La Fed sous pression de l’inflation et de Trump
La mise en œuvre de Trumponomics devrait favoriser un rebond de croissance et un peu plus d’inflation dans un cadre qui ne prévoit pas de maîtrise du dérapage budgétaire. Dans le même temps, Donald Trump continue de tirer à boulets rouges sur la Fed et plus particulièrement sur Jerome Powell, pas assez dovish à son goût. Ainsi, les Etats-Unis risquent de se retrouver dès 2025 dans une situation compliquée. Le soft landing semble toujours être le scénario économique favori des marchés mais nous sommes de plus en plus enclins à privilégier l’éventualité d’un no landing. Dans un tel environnement à croissance soutenue ainsi qu’à inflation «core» proche de 3%, comment la Fed pourrait songer à poursuivre une politique accommodante suicidaire?
Il y a de bonnes chances pour que le prochain FOMC du 18 décembre se termine par une baisse de taux supplémentaire à 4,25%-4,50%. Certes, ces chances sont de moins en moins élevées et la Fed va devoir bien réfléchir à ce qu’elle fait dans moins d’un mois. Elle pourrait courageusement opter pour un «wait and see» motivé par l’argument «data dependent». Nous verrons ce que nous réservent les chiffres de l’emploi vendredi 6 décembre même si leur fiabilité a été mise à rude épreuve récemment. A l’aube de 2025, nous allons nous retrouver face à deux scénarios possibles. Si la Fed ne baisse pas ses taux en décembre et laisse sous-entendre que la baisse du 7 novembre dernier pourrait avoir été la dernière, le risque de hausse de taux en 2025 est négligeable voire nul. Si, en revanche, elle persiste à vouloir poursuivre sa politique accommodante, elle se fera probablement rattraper par la santé éblouissante de l’économie américaine dès le premier semestre et sera alors contrainte d’envisager l’impensable : remonter ses taux en deuxième partie de l’année 2025, pour corriger notamment son erreur de politique monétaire de fin 2024-début 2025.
Quelles conséquences pour les marchés obligataires?
Trump 2.0 est un coup de boost formidable pour Wall Street mais plus encore pour les entreprises de taille moyenne et petite (dont Chris Crawford parle avec talent). Sur les marchés obligataires, le doute est encore présent. En premier lieu, les marchés de taux sont préoccupés par le futur comportement de la Fed et par le montant gigantesque de la dette du Trésor. Pour l’instant, le scénario central reste un soft landing (quoique de plus en plus soft) et une inflation certes en léger rebond mais qui reste maîtrisée. Tout cela permettant à la Fed de poursuivre sa politique d’assouplissement monétaire. Ce scénario consensuel pour 2025 est d’après nous très fragile et pourrait voler en éclats dès le 18 décembre.
Les taux longs, sauf catastrophe menant à un «flight to quality», sont dans tous les cas menacés par une correction. L’ampleur de cette dernière dépendra de l’évolution de la macro sous Trump II et du comportement de la Fed. Nous avons déjà exprimé nos vues pour 2025 et notre stratégie de ne pas toucher à la duration tant que le 10 ans ne s’approche pas du niveau-clé de 5%. La date du 18 décembre sera un moment charnière. Si la Fed baisse ses taux le 18 décembre, nous serons donc amenés à envisager une hausse de taux en seconde partie d’année. Cette hausse de taux sera (ou serait) bénéfique pour deux marchés: le marché monétaire avec le retour des «plaisirs éphémères» et les taux longs. Dans une moindre mesure, un troisième marché pourrait également en profiter : les crédits Investment Grade à duration faible. A court terme, il n’y a malheureusement pas grand-chose à faire. Avec les turbulences qui s’annoncent il est d’ailleurs urgent de ne rien faire et de rester sur de la duration courte, sur des crédits hybrides devenus chers mais à carry toujours intéressant, conserver les TIPS courts et…attendre.
Cette fin d’année 2024 ressemble au calme avant la tempête. Lorsque cette dernière soufflera, il faudra déjà savoir quoi faire car nous n’aurons pas tellement de temps pour réfléchir. Tout doit être déjà en place avec un plan d’investissement à plusieurs variantes en fonction de ce que le FOMC décidera le 18 décembre.