cas échéant au trust d’invoquer ces exonérations.
La Haute juridiction française estime par ailleurs que cette présomption de rattachement du siège dans l‘Etat ou le territoire selon le droit duquel ont été créées les relations juridiques n’est qu’une présomption simple qui peut être renversée par le trust.
puissent être qualifiés de «groupements de personnes».
Toutefois, nous pouvons nous interroger légitimement sur les moyens de preuve à disposition des «membres du trust» pour combattre cette présomption de rattachement dès lors que le trust n’a pas de siège au sens propre du terme.
Et si par extraordinaire le trust apportait des éléments de preuve permettant d’établir le lieu du siège dans un Etat «éligible», encore faudrait-il que la convention d’assistance vise les entités sans personnalité morale pour que ces dernières puissent s’en prévaloir.
En pratique, seules quelques rares conventions fiscales internationales (Etats-Unis et Canada par exemple) visent explicitement le trust. Toutefois, la plupart des conventions signées par la France font accéder à leur bénéfice les « groupements de personnes ». Dans un monde où l’interprétation extensive des textes semble être la règle, l’on serait alors tenté de défendre que les trusts puissent être qualifiés de «groupements de personnes» et invoquer ainsi la protection de ces conventions internationales.
La détention d’un bien immobilier en France sous couvert d’un trust étranger supporte donc la taxation annuelle de 3% sur la valeur du bien, sans garantie sérieuse de pouvoir prétendre aux exonérations applicables.