Les taux remontent, profitons-en!

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone
Le 30 ans repasse à 2,1%

Les taux US et européens se sont un peu retendus en fin de semaine dernière et le mouvement se poursuivait hier. Le 10 ans et le 30 ans US s’affichaient à 1,62% et 2,09% hier après-midi tandis que le Bund allemand à 10 ans atteignait -0,57%. Fin août, ces trois taux se traitaient respectivement à 1,49%, 1,96% et -0,71%. Il ne s’agit pas pour autant d’un début de bear market obligataire mais plutôt d’une correction logique dans un environnement marqué par la poursuite de la progression des marchés actions après trois événements qui ont fait retomber le niveau de stress. 

Premièrement, en milieu de semaine, le retrait pur et simple de la loi d’extradition à Hong Kong nous a permis d’envisager une sortie de crise par le haut en évitant l’affrontement violent entre manifestants et police chinoise. Ensuite, en l’espace de 48 heures, Boris Johnson a connu une série de revers qui laisse entrevoir la possibilité que le pire scénario de Brexit n’est pas inéluctable. 

La pause octroyée par l’Italie dans le bull market obligataire peut être
mise à profit pour remettre un peu de duration dans les portefeuilles.

Enfin, en Europe, la composition du nouveau gouvernement italien a été saluée par les marchés, soulagés provisoirement par l’éviction de Monsieur Salvini. Cette pause dans ce bull market obligataire peut être mise à profit pour remettre un peu de duration dans les portefeuilles. Il était vraisemblable que cette correction intervienne et notre objectif d’un 10 ans US allant tester de nouveau le niveau de 1,32% de juillet 2016 est maintenu. Nous allons également surveiller le marché des TIPS afin de maintenir une partie de nos portefeuilles en taux longs réels, en diversification des taux nominaux. 

Des chiffres de l’emploi qui soufflent le chaud et le froid

130'000 créations d’emplois, soit 30'000 de moins qu’attendues par le consensus et un taux de chômage stable à 3,7%: il n’y avait pas de quoi sacrifier un long week-end de jeûne genevois pour cela! Nous nous sommes, une fois de plus, attardés sur les chiffres d’inflation salariale (average hourly earnings) pour constater une légère tension à +0,4% sur le mois (contre 0,3% attendu) laissant la progression annuelle à 3,2% alors que le consensus s’attendait à un retour à 3%. Pour les marchés obligataires, il y avait donc matière à envisager un maintien (ralentissement des créations d’emploi) ou une remontée (inflation salariale) des rendements. 

Aux USA, la courroie de transmission entre montée
des coûts salariaux et inflation semble ne plus fonctionner.

Le problème qui inquiète la Fed est que la courroie de transmission entre montée des coûts salariaux et inflation semble ne plus fonctionner. Mais ce dysfonctionnement n’est peut-être que temporaire et il constitue l’une des raisons pour lesquelles nous allons essayer de continuer à troquer nos 30 ans US nominaux pour des TIPS 30 ans dès que le breakeven se détendra de nouveau vers le niveau de 1,55%. 

La BCE attendue au tournant jeudi

Tout a déjà été dit et écrit à propos de ce meeting crucial pour l’économie européenne. Mais le risque est que nous attendons peut-être trop de Mario Draghi et nous pourrions être déçus si les décisions prises se révèlent en deçà de nos attentes. Les contours d’un QE2 pourraient être dévoilés mais le temps presse. Le taux de dépôt devrait être porté à -0,5%, ravivant les tensions avec la Maison Blanche qui ne manquera pas de signaler que la BCE relance la guerre des monnaies, mettant un peu plus sous pression la Fed en attendant le FOMC du 18 septembre. 

Les taux périphériques pourraient tirer les marrons du feu.

Par conséquent, les investisseurs se détournant du Bund excessivement cher (même si -0,57% est plus «attrayant» que -0,71%) lorgnent vers les futurs gagnants du QE2. Les taux périphériques, italiens espagnols et portugais voire grecs pour les plus audacieux, pourraient tirer les marrons du feu. Du côté des spreads de crédit, tout a été déjà anticipé et les futurs membres du CSPP2 sont déjà hors de prix. 

Une opportunité d’investissement qui nous semble intéressante – et que nous avions déjà privilégiée en 2016 – se présente sans doute dans le marché de la dette hybride corporate. Bien évidemment, le contenu actions de ces emprunts exige une analyse de crédit beaucoup plus fine et une gestion qui s’apparente à du stock picking. Mais une fois ces obstacles surmontés, avec son caractère beaucoup moins risqué et volatil que son homologue bancaire AT1 et CoCos, plus intéressant que le high yield en valeur relative et plus liquide que ces deux marchés, le segment des crédits hybrides pourrait ressortir comme le grand vainqueur de la seconde vague de QE de la BCE.

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