Bulletin scolaire trimestriel des banques centrales

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 

BCE, le mauvais élève en séance de rattrapage

A trop vouloir attendre, la BCE et ses «faulombes» vont bien devoir procéder à trois baisses de taux cette année mais de trois fois cinquante points de base, pas vingt-cinq! Deux événements récents vont probablement accélérer leur calendrier d’intervention. Tout d’abord, il faut mentionner l’exemple suisse qui, même s’il présente des caractéristiques très différentes de celles de la zone euro, prouve qu’une banque centrale située en Europe peut agir indépendamment de la Fed. Rappelons également que la BNS se réunit quatre fois par an contre huit pour ses consœurs BCE et Fed.

Ensuite, il n’a échappé à personne que les principaux instituts de conjoncture allemands ont largement révisé à la baisse leurs prévisions de croissance 2024 pour le ramener à un minuscule +0,1%, confirmant le modeste +0,2% auquel s’attend le gouvernement de Monsieur Scholz. Même si le mandat de la BCE, contrairement à celui d’autres banques centrales, se résume en seulement trois points - l’inflation, l’inflation et l’inflation – la BCE ne souhaite sans doute pas se rendre coupable d’un plongeon en récession potentiellement profonde.

Et si Christine Lagarde nous refaisait le coup de la BNS le 11 avril?

En termes de stratégie obligataire, étant donné que nous ne pouvons pas implémenter notre fameux «long Bund-short 10y Note» puisque nous ne sommes que gérants long-only, nous avons récemment jeté notre dévolu sur l’OBL 5 ans allemand à 2,4%.

Notre pronostic BCE pour le deuxième trimestre: et si Christine Lagarde nous refaisait le coup de la BNS le 11 avril? Nous sommes sans doute en train de confondre le souhaitable et le probable mais permettons-nous de rêver un peu.

Fed, en progrès certains mais l’ensemble reste médiocre

Le dernier FOMC du 20 mars a finalement validé les fameuses trois baisses de taux en 2024 avec une conviction tellement fragile qu’il nous est permis de douter. La santé de l’économie américaine fait, pour l’instant en tout cas, plus penser à un no landing qu’à un soft landing. Si les trois baisses ont effectivement lieu cette année, la Fed va devoir agir rapidement si elle souhaite respecter la trêve de la campagne électorale.

Les marchés estiment qu’un premier geste accommodant serait le bienvenu le 12 juin. Cela laisserait à la Fed la possibilité de pouvoir agir de nouveau le 31 juillet et le 18 décembre. Nous ne sommes pas de grands fans des baisses de taux massives dans un tel environnement. Toutefois, une première baisse de taux, assortie (pourquoi pas?) d’un discours très clair de Jay Powell indiquant qu’il ne s’agit surtout pas du début d’une série de baisses à quasiment chaque meeting, relèverait tout simplement du bon sens.

La Fed a fait grimper ses taux de 550 points de base pour juguler une inflation qui avait atteint les deux chiffres à un certain moment. Aujourd’hui, certes nous sommes toujours éloignés des fameux 2%, certes le «last mile» va être le plus difficile à combattre, mais assouplir la politique monétaire ne serait-ce que très légèrement serait logique. Elle signifierait uniquement mais simplement que la Fed constate que l’inflation est passée de «double-digits» à un peu plus de 3% et que cela mérite au moins une petite détente des taux directeurs. Si elle ne le faisait pas, ce serait admettre implicitement qu’elle a commis une erreur de politique monétaire lorsque l’inflation grimpait dangereusement, en ne portant pas ses taux à 7%, 8% voire 9%. Cela n’est pas gagné, il va falloir convaincre M. Waller et ses amis fans du Super-Core PCE.

Au cours du premier trimestre, nous avons donc poursuivi notre stratégie de «débarbellisation» en nous repositionnant sur le 5 ans. Le barbell composé de taux courts à 5,5% combinés à du 30 ans a performé au-delà de nos espérances en novembre-décembre 2023. Aujourd’hui, le probable bullish steepening intimement lié à la disparition progressive de la courbe inversée nous fait considérer le 5 ans comme le nouveau sweet spot. Et si le 5 ans à taux nominal nous plaît, son homologue TIPS à 1,9% de taux réel nous semble un no-brainer!

Notre pronostic Fed pour le deuxième trimestre: une baisse le 12 juin et le tapering du QT pendant la trêve électorale pour nous faire patienter.

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