Chronique des taux de la banque Eric Sturdza

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Inflation: une semaine riche en enseignements.

La semaine qui vient de s’écouler a été marquée par deux événements susceptibles d’ôter une partie de nos doutes concernant l’inflation. Tout d’abord (par ordre chronologique, pas forcément d’importance), lors de sa conférence de presse, Mario Draghi a dévoilé les nouvelles projections macroéconomiques de la BCE. Si la croissance économique a été révisée de 2,3% à 2,4% pour 2018, l’inflation HICP s’élèvera, selon les économistes de Francfort, à 1,4% en 2018 et 2019 puis 1,7% en 2020. Nous avons toujours soutenu la thèse selon laquelle la BCE fait preuve de trop de transparence dans sa communication. C’est tout à son honneur mais cela risque éventuellement de nuire à l’efficacité de sa politique. Imaginons un seul instant une personnalité politique, un banquier central ou un CEO d’une grande multinationale déclarer «voici mon programme pour atteindre tel objectif en 2020» et dans la foulée prévenir «mais mes experts m’annoncent d’ores et déjà que le résultat de ce programme sera en-deçà de l’objectif». Cela prête à sourire mais c’est exactement ce que communique la BCE aujourd’hui.

«Des deux côtés de l’Atlantique, les craintes inflationnistes
ont objectivement diminué la semaine dernière.»

Le deuxième événement, tant attendu, les chiffres de l’emploi US, a provoqué une réaction très surprenante des marchés. Il y a un mois, toute l’effervescence autour du retour de l’inflation avait commencé avec la hausse des salaires atteignant 2,9%. On aurait pu légitimement estimer que les marchés allaient quasi-exclusivement focaliser leur attention sur ce chiffre vendredi dernier. C’était sans compter sur la publication de créations d’emplois exceptionnelles: 313'000 le mois dernier contre 205'000 attendues alors que le chiffre du mois précédent était révisé de 200'000 à 239'000. Mais si nous faisons abstraction de ce chiffre, l’information principale, selon nous et selon toute logique, était que l’inflation salariale est redescendue à 2,6% et que les 2,9% du mois dernier ont été révisés à 2,8%. Autrement dit, des deux côtés de l’Atlantique, les craintes inflationnistes ont objectivement diminué la semaine dernière et les marchés, en mode panique il y a un mois, n’en ont pas vraiment tenu compte, ou si peu.

Taxes sur l’acier et l’aluminium: quel impact ?

Le risque d’un conflit Etats-Unis / Corée du Nord diminuant, il fallait bien lui substituer une autre guerre. Monsieur Trump a ainsi relancé la guerre mondiale du commerce en imposant des barrières douanières (25% sur l’acier et 10% sur l’aluminium) qui n’étaient pas indispensables, c’est le moins que l’on puisse dire. Si le dumping chinois mérite sans doute une forme de représailles, les autres producteurs d’acier, alliés des Etats-Unis, qui respectent les règles doivent-ils être punis? Cette mesure risque-t-elle de déclencher une escalade dans la guerre mondiale du commerce, synonyme à moyen terme de ralentissement économique voire de récession? Au moment où nous nous réjouissions de constater que, pour une fois, la croissance des grands blocs économiques était à peu près synchronisée…

«Le risque d’un conflit Etats-Unis / Corée du Nord diminuant,
il fallait bien lui substituer une autre guerre.»

Nous mentionnerons les réactions de trois personnalités pour illustrer cette décision si mal élaborée. Tout d’abord, Gary Cohn, conseiller économique de Monsieur Trump et ex-numéro deux de Goldman Sachs, a tout bonnement démissionné pour ne pas cautionner une politique qu’il désapprouve. Dans son communiqué laconique, il a insisté sur le fait qu’il avait eu l’honneur de servir son pays «en mettant en place des politiques pro-croissance favorables aux Américains». Il s’agit bien entendu de la réforme fiscale. Ensuite, Mario Draghi a exprimé ses doutes à travers une simple question: «si vous imposez des barrières douanières à vos alliés, on se demande qui sont vos ennemis?» Une manière à peine détournée de dénoncer une décision unilatérale qu’il estime «dangereuse». Dans son communiqué, la BCE mentionne sobrement «le protectionnisme croissant» comme un des facteurs globaux pouvant peser sur la croissance de la zone euro. Enfin, Jerome Powell, nouveau Chairman de la Fed, a déclaré que «les droits de douane ne sont pas la meilleure approche». Il a ensuite laissé entendre que ces mesures, si elles devaient être mises en place, pourraient ralentir le processus de normalisation monétaire de la Fed. En clair cela signifie potentiellement une hausse de taux en moins par rapport aux prévisions du mois dernier.

A suivre cette semaine: inflation US encore et toujours

La semaine a démarré sur les chapeaux de roue sur le marché obligataire US avec dès hier des adjudications de 21 milliards de dollars d’emprunts du Trésor à 10 ans ainsi que 28 milliards de 3 ans.  Aujourd’hui mardi, seront adjugés 13 milliards de 30 ans. Mais les observateurs auront les yeux braqués sur les statistiques d’inflation dès cet après-midi avec le CPI suivi demain mercredi par le PPI. Et pendant ce temps, le taux Treasury à 10 ans ne veut toujours pas franchir la barre des 3%...

A lire aussi...