Trump chamboule les marchés

Yvan Roduit, Raiffeisen Suisse

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Adopter un positionnement légèrement défensif fait figure de refuge. Il est préconisé de surpondérer les actions et l’immobilier suisses et de sous-pondérer les actions européennes cycliques.

 

Les Etats-Unis font leurs adieux au libre-échange

Depuis samedi, un droit de douane plancher de 10% s’applique désormais aux produits importés. L’addition ne s’arrête pas là et aucun pays n’est exempt: à compter du 9 avril, les produits importés de Chine devraient être taxés à hauteur de 34%, l’Union européenne devrait se voir infligée des taxes douanières de 24%, l’Inde 26% et le Japon 24%. Suite à l’annonce américaine faisant état de droits de douane de 31% sur les importations suisses, la secrétaire d’Etat à l’économie, Helene Budliger Artieda, s’est rendue à Washington ce dimanche. Nombreux sont les pays à entamer des négociations avec l’administration Trump.

S’agissant du libre-échange, l’histoire économique a été marquée par différentes phases. L’ordre mondial d’après-guerre, essentiellement façonné par les Etats-Unis, repose sur deux leçons majeures tirées des deux guerres mondiales. L’une d’elles est que si le national-socialisme a réussi à l’époque à s’imposer en Allemagne, c’est parce que les Etats-Unis avaient imposé unilatéralement en 1930 les droits de douane «Smoot-Hawley» qui avaient alors fait chuter le commerce mondial de 66% et porté un grand préjudice à l’économie mondiale. Une réflexion sérieuse sur ce sujet a conduit les Etats-Unis à faire volte-face après la guerre et à créer le GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) afin de favoriser l’expansion du libre-échange dans le monde.

Ce système avait bien fonctionné jusqu’en 1980, parce que les déséquilibres commerciaux n’avaient pas augmenté de manière excessive: les monnaies des pays en déficit commercial se dépréciant naturellement, celles des pays en excédent s’appréciant. Or, en 1980, certaines puissances économiques (sous l’égide des Etats-Unis) avaient commencé à libéraliser les flux de capitaux, ce qui n’était pas prévu dans les accords du GATT. Conjointement à la forte croissance de la Chine, les balances commerciales se sont de plus en plus déséquilibrées, notamment aux Etats-Unis, où les déficits commerciaux n’ont fait qu’augmenter. Donald Trump en conclut que les partenaires commerciaux des Etats-Unis profitent trop du libre-échange, au détriment du pays. En imposant des droits de douane ou en les augmentant, il y voit un moyen de «rétablir l’équilibre». Ces mesures visent à protéger l’industrie domestique mais les consommateurs seront aussi pénalisés, leur pouvoir d’achat se réduisant, lorsque les prix augmenteront.

Effets de la politique commerciale des Etats-Unis et des droits de douane sur les marchés financiers

Plus les incertitudes persistent, plus cela se traduit par une volatilité accrue sur les marchés financiers. A la suite des annonces de maintien de la pression douanière sur les biens importés par les Etats-Unis, les marchés européens ont chuté hier matin, dans le sillage des bourses américaines et asiatiques. Dans ce contexte de marchés hautement volatils et de tensions géopolitiques, adopter un positionnement légèrement défensif fait figure de refuge. Dans le cadre d’une telle tactique, il est alors préconisé de surpondérer les actions et l’immobilier suisses et de sous pondérer les actions européennes cycliques tout comme les obligations à haut rendement. L’or, qui a su profiter lui aussi des incertitudes, continue de faire figure de proue parmi les valeurs refuges: enregistrant une hausse de 15% de sa valeur depuis le début de l’année, le métal précieux a même atteint un sommet historique mi-mars en franchissant la barre des 3’000 dollars l’once. Toutefois, un tel environnement offre aussi des opportunités: dans le sillage de la politique de relance budgétaire que l’Allemagne entend mener (500 milliards d’euros seront débloqués sur les douze années à venir pour développer les infrastructures du pays) et des récentes baisses des taux directeurs de la BNS et de la BCE, les obligations à long terme gagnent de nouveau en attractivité. 

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