FOMC: pas de scoop en vue

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Une croissance vigoureuse

A force de parler de reflation et d’inflation, la croissance économique semble être reléguée au second plan. Or, c’est à la vigueur du rebond de croissance que l’on pourra estimer que la crise du COVID est derrière nous. C’est également l’intensité de la croissance qui aura une influence grandissante sur la hausse des prix. Alors si nous allons rester attentifs demain soir lorsque Jay Powell fera le compte rendu du FOMC, nous avons l’impression que le moment clé de la semaine sera plutôt jeudi après-midi. Les marchés attendent un GDP en forte progression, à +6,6% après +4,3%. Si ces attentes sont confirmées, nous pourrons dire que le premier trimestre de l’ère Biden marque un pas en avant vers un net retour à des performances économiques de premier plan. Il faudra toutefois accueillir ces données avec le recul nécessaire et nul besoin de rappeler ici comment les Américains calculent des GDP annualisés sur base trimestrielle. En règle générale, un bon chiffre a tout de même de grandes chances de tout balayer sur son passage. Pour revenir au FOMC qui se termine demain soir, nous n’attendons pas grand-chose. Jerome Powell va-t-il prendre le risque d’effleurer le sujet du tapering? C’est sans doute un peu trop tôt et le 16 juin semble une date plus propice. 

Une erreur de communication de Mr Jay
demain soir serait très mal perçue et surtout très mal venue.

D’ici-là, nous aurons de quoi nous faire une idée plus précise de l’ampleur du rebond de l’économie US (croissance, inflation mais surtout chômage) et le nombre d’Américains vaccinés sera suffisamment élevé pour éventuellement suggérer que la pandémie est en voie d’être maîtrisée. Si la crise sanitaire est toujours extrêmement préoccupante dans des pays comme le Brésil et surtout l’Inde, il ne faut pas oublier que des régions des Etats-Unis sont loin d’être tirées d’affaire. Il ne fait aucun doute que les membres de la Fed se sentent à l’aise avec les niveaux actuels de taux longs. Le 10 ans, stabilisé entre 1,55% et 1,65%, se trouve vraisemblablement à l’endroit rêvé par les banquiers centraux de Washington. Pas trop bas, pour signaler que la reprise est bien amorcée mais pas trop haut non plus pour ne pas casser la dynamique de «recovery» et ne pas courroucer Wall Street. Autant dire qu’une erreur de communication de Mr Jay demain soir serait très mal perçue et surtout très mal venue.

Des crédits toujours au top

Comme leurs lointains cousins des marchés actions, les crédits d’entreprises ne connaissent pas la crise! Les spreads, malgré une timide tentative d’écartement la semaine dernière, sont toujours bien orientés malgré leur cherté. Nous l’avons déjà maintes fois évoqué mais nous le rappelons: c’est l’effet TINA à l’intérieur même du marché obligataire. Tout ce qui est noté entre AAA et A (c’est à dire pas seulement la dette gouvernementale mais également le très bon crédit) est délaissé au profit de spreads plus intéressants: les BBB pour ceux qui sont obligés de rester Investment Grade, les BB pour ceux qui peuvent se le permettre et la dette subordonnée. Pour la première fois depuis un an, nous avons réalisé des profits sur de la dette hybride corporate devenue exagérément chère pour réinvestir dans de la dette senior BB à spread beaucoup plus attrayant. Si les indices nous démontrent que le spread moyen de la dette hybride corporate (non-bancaire) est passé récemment de «fair value» à «unattractive», nous continuons de privilégier cette classe d’actifs. Certes, elle est devenue chère mais nous estimons qu’elle peut passer de «chère» à «très chère». 

Nous allons attendre que les spreads s’écartent ou que les risques diminuent
pour augmenter franchement notre exposition aux crédits émergents.

Toutefois, quelques noms ont déjà vu leur spread hybride devenir extrêmement serré, comme Enel, Eni ou encore EDP. Comme nous l’avons signalé plus haut, nous avons donc allégé Eni et EDP hybrides au profit de la dette senior Renault. Les résultats du constructeur automobile ont montré du mieux mais également de nombreux challenges à relever lors des prochains mois. L’investissement se révèle donc risqué mais le spread offert rémunère ce risque à sa juste valeur, ce qui est plutôt rare dans l’environnement actuel. Du côté des émergents, notre stratégie ne varie pas: wait and see. De nombreux pays sont encore fortement touchés par le COVID ainsi que par des incertitudes politiques ou économiques. Dans la plupart des cas (nous avons tout de même rajouté un peu d’électricien chilien Enel Americas), le risque est mal rémunéré. Nous allons donc attendre que les spreads s’écartent ou que les risques diminuent pour augmenter franchement notre exposition aux crédits émergents. En conclusion, tous ces marchés partagent un point commun: ils nous déçoivent sur le front du marché primaire. Très peu de nouvelles émissions sont vraiment intéressantes. Le deuxième trimestre ne vient que de commencer, alors soyons patients.

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