Vers une drôle de paix en Ukraine: quelles implications de marché?

Philippe Ferreira, Kepler Cheuvreux Solutions

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L'annonce que l'administration américaine mène des négociations de paix avec la Russie sur le processus de paix en Ukraine a fait l’effet d’une bombe.

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L'annonce que l'administration américaine mène des négociations de paix avec la Russie a fait l’effet d’une bombe. Dans cet article nous évoquons les possibles implications de marché. Au-delà de l’effet baissier sur les matières premières et les taux, le thème de l’Europe de la défense restera sur le devant de la scène et les valeurs industrielles regagnent de l’attrait.

L'annonce que l'administration américaine mène des négociations de paix avec la Russie sur le processus de paix en Ukraine a fait l’effet d’une bombe. Ce n'est pas tant le fait que Trump veuille arrêter la guerre en Ukraine - il s'est exprimé à ce sujet pendant la campagne électorale - mais plutôt la forme, c'est-à-dire le fait qu'il négocie seul avec Poutine. Les termes d’un éventuel accord auraient des implications significatives sur l'Europe, qui apparaît comme étant spectateur de son propre destin.

Nous ne nous attarderons pas ici sur le tsunami géopolitique que représente une certaine convergence de vues entre les Etats-Unis et la Russie. Aussi, les termes d’un éventuel accord sont largement inconnus, même si on se doute qu’il impliquera des concessions territoriales de la part de l’Ukraine et la fin du régime de sanctions à l’encontre de la Russie. De nombreux points d'interrogation subsistent et feront la une des médias au cours des jours et des semaines à venir.

Nous nous plaçons ici du point de vue de l’investisseur européen, pour qui les questions clés sont de deux ordres. Tout d'abord, y a-t-il de bonnes chances qu'un accord de paix soit conclu dans les mois à venir? Ensuite, quelles sont les implications de marché d'un point de vue multi-actifs et du point de vue des actions européennes?

Du point de vue des actions européennes, les secteurs de la consommation discrétionnaire bénéficieraient d'un regain de pouvoir d’achat des ménages.

En ce qui concerne la première question, nous pensons que le président américain peut effectivement forcer les Ukrainiens à accepter un accord, qu'il soit bon ou mauvais. Selon l'Institut Kiel, les États-Unis ont été le principal donateur bilatéral de l'Ukraine, avec des engagements totaux avoisinant les 120 milliards d'euros à la fin de 2024, dont la majeure partie a été allouée à des fins militaires. Le soutien des institutions de l'UE et des États membres (203 milliards d'euros) dépasse celui des États-Unis, mais une part importante n'a pas encore été déboursée. Par conséquent, si Trump cessait de financer l'Ukraine, la guerre prendrait probablement fin et Poutine gagnerait selon ses propres conditions, ce qui serait probablement pire que n'importe quel accord de paix. Nous pensons donc qu'il y a de bonnes chances qu'un accord de paix soit signé dans les mois à venir.

En ce qui concerne les implications d'un tel accord sur les marchés financiers, nous pensons que les matières premières seraient les premières à tomber. La perspective de voir la Russie redevenir respectable implique une levée des sanctions et une augmentation de l'offre de matières premières à moyen terme. Un accès renouvelé aux équipements occidentaux permettrait à la Russie d'investir à nouveau dans les installations pétrolières, gazières et métallurgiques afin d’augmenter la production.

Une baisse du prix des matières premières entrainerait aussi les anticipations d'inflation et les rendements obligataires plus bas, aux US et en Europe, et soutiendrait le moral des consommateurs et la cote de popularité de Trump. La diminution de la prime de risque géopolitique donnerait également mieux à un retournement du dollar américain et fait peser des risques baissiers sur l'or. La baisse des rendements obligataires serait également plus favorable aux petites capitalisations boursières, qui sont plus sensibles aux taux et aux coûts de l’énergie que les grandes capitalisations boursières.

Du point de vue des actions européennes, les secteurs de la consommation discrétionnaire bénéficieraient d'un regain de pouvoir d’achat des ménages. De même, une baisse du prix de l’énergie serait positive pour les valeurs industrielles alors que l'activité manufacturière européenne connaîtrait une reprise. Enfin, Il va sans dire que les valeurs de la défense continuent de susciter l'intérêt des investisseurs. Les signes indiquant que la Commission européenne est favorable à l'idée d'assouplir le cadre fiscal afin de permettre une augmentation des dépenses de défense constituent un développement concret pour la thèse haussière.

En conclusion, l’Europe a le plus à gagner d’un éventuel accord de paix, mais l’Ukraine a beaucoup à perdre. Les électeurs trancheront, et en premier lieu les électeurs allemands le 23 février. Un score de l’AFD au-delà de 20%, l’extrême droite allemande soutenue par l’administration Trump, émettrait un signal clair en faveur d’un accord de paix dans des termes plus favorables à la Russie.

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