Un FOMC de tous les dangers

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Dans les pas de la BCE?

Le 10 ans US reste scotché autour de 1,60% et les récents événements, dont le plus emblématique est le passage officiel sous forme de loi du stimulus de 1'900 milliards, n’ont guère eu d’influence sur son évolution. Un mini-rally a eu lieu en milieu de semaine dernière (1,48% jeudi matin tout de même) dans un environnement mois défavorable où se côtoyaient pêle-mêle une adjudication du Trésor moins médiocre que ce que l’on pouvait craindre, des niveaux-clés d’analyse technique signalant des opportunités d’achat et une réunion de la BCE jeudi après-midi qui s’annonçait plutôt bien. Christine Lagarde a réussi à contenter tout le monde. Croissance et inflation sont toujours des sujets préoccupants mais les perspectives s’annoncent moins alarmistes que fin 2020. 

La BCE va surveiller de près l’évolution des taux européens et de la pente de la courbe. En effet, la correction du Bund, dans le sillage de son homologue US, n’est pas négligeable et tombe assez mal, voire au pire moment! Madame Lagarde est donc prête à modifier le PSPP dans des proportions suffisantes pour maintenir les taux longs européens à un niveau raisonnable et correspondant aux fondamentaux actuels de l’économie de la zone euro qui sont relativement éloignés de ceux des Etats-Unis. Attention donc au Bund dont le rendement pourrait repartir à la baisse en cas d’accélération soudaine du QE! 

Cette réunion du comité de politique monétaire de la Réserve fédérale
risque d’agrandir le fossé entre les marchés et la Fed.

Une semaine avant le FOMC, le signal a été envoyé à la Fed et nul doute que la banque centrale américaine a reçu le message. Pourquoi ce FOMC serait-il celui de tous les dangers? Parce que ce meeting risque d’agrandir le fossé entre les marchés et la Fed. D’un côté, nous avons des investisseurs qui craignent le redémarrage violent (donc potentiellement incontrôlable) de l’inflation, une croissance retrouvée et de l’autre, une banque centrale qui persiste à considérer comme négligeable sur le long terme les pics d’inflation que nous n’allons pas manquer d’observer pendant quatre ou cinq mois. Les premiers nommés s’inquiètent d’une relance Biden-Yellen trop généreuse et d’un volume d’émissions du Trésor qui donne le tournis. Dans le même temps, un peu schizophrènes, ils ne s’inquiètent pas un seul instant de la poursuite du rally de Wall Street comme si aucun nuage ne perturbait l’horizon. Le «risk-on» a, semble-t-il, encore de beaux jours devant lui.

Au milieu du gué

Dans cet environnement, quels secteurs du marché obligataire sont à privilégier? Indubitablement, les crédits ont toujours le vent en poupe et les emprunts corporates à spread suffisamment généreux et à duration courte devraient, une fois de plus tirer leur épingle du jeu. Les emprunts du Trésor US vont redevenir attrayants mais pas tout de suite. Il faudra attendre 1,75% et 2,5% sur, respectivement, le 10 ans et le 30 ans. Les TIPS sont à mettre de côté tant que les breakevens d’inflation longue ne retournent pas vers 1,60%. Les Treasuries à maturité courte peuvent être conservées en attendant qu’une opportunité se présente (marché primaire hybrides corporates par exemple). Ce ne sera pas le placement star de l’année mais il y a fort à parier que l’attitude de Jerome Powell (pas de hausse des taux avant 2-3 ans) va favoriser une légère détente des maturités courtes au détriment de tensions sur la partie longue de la courbe. 

Mieux vaut rester fidèle au principe selon lequel
le rendement n’a de valeur que s’il est ajusté au risque.

Nous détenons toujours environ 20% d’emprunts du Trésor à maturité 1-3 ans: de quoi traverser d’éventuelles tempêtes à l’abri et attendre que certains marchés offrent de nouveau des opportunités: les taux longs US mais pas seulement. Nous pensons à une accélération du marché primaire sur les dettes hybrides, sur certains crédits cycliques high beta et sur les marchés émergents de haute qualité. Comme nous l’avons mentionné à de multiples reprises, le marché des actions va être déterminant car il reste le benchmark de l’appétit ou l’aversion au risque. 

Si tout continue de bien se passer à Wall Street alors nous pourrons nous permettre d’être moins regardants sur la qualité moyenne de crédit de nos portefeuilles. Profitant de spreads plus larges, nous pourrons alors diminuer notre duration moyenne. Ce scénario tentant, déjà prisé par de nombreux intervenants, présente toutefois un gros handicap: il ne fonctionne que si et seulement si aucun accident ne se produit sur les marchés boursiers. C’est la raison pour laquelle nous poursuivons notre politique d’investissement en crédits avec prudence et pragmatisme. Dans un rally dominé par la qualité la moins bonne, nous sommes conscients qu’avec 5% de cash et 20% de Treasuries 1-3 ans, nous adoptons un profil prudent, potentiellement pénalisant tant que les arbres de Wall Street croient pouvoir grimper jusqu’au ciel. Mais nous restons fidèles à nos principes: le rendement n’a de valeur que s’il est ajusté au risque!

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