Assistance fiscale internationale: la vigilance pour tous

Michel Abt & Romain Baume, FBT Avocats

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En l’état du droit, toute personne risque de voir son identité communiquée à des autorités étrangères dans le cadre d’une procédure d’assistance fiscale.

Aux termes de la loi fédérale sur l’assistance administrative internationale en matière fiscale (LAAF) régissant en Suisse les procédures d’assistance internationale en matière fiscale, les personnes directement concernées par la demande et les autres personnes dont les droits sont touchés disposent du droit à être informées par l’Administration fédérale des contributions (AFC) de l’existence d’une procédure d’assistance mettant en cause leurs intérêts.

Par nature en effet, les procédures d’assistance internationale en matière fiscale donnent lieu à l’échange de documents faisant régulièrement apparaître l’identité de tiers se trouvant en relation avec les personnes visées en premier lieu par une demande d’assistance.

On peut à ce titre songer à la multitude d’éléments d’identification pouvant ressortir d’un simple relevé mensuel de compte bancaire qu’une autorité fiscale étrangère solliciterait par hypothèse en lien avec un contribuable spécifique. L’identité et les coordonnées bancaires de chaque personne concernée par une écriture au débit ou au crédit du compte en question sont alors communiquées à l’Etat requérant.

Dans le cadre d’une procédure d’assistance initiée par l’Espagne, une divergence d’opinion s’est faite jour entre le Tribunal administratif fédéral (TAF) et le Tribunal fédéral s’agissant du périmètre des personnes bénéficiant du droit de se voir notifier l’existence d’une procédure d’assistance pendante.

La loi subordonne le droit d’être informé de l’existence d’une procédure d’assistance à la faculté de recourir contre la décision finale entérinant la communication à l’étranger des renseignements requis.

A l’occasion d’un arrêt de principe du 13 juillet 2020 (ATF 146 I 172), le Tribunal fédéral a en effet rendu un verdict inquiétant infirmant l’arrêt de l’instance inférieure, soit le TAF.

En Suisse, la loi subordonne le droit d’être informé de l’existence d’une procédure d’assistance à la faculté de recourir contre la décision finale entérinant la communication à l’étranger des renseignements requis. Disposent, dans ce contexte, de la qualité pour recourir les personnes dont les intérêts sont directement et spécialement atteints par l’éventuelle transmission des données, soit les personnes qui risquent concrètement de voir leur situation impactée par la communication des renseignements.

S’agissant des personnes qui ne sont pas nommément visées par la demande d’assistance (c’est-à-dire les tiers), leur qualité pour agir ne doit – de l’avis du Tribunal fédéral – qu’être exceptionnellement admise dès lors que ces tiers sont protégés par le principe dit de spécialité, lequel fait interdiction à l’Etat requérant d’utiliser à leur encontre les renseignements obtenus sur leur compte par le biais d’une procédure formellement dirigée contre une autre personne (à savoir la personne nommément concernée par la demande).

Considérant que le principe de spécialité protège efficacement les tiers contre l’utilisation par l’Etat requérant des informations les concernant, notre Haute Cour considère que la seule mention du nom de tiers dans la documentation destinée à être transmise ne suffit pas à leur conférer un intérêt suffisant à recourir contre la transmission des renseignements, et donc à en être informés de cette transmission.

La jurisprudence a ouvert une nouvelle brèche dans la protection du droit fondamental de chaque contribuable à la préservation de sa sphère privée.

Depuis cet arrêt de principe, le droit de tiers à se voir notifier l’existence d’une procédure mettant en cause leurs intérêts personnels n’a été reconnu qu’à une seule et unique reprise par la jurisprudence.

Ce cas très spécifique (2C_310/2020 du 1er décembre 2020) est celui d’employés de banques au bénéfice de jugements civils faisant interdictions à leur (ex-)employeur de communiquer leur identité aux autorités états-uniennes en dehors d’une procédure spécifique d’assistance ou d’entraide internationale.

Dans tous les autres cas, les tribunaux suisses ont systématiquement avalisé l’envoi à l’étranger de documents mentionnant nommément les tiers, sans que ces derniers n’aient voix au chapitre.

Sous couvert de la garantie de façade que représente le principe de spécialité, la jurisprudence a ouvert une nouvelle brèche dans la protection du droit fondamental de chaque contribuable à la préservation de sa sphère privée, consacrée tant à l’article 13 de la Constitution fédérale suisse qu’à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

De toute évidence, le strict respect du principe de spécialité ne prémunit pas les tiers contribuables contre le risque d’être à leur tour visés par une demande d’assistance fiscale, formulée suite à la découverte incidente de leur identité, dans le cadre d’une procédure d’entraide administrative dans laquelle ils n’auront – par hypothèse – pas pu intervenir pour exiger que les éléments d’identification les concernant soient anonymisés.

Les contribuables soucieux de se prémunir contre ce risque seraient bien avisés de consulter régulièrement la Feuille fédérale aux fins d’y déceler les procédures d’assistance pouvant potentiellement mettre en cause leurs intérêts, en s’adjoignant au besoin pour ce faire les services d’un conseil juridique rompu aux procédures d’assistance internationale en matière fiscale impliquant la Suisse.

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