Un ciel suisse vraiment sans nuages?

Anick Baud, Bruellan

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Tous les indicateurs sont au beau fixe et la reprise devrait être forte dans les mois à venir. Pour autant, quelques nuages se profilent à l’horizon.

Même si le PIB de la Suisse a marqué le pas au cours du premier trimestre, tous les indicateurs sont désormais au beau fixe et la reprise devrait être forte dans les mois à venir, soutenue par le dynamisme exceptionnel des exportations et par le retour de la consommation privée. Pour autant, quelques nuages se profilent à l’horizon.

Au début du mois de juin, la Suisse annonçait une contraction de 0,5% de son produit intérieur brut (PIB) pour le premier trimestre 2021, un recul certes moindre que celui enregistré par ses principaux partenaires commerciaux européens et qui, grâce au chiffre positif du 4ème trimestre 2020, lui évite ainsi une récession technique. Quelques semaines plus tard, la donne a singulièrement changé: les prévisions de croissance du PIB pour cette année, ainsi que pour l’an prochain, ont toutes été revues à la hausse.

Pour comprendre ce regain – voire excès – d’optimisme, il convient de se pencher sur la publication détaillée du PIB. Si, sans surprise, la création de valeur a fortement baissé dans le secteur des services suite au deuxième semi-confinement décidé en début d’année, l’industrie manufacturière a, quant à elle, connu une très forte embellie (+5%). En effet, l’utilisation croissante des capacités à travers le monde provoque une forte augmentation des investissements, notamment en biens d’équipements, chez les partenaires commerciaux de la Suisse, alimentant la demande. Les exportations suisses ont ainsi atteint en mai un pic historique, à 20,8 milliards de francs, près de 10% au-dessus de leur niveau pré-pandémique.

Le marché des actions suisses affiche désormais une hausse de plus de 15% depuis le début de l’année.

Ce formidable dynamisme de l’activité manufacturière n’est pas vraiment une surprise à en juger par l’évolution récente des indicateurs de confiance (PMI, KOF), eux-aussi à des niveaux records.

En conséquence, le Secrétariat d’État à l’économie prévoit désormais une croissance de la valeur ajoutée du pays de 3,6% cette année, soutenue dès le deuxième trimestre par d’importants effets de rattrapage dans la consommation privée, conséquence d’un retour progressif à la normale mais également du surplus d’épargne constitué par les ménages l’an dernier. Le corollaire de ce dynamisme est évidement un relèvement du niveau des prix, l’inflation étant désormais attendue à 0,4%. Pour autant, la Banque nationale suisse (BNS) a décidé de laisser ses taux d’intérêts inchangés lors de sa dernière réunion, estimant d’une part que le franc suisse reste surévalué et d’autre part que l’augmentation des prix n’est qu’un phénomène passager.

A l’exception d’une très légère correction au cours du mois d’avril, le marché des actions suisses a continué de voler de record en record et affiche désormais une hausse de plus de 15% depuis le début de l’année. Sa tendance positive a encore été renforcée par les très bons chiffres enregistrés par les entreprises suisses au cours du premier trimestre. En conséquence, les anticipations de croissance bénéficiaires pour 2021, qui se situaient à environ 18% en début d’année, ont été revues à la hausse. Les analystes tablent actuellement sur une hausse des bénéfices de 24%, et même de 46% pour les entreprises de petites et moyennes capitalisations. Les résultats du deuxième trimestre s’annoncent sous les meilleurs auspices, plusieurs sociétés du SPI ayant d’ailleurs émis ces derniers jours des avertissements sur bénéfices positifs, à l’image de Bossard, SFS, Swissquote ou encore Interroll, tant leurs anticipations de résultats étaient en-deçà de la réalité.

Pour la Suisse, le marché unique représente toujours près de 50% des exportations.

Alors la météo helvétique de ce début d’été est-elle vraiment au beau fixe?

On pourrait presque penser que oui, si ce n’était l’absence de compromis acceptable entre la Suisse et l’UE s’agissant de l’accord-cadre. En effet, après sept ans d’âpres négociations, les deux partenaires n’ont pas trouvé de terrain d’entente qui laisserait à la Suisse un libre accès au marché européen. La première victime est l’industrie des technologies médicales, qui représente tout de même en Suisse 60'000 emplois et 1400 sociétés, puisque faute d’accord entre les deux parties, il n’existe plus de reconnaissance mutuelle sur les dispositifs médicaux. Bien qu’à ce stade l’espoir d’un retour à la table des négociations existe bel et bien, «Avenir Suisse» a tiré la sonnette d’alarme sur le risque de voir les entreprises concernées exercer de moins en moins leurs activités depuis la Suisse et fait une estimation des coûts directs engendrés par des tracasseries administratives supplémentaires pour les exportateurs. Selon ce «think tank», l’érosion des accords bilatéraux pourrait coûter aux trois grands secteurs que sont les dispositifs médicaux, l’industrie des machines et le secteur chimico-pharmaceutique, qui totalisent 20% des exportations du pays, 1,7 milliard de francs de frais uniques d’ajustements, ce à quoi il faudrait rajouter 1,3 milliard de francs par an, soit 0,2% du PIB helvétique.

Espérons qu’un compromis pourra être trouvé rapidement car, pour la Suisse, le marché unique représente toujours près de 50% des exportations.

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