La Fed fait ce qu’il faut, la BCE fait ce qu’elle peut

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

© Keystone
Draghi, où en sommes-nous?

Jeudi dernier, le discours du patron de la BCE a été très clair. Au cours de cette première réunion de l’année, la politique monétaire n’a pas été au cœur des discussions. Il s’agissait plutôt d’évaluer où en est l’économie européenne, où va-t-elle et quel est le niveau de risque provenant des différents facteurs extérieurs, US, Chine, Brexit en particulier. Les membres de la BCE ont été unanimes pour constater le ralentissement économique et la faiblesse actuelle de l’inflation. Mario Draghi a affirmé que leur boîte à outils n’était pas vide. Il a d’abord confirmé que les réinvestissements du portefeuille résultant du QE persisteront aussi longtemps que nécessaire.

De nombreuses questions ont concerné le TLTRO et cet instrument sera sans nul doute utilisé dans les mois qui viennent, notamment pour soutenir le secteur bancaire italien. Nous avons trouvé la tonalité du discours de Monsieur Draghi assez pessimiste et encore plus dovish que ce à quoi nous nous attendions. Et lorsqu’il a asséné plusieurs fois que les discussions ont tourné autour du sujet «où en sommes-nous et où va-t-on?» Super Mario est apparu un peu moins Super et surtout désemparé.

Nul besoin d’être un éminent spécialiste pour prédire
que la hausse de taux a été repoussée à la Saint-Glinglin.

En ayant écouté son intervention jusqu’au bout (ses réponses aux questions des journalistes étant révélatrices de l’état d’esprit actuel – et unanime – de la BCE), nul besoin d’être un éminent spécialiste pour prédire que la hausse de taux a été repoussée à la Saint-Glinglin et que, d’une manière ou d’une autre, un QE2 se profile à l’horizon.

Au lendemain de cette réunion, l’indice Ifo a confirmé le spleen ambiant en Allemagne: nous attendions un repli de l’indice de 101 à 100,7 et nous avons eu droit à 99,1 suite à une chute de la composante «expectations» de 97,3 à 94,2 (les conditions actuelles passant de 104,7 à 104,3, plus ou moins en ligne avec les attentes). Dans ces conditions, le Bund s’est détendu tout au long de la semaine, passant de 0,26% à 0,18% pour repasser au-dessus de 0,20% hier.

Nous n’avons donc pas eu le temps de rajouter de la duration à l’approche de 0,30%. Ce n’est peut-être que partie remise mais il faudra saisir la moindre opportunité car le discours de Mario Draghi, tant sur le fond que dans la forme, nous conforte dans notre stratégie: le 10 ans allemand va retourner à 0% voire en territoire négatif.

Shut the Shutdown: première défaite pour Trump

Un répit de trois semaines. Voilà ce qu’a obtenu le Président face à l’inflexibilité des Démocrates conduits par Madame Pelosi. Ce sursis ne trompe personne et les taux US ne sont pas remontés violemment hier matin, se situant aux alentours de 2,75%, soit quelques points de base au-dessous de leur niveau de mardi dernier à l’ouverture au lendemain du jour férié en hommage à Martin Luther King. Nous sommes même passés brièvement sous les 2,70% jeudi après-midi, malgré des indices PMI très corrects et surtout après la prise de parole de Mario Draghi en Europe.

L’argent facile va être de retour
partout dans le monde.

Nous attendons avec impatience la réunion de la Fed qui s’achève demain soir. Jerome Powell va sans doute répéter que la banque centrale américaine surveille de près l’évolution de l’économie et de la finance et qu’elle est prête à tout. Elle fera ce qu’il faut, quitte à renier les discours foncièrement hawkish qui se tenaient il y a encore deux mois et à risquer quelques quolibets de la part de la frange dure des Républicains qui verra dans ce retournement de veste les résultats du coup de poing sur la table du Président Trump.

Sur le marché des Treasuries, nous avons réussi à rajouter un peu de duration comme nous l’espérions. A la faveur d’un steepening de courbe, nous avons revendu un peu de 2 ans pour rajouter du 10 ans. La tentation du 30 ans était très forte et idéalement c’est ce que nous aurions dû faire  mais nous sommes déjà fortement exposés sur la partie très longue de la courbe.

2019, un millésime «2018 à l’envers»?

L’année 2018, pour de nombreux investisseurs se résume en une seule phrase: pour la première fois depuis bien longtemps, actions et obligations ont terminé l’année dans le rouge. Et si en 2019, ces deux marchés délivraient des performances positives? C’est fortement probable si l’on se réfère à l’adage de Jim Bianco (qui sera de passage à Genève aujourd’hui même) pour définir le bull market post-crise de 2008 «les marchés sont des junkies, la drogue est l’argent gratuit et le dealer est la banque centrale».

2018 était placée sous le signe du grand retour des banques centrales vers des politiques plus restrictives (ou moins ultra-accommodantes).  Lorsque l’on écoute Jerome Powell, Mario Draghi mais aussi de nombreux intervenants à Davos qui estiment que le ralentissement chinois va être combattu vigoureusement par le gouvernement et la PBoC, on ne peut pas s’empêcher de penser que l’argent facile va être de retour partout dans le monde et que les marchés vont retomber dans leur addiction. Dans ce cas, 2019, pourrait ressembler à un millésime «2018 à l’envers».

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