Vertiges

Yves Hulmann

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Les marchés d’actions ont poursuivi leur envol durant l’été, portés par les valeurs technologiques. Les raisons qui incitent à la prudence ne manquent pas.

«Vendre en mai et partir» compte parmi les adages boursiers les plus populaires dans le domaine financier. Un conseil qu’il valait mieux ne pas suivre cette année - surtout en ce qui concerne la bourse américaine, et encore moins pour s’agissant des valeurs technologiques. En effet, si à l’heure de la rentrée en Europe, les principaux indices boursiers effacent peu à peu leurs pertes depuis le début de l’année, l’euphorie règne à nouveau à Wall Street. En Suisse, l’indice SMI affichait lors de la dernière séance d’août encore un recul de 4% depuis début janvier. Si, à Francfort, le DAX limite sa baisse à 2% depuis le début de l’année, l’indice Euro Stoxx 50 regroupant les 50 plus grandes capitalisations européennes s’inscrit, lui, toujours en recul de 12%. 

Toute autre ambiance aux Etats-Unis, où l’indice S&P 500 affiche désormais un gain de près de 8% depuis début janvier et alors que l’indice Nasdaq 100, qui regroupe les principales valeurs technologiques américaines, bondit désormais de plus de 36% depuis début janvier. Une performance qui contraste avec une situation sanitaire qui est loin d’être sous-contrôle outre-Atlantique et alors que le PIB mondial devrait afficher une contraction de près de 5% sur l’ensemble de l’année 2020, selon le FMI. 

Comment expliquer alors que l’on soit passé d’une situation d’effondrement à la mi-mars à un climat de quasi euphorie en moins de six mois? Il y a bien sûr d’abord le soutien sans faille apporté par les principales banques centrales, Fed en tête, qui ne se limitent plus à racheter de la dette d’Etat, comme elles l’avaient largement fait lors de la dernière crise financière, mais qui acquièrent de plus en plus également des obligations d’entreprises, comme le relevait Richard Woolnough de M&G récemment dans Allnews.ch. Puis, il y a la conviction maintes fois répétées depuis fin l’éclatement de la crise du COVID-19 que les valeurs technologiques ont prouvé qu’elles peuvent continuer de croître même dans un contexte de récession. Pourtant, à l’heure où certains investisseurs ont célébré le franchissement par Apple du seuil des 2000 milliards de dollars de capitalisation boursière, certains observateurs des marchés s’inquiètent aussi des exagérations affichées par les géants de la tech. Ainsi, le rapport entre l’évolution de l’indice Nasdaq 100 par rapport celle de l’indice élargi S&P 500 dépasse désormais un multiple de 3, soit son plus haut niveau affiché depuis le début de l’année 2000... En outre, les actions de Facebook, Apple, Amazon, Netflix, Google et de Microsoft, regroupées sous l’acronyme de FAANGM, représentent à elles seules plus du quart de la valeur de l’indice S&P 500 constitué des 500 plus grandes sociétés de la bourse américaine.

Par ailleurs, certains observateurs ne manquent pas de relever certaines dissonances sur les marchés qui vont à l’encontre d’un scénario de poursuite de la hausse des bourses au cours des prochains mois. Ainsi, même si les indices volent de record en record, la volatilité n’est pas redescendue à ses niveaux d’avant-crise. L’indice VIX, situé à 23,5 points vendredi dernier, est, certes largement retombé depuis les pics atteints en mars et avril mais il n’est pas non plus redescendu à ses niveaux de mi-février, comme le faisait remarquer Jean-Frédérique Nussbaumer dans un commentaire boursier récent. En outre, les prix du pétrole, bien qu’ils se soient redressés depuis leur effondrement à la mi-avril, évoluent à des niveaux toujours inférieurs de 30% à leur cours de début d’année, ce qui va à l’encontre du scénario d’une reprise économique rapide de l’économie mondiale, comme certains stratèges l’anticipent aujourd’hui.

Côté bénéfices des entreprises, les perspectives communiquées par les sociétés restent très prudentes pour la seconde moitié de l’année. Dans tous les cas, beaucoup d’entreprises verseront moins de dividendes au titre de l’année 2020 que les années précédentes. Ainsi, selon une étude Janus Henderson, les dividendes sur l’ensemble de l’année 2020 devraient être inférieures d’un cinquième à un quart en comparaison de 2019.

Enfin, il ne faut pas oublier que beaucoup de crises économiques sont souvent suivies d’accidents comptables majeurs. Ainsi, la fin du cabinet de conseil Arthur Andersen, emporté par le scandale Enron, aux Etats-Unis a suivi de quelques mois l’éclatement de la bulle Internet. La faillite récente en Allemagne de Wirecard, considérée jusqu’à il y a peu comme l’une des sociétés de services de paiement électronique les plus prometteuses outre-Rhin, est le premier incident majeur de ce type à l’ère post-COVID. Mais sera-t-il le dernier?