Le 10 ans sous les 1% avant la fin du mois?

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone
 
Retour à la case départ

Les taux longs US sont partis sur les chapeaux de roues en début d’année. En quelques jours, le 10 ans Treasury est passé de 0,91% le 31 décembre à 1,18% le 12 janvier. L’essentiel de cette hausse pouvait être attribué aux craintes inflationnistes car les taux réels ont peu bougé sur la même période. Aujourd’hui, le vent est en train de tourner et même si cette volte-face n’est en rien définitive, force est de constater que la détente récente des taux longs nous inciterait plutôt à miser sur un retour vers les niveaux de fin décembre. La semaine qui vient va être capitale. Tout d’abord, sur le front du marché primaire, des adjudications du Trésor sont attendues pour des montants significatifs. Ensuite, la Fed se réunit demain pour la première fois de l’année mais surtout pour la première fois sous l’ère Biden. Si l’on se réfère au discours récent de Janet Yellen à l’occasion de sa confirmation au poste de Secrétaire du trésor, Jay Powell va sans doute insister sur l’état actuel de l’économie US: un pays toujours en convalescence sans garantie d’un retour rapide vers les niveaux de croissance et d’emploi d’avant-COVID. 

Nous avions mis dans notre gestion une dose homéopathique
de 30 ans il y a dix jours, ce n’est peut-être qu’un début.

La tonalité globale du discours ne pourra être que dovish mais nous écouterons avec une attention particulière ce que le patron de la Fed nous dira à propos de l’inflation. Le sujet divise encore et pour la première fois depuis bien longtemps c’est du 50/50: les arguments des pro-inflation sont parfois convaincants mais les réticences émises par les inflation-sceptiques sont tout aussi recevables. Nous restons, en tout cas pour l’instant, clairement dans le camp des sceptiques et basculerons éventuellement dans le camp d’en face le jour où les salaires exploseront à la hausse. Dernier point concernant les taux longs US: l’analyse technique a plutôt tendance à nous attirer du côté baissier taux/haussier prix. Mais comme nous l’avions déjà mentionné mardi dernier, les niveaux de clôture monthly seront cruciaux. En attendant, la course contre la montre entre le COVID (ou plutôt ses variants) et les vaccins continuent et la pandémie semble avoir une longueur d’avance. Les mesures de reconfinement plus strictes en Europe (déjà annoncées ou à venir) vont donner des idées aux Démocrates qui semblent avoir fait de la lutte contre le COVID leur priorité numéro un. Nous avions mis dans notre gestion une dose homéopathique de 30 ans (à 1,86%) il y a dix jours, ce n’est peut-être qu’un début.

Les crédits au top

Ce contexte devrait a priori nous inciter à plus de prudence sur les marchés à spreads. Alors certes, nous sommes moins agressifs que ce que nous avions imaginé fin 2020 mais il s’agit toutefois de ne pas laisser filer les bonnes occasions. Nous avons notamment participé hier à la nouvelle émission hybride verte d’EDP en euros et nous regardons de très près l’évolution des spreads italiens suites aux difficultés du gouvernement Conte. Les spreads sont toujours bien orientés car les marchés actions le sont aussi. Il se pourrait que février soit l’occasion d’une correction sur ces deux marchés. Dans ce cas, nous saisirions l’occasion pour rajouter du risque de crédit. Nous en sommes capables avec plus de 20% de notre portefeuille investis en bons du Trésor US à maturités 2021-2022. Nous pouvons toujours nous tromper mais nous avons la conviction que si une correction des actions et des crédits est inévitable tôt ou tard, elle sera sans commune mesure avec celle que nous avons connue en février-mars 2020 (jusqu’au 23 mars précisément). 

Nous sommes passés des litres d’eau à l’escadrille de Canadair et le feu,
toujours pas éteint, peut redoubler de violence à tout moment.

Il y a presque un an, l’effet surprise a joué. Nous étions confinés, il n’y avait aucun espoir de vaccin à l’horizon et si nous nous doutions que les banques centrales ne resteraient pas immobiles, nous ne connaissions pas l’ampleur de leur intervention. Surtout, nous n’imaginions pas que, pour une fois, les gouvernements seraient si impliqués dans les plans de sauvetage et assumeraient leurs responsabilités. Aujourd’hui, les Européens continuent à lâcher du lest et aux Etats-Unis, Janet Yellen a clairement mis le problème de l’endettement au second plan. Une petite voix discordante dans le paysage, celle du ministre français Olivier Dussopt (ministre délégué chargé des comptes publics), a osé signaler que le niveau actuel des dépenses publiques n’était pas soutenable dans le temps en affirmant que 2021 devrait marquer la sortie du «quoi qu’il en coûte». Son prédécesseur Gérald Darmanin avait dit l’an dernier «quand la maison brûle, on ne compte pas les litres d’eau pour éteindre l’incendie». Entre temps, nous sommes passés des litres d’eau à l’escadrille de Canadair et le feu, toujours pas éteint, peut redoubler de violence à tout moment.

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