Appels de marge: la crainte d’une 3e vague confirmée

Serge Fasel & Jean-Marie Kiener, FBT Avocats

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Il appartient au client de suivre l’évolution de la marge, ce qui peut s’avérer difficile voire impossible en pratique.

Après la crise financière de 2008 et l’abandon du taux plancher en 2015, les mouvements de marchés provoqués par la crise sanitaire actuelle ont déclenché une vague d’appels de marge à l’attention des investisseurs bénéficiant d’un effet de levier et dont la valeur des actifs nantis ne couvrait plus les marges exigées par les banques prêteuses. 

Dans des situations de turbulence des marchés, les exigences de couverture interviennent à un moment où le contexte économique est détérioré, si bien que l’apport par les emprunteurs d’actifs supplémentaires pour éviter la réalisation de leurs positions leur est généralement difficile. Le risque de découvert en cas de défaut d’apport d’actifs peut affecter tant la banque que son client. L’enjeu pour le client est de maintenir la couverture du prêt par des actifs qui le garantissent et ainsi éviter toute réalisation en temps inopportun. La Banque quant à elle doit agir avec diligence pour éviter de se retrouver exposée à un crédit non garanti. Si le Tribunal fédéral a précisé à maintes reprises que l’appel de marge a pour but de protéger la banque et non son client, les établissements prêteurs doivent toutefois, pour contenir les risques de litiges, respecter les formalités légales et contractuelles, même en cas de crise.

L’une des principales sources de conflit
découle de l’exercice de l’appel de marge lui-même.

L’une des principales sources de conflit découle de l’exercice de l’appel de marge lui-même. Le cadre est fixé par les dispositions contractuelles applicables qui prévoient généralement – mais pas toujours – l’obligation pour la banque d’accorder à son client la possibilité de reconstituer la marge dans un délai déterminé avant de pouvoir procéder à la réalisation des actifs mis en gage. Il n’est pas rare que les banques informent leurs clients de ce que la valeur de gage de leurs avoirs s’approche du pourcentage minimal requis du montant de leurs engagements, avant de procéder à un appel de marge. L’appel de marge en tant que tel doit permettre au client de comprendre qu’il est en demeure de fournir des actifs supplémentaires et que les actifs en compte seront réalisés ou les positions clôturées dans l’hypothèse où la marge n’est pas reconstituée dans le délai fixé. Ce principe est valable même en l’absence de mandat de gestion, la banque ne pouvant se dispenser d’effectuer un appel de marge au motif, par exemple, que la réalisation rapide des actifs nantis est effectuée dans l’intérêt du client. S’il convient de faire preuve de précaution à cet égard, une banque peut toutefois faire l’économie d’un appel de marge s’il est notoire que l’emprunteur ne sera dans tous les cas pas en mesure d’y donner suite. Les considérations qui précèdent sont toutefois sans incidence sur les obligations d’avertissement de la loi sur les titres intermédiés (LTI). La LTI, qui s’applique à une grande partie des actifs bancaires, exige que la réalisation de titres intermédiés soit toujours précédée d’un avertissement au constituant du gage, soit ici le client, sauf dans des situations qui sont rarement réalisées. 

Une autre source de conflit réside dans la conséquence de la vente des actifs. La banque est en droit de déterminer ceux des actifs de son client qu’elle entend réaliser, mais doit néanmoins prendre toutes les mesures utiles pour éviter un accroissement du préjudice lié à une mauvaise exécution, du fait par exemple d’une moindre liquidité d’un titre. Si elle décide de s’approprier les actifs gagés, soit de ne pas les vendre mais d’en imputer leur valeur sur celle de la créance découlant du prêt en faveur de son client, la banque devra retenir une valeur de marché objectivement établie. 

En étant généralement la cause de l’appel de marge, la dégradation du marché
conduit à des ventes effectuées nécessairement en temps inopportun.

Les situations dans lesquelles le client peut obtenir de la banque prêteuse la réparation du dommage résultant de la vente d’actifs gagés, notamment parce qu’ils auraient été vendus dans des conditions de marché sous pression, sont toutefois rares. En effet, en étant généralement la cause de l’appel de marge, la dégradation du marché conduit à des ventes effectuées nécessairement en temps inopportun.

En pratique, les conventions applicables donnent parfois le droit mais n’imposent pas l’obligation pour la banque de procéder à un appel de marge. Ces dernières doivent toutefois d’agir avec prudence. Dans un rapport de gestion de fortune ou de conseil en placement la banque reste en principe tenue, du fait de son obligation de renseigner son client sur tout fait d’importance en rapport avec l’exécution de son mandat, de lui permettre de reconstituer sa marge à l’échéance d’un délai, souvent très bref, avant de liquider les positions de ce dernier. Dans une relation dite execution only, la banque n’est pas soumise à un quelconque devoir général d’information et elle peut réaliser les actifs de son client sans procéder à un appel de marge, du moins dans l’hypothèse où la convention qui la lie à son client ne prévoit pas autre chose. Dans ce contexte, il appartient donc au client de suivre l’évolution de la marge, ce qui peut s’avérer difficile voire impossible en pratique, le client étant rarement informé en temps réel de la valeur d’avance de chacune de ses positions.

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