Un peu d’air frais

Axel Botte, Ostrum AM

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La levée d’incertitudes permet un rebond des actions, mais le risque de stagflation plane.

© Keystone

L’horizon des marchés financiers s’est quelque peu éclairci la semaine passée. Aux Etats-Unis, il semble acquis que le plafond de la dette sera suspendu jusqu’au 3 décembre. Le risque d’un défaut autour du 18 octobre est écarté. En Europe, Vladimir Poutine propose finalement une sortie de crise en promettant un relèvement des exportations de gaz. La Russie possède en effet des marges de manœuvre substantielles pour réduire la pénurie qui avait porté à 155 euros le prix du MWh en début de semaine. Parallèlement, l’Administration Biden fait pression sur l’Arabie Saoudite pour augmenter la production au-delà des 400’000 barils par jour annoncés. La crise gazière induit en effet un report de la demande chiffré à 500’000 barils supplémentaires. Le gouvernement américain met aussi en garde la Russie contre l’utilisation des ressources énergétiques comme arme politique. À quelques semaines de la COP26, ces tensions nous rappellent les défis associés à une décarbonation rapide de l’économie. En Chine, les autorités ont décidé la reprise de la production de charbon, malgré l’annonce récente de l’arrêt du financement de l’activité à l’étranger. La situation des marchés reste fragile. En effet, la poussée inflationniste suscite enfin une prise de conscience des Banques centrales. La Nouvelle-Zélande (+25 pb) et la Pologne (+40 pb) ont relevé leurs taux. Le 2 ans canadien témoigne d’une probabilité plus forte de hausse des taux dès 2022. Le chef économiste de la BoE, Huw Pill, considère que l’inflation pourrait durer, attisant ainsi les anticipations de resserrement. Le débat concerne aussi la BCE où plusieurs voix remettent en cause les projections d’inflation officielles. En Amérique latine, l’inflation est au-dessus des cibles forçant les Banques centrales à agir.

Sur le plan conjoncturel, l’emploi américain augmente de 317’000 dans le secteur privé en septembre, après 332’000 (révisé à la hausse). L’ajustement saisonnier des emplois publics dans l’éducation efface une partie de l’amélioration, de sorte que l’emploi total ne progresse que de 194’000 en septembre. Le taux de chômage diminue fortement (de 5,2% à 4,8%) sous l’effet de la baisse de la population active. La contraction de l’offre de travail est un frein considérable à la croissance au-delà de quelques mois. L’inflation est un sujet majeur comme évoqué plus haut. La prochaine publication de l’IPC intégrera en partie le renchérissement des prix de l’énergie, une nouvelle hausse des prix des automobiles d’occasion et probablement un ajustement supplémentaire des prix des services répondant aux tensions salariales. Les anecdotes au sujet des loyers témoignent d’une très forte demande, avec des hausses parfois de 10%. La composante immobilière de l’indice contribuera très fortement à l’inflation, l’an prochain. Les tensions sont visibles en Europe également. L’inflation allemande atteint 4%. Les prix progressent de 3,3% en zone euro. Si les enquêtes affichent un ralentissement anecdotique, les dernières données de production industrielle et de solde commercial en Allemagne fléchissent sensiblement (août).

 Les flux sortants s’accumulent depuis trois semaines, et les spreads du high yield européen (320 pb) s’écartent désormais de 32 pb sur un mois.

La dynamique des rendements obligataires est clairement haussière. Le T-note à 10 ans termine la semaine au-delà des 1,60% (+14 pb en 5 séances), malgré une hésitation vers 1,56%, à la suite de la publication de l’emploi. La dégradation des cours s’accompagne naturellement d’un élargissement des points morts d’inflation et d’une pentification de la courbe. Ces évolutions semblent intégrer un tapering annoncé dès novembre, mais aussi une Fed incapable d’agir préventivement face au risque inflationniste, alors que le Brent s’affiche au-delà des 80 dollars. Il convient aussi d’être attentif aux flux potentiels de couverture du risque de convexité assumé par les agences hypothécaires fédérales. La hausse des taux longs réduit les flux de refinancement et requiert un ajustement de sensibilité qui se traduit par des ventes de Treasuries ou des positions payeuses de swaps. Ces flux de couverture pourraient accélérer la hausse des rendements. En zone euro, le Bund ne peut s’affranchir de la tendance mondiale. L’emprunt allemand clôt la semaine à - 0,15%. Les rumeurs de refonte des programmes d’achat de la BCE visant une plus grande stabilité des spreads ont soutenu le BTP italien. Le spread est ainsi revenu de 107 pb vers 103 pb. Les oscillations restent néanmoins minimes et la dette souveraine européenne demeure bien demandée à mesure que les taux remontent. Les émissions françaises et espagnoles sur les maturités les plus longues ont été bien accueillies. On observe de forts intérêts acheteurs des comptes institutionnels autour d’1% sur l’OAT à 30 ans.

Les spreads de crédit investment grade en euros restent relativement inertes. Le spread moyen reste dans une fourchette étroite autour de 85 pb contre Bund. Le high yield est en revanche davantage sous pression. La décompression s’observe aussi sur les indices synthétiques, l’iTraxx Crossover rejoignant les 260 pb. Les flux sortants s’accumulent depuis trois semaines, et les spreads du high yield européen (320 pb) s’écartent désormais de 32 pb sur un mois. Le comportement du high yield traduit peut-être un risque de contagion du risque chinois. Fantasia et Evergrande cherchent à restructurer leurs dettes, après le non-paiement de coupons sur les dettes locales et externes. Le high yield en CNY approche 20%.

Comme aux États-Unis, les actions européennes ont connu une semaine volatile, mais positive. Le risque chinois pèse sur le secteur de la consommation en Europe, alors que le scénario de stagflation favorise l’énergie et les banques, mais aussi la croissance séculaire et donc la technologie. Les entreprises ont peu communiqué avant la saison des résultats, mais on retient deux avertissements sur les bénéfices. Enfin, le dollar se stabilise à un niveau élevé. Le yen pâtit en revanche du rebond des actifs risqués.

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