MAGA=MIGA (Make Inflation Great Again)

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.


Jerome Powell en Doctor No

Le verdict est sans appel, les Républicains ont tout raflé, pas seulement la Maison Blanche. Ainsi, l’administration Trump pourra mettre en œuvre le programme de son candidat sans rencontrer d’obstacles sur sa route, même pas à la cour suprême. Cela va sans doute booster les indices de confiance (business confidence surtout, consumer confidence éventuellement) dans un premier temps, avant même que Donald Trump s’installe à la Maison Blanche le 20 janvier. Dans un second temps, sans doute moins immédiat, les mesures favorables au monde économique se répercuteront éventuellement dans les chiffres au bout de quelques mois seulement. Aujourd’hui, le risque de récession s’est clairement éloigné, pour ne pas dire évanoui. Le programme Trump, c’est plus de confiance, qui se transforme en plus de croissance, qui se transforme in fine en plus d’inflation. Pas très Powell-friendly!

La Fed a donc abaissé son taux directeur de 25bp en laissant entrevoir une dernière baisse pour l’année 2024 de 25bp supplémentaires le 18 décembre. Cependant, Jerome Powell n’a pas «garanti» cette dernière en soulignant qu’elle restait «data dependent». Nous n’avons pas du tout été surpris par cette décision attendue par presque 100% des intervenants de marché. Nous avons été en revanche étonnés de constater que ce rate cut a été voté à l’unanimité. Evidemment, les médias ont surtout retenu les «no» de Jerome Powell concernant son limogeage et/ou sa démission. Une fois de plus, nous estimons que la banque centrale a confondu le souhaitable et le probable. Le souhaitable, c’était que face aux incertitudes grandissantes la Fed fasse une petite pause dans son programme d’accommodation monétaire. Le probable, c’est quand 100% des intervenants de marché attendent quelque chose, il faut le leur donner. Même si, comme l’a rappelé «Jerome Dr No», la Fed ne fait pas de politique, il va sans doute y avoir, à un moment ou à un autre, un problème de politique monétaire. En effet, 2025 risque fort de se résumer à un possible no-landing combiné à un redémarrage de l’inflation. Cela dit, là où le parton de la Fed a raison, c’est qu’une banque centrale gère sur le moyen-long terme et évite le «stop and go» en matière de hausses et baisses de taux. Trump arrive à la Maison blanche fin janvier, les premières conséquences de son programme se verront beaucoup plus tard. La Fed a donc pour l’instant une marge de manœuvre qu’elle peut gérer à sa guise.

Où vont les taux nominaux et réels?

Nous révisons donc nos prévisions jusqu’à présent ultra dovish pour 2025: la Fed baissera ses taux le 18 décembre, puis deux fois seulement au cours de l’année prochaine. Elle risque de devoir les abaisser de nouveau mais probablement beaucoup plus tard, lorsque les taux longs de retour à 5% auront causé des dégâts suffisants et pas seulement sur le marché des CMBS. Nous révisons donc également nos objectifs sur les taux longs. Nos velléités de racheter du 10 ans au-dessus de 4,5% ont été rendues obsolètes par le raz de marée du GOP qui contrôle Sénat et chambre des représentants. Désormais, nous serions plutôt tentés de remettre de la duration si les taux longs se rapprochent de 5%. En tout cas, à 4,5% nous ne bougerons pas une oreille. Trop risqué!

Il y aurait éventuellement une alternative au Treasury 10 ans. Si ce dernier se retrouve effectivement en phase de correction et passe, comme nous le souhaitons, de 4,3% à 5%, il faudrait voir si cette tension sur les taux nominaux trouve son équivalent dans les taux réels. Aujourd’hui le 5 ans TIPS s’échange à 1,8% et ne présente aucun intérêt particulier. Mais en imaginant qu’il grimpe à 2,3% par exemple et que, sous le mandat Trump II, l’inflation se stabilise aux alentours de 2,6%, nous serions très proches du fameux 5% mais avec du 5 ans indexé sur l’inflation en lieu et place du 10 ans nominal. Il s’agit d’une alternative à considérer. Nous n’en sommes pas là du tout pour l’instant mais si le sell-off qui a commencé en septembre (au lendemain du jumbo rate cut) se poursuit sur les taux longs nominaux, il nous fournira sans doute une chance de saisir des opportunités d’investissements sur les taux réels intermédiaires. MAGA=MIGA.

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