Solitaire?

Martin Neff, Raiffeisen

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Le besoin de loisirs et de compagnie explose et le secteur des animaux domestiques va connaître une nouvelle envolée. A commencer par les chiens.

Ce n’est un secret pour personne que ces aléas engendrés par le coronavirus nous épuisent tous un peu. Aujourd’hui ce sont des personnes qui s’y connaissent en maladies infectieuses à peu près autant qu’un agriculteur bio en courses de formule 1 qui décident de ce que nous avons ou non le droit de faire. Loin de moi l’idée de vouloir me servir de clichés, je tiens juste à souligner les contradictions qui nous gouvernent actuellement. Au fond, qu’est-ce que les partis bourgeois, les socialistes, les verts ou leurs représentants connaissent aux pandémies? A peu près autant que moi des chiens.

Au beau milieu de la pandémie, les animaux domestiques sont plus recherchés que jamais. Et nos compagnons à quatre pattes constituent un facteur économique non négligeable, ce dont je n’étais pas vraiment conscient jusqu’à ce que je m’achète moi-même un chien. En Suisse par exemple, 44% des ménages comptent un animal domestique. Et nous dépensons bien plus de 500 millions de francs pour la seule nourriture des chiens et des chats. L’ensemble des dépenses pour les animaux domestiques s’élevait à 700 millions de francs au cours de l’avant-dernière année. Concrètement, cela concerne 1,7 million de chats, un demi-million de chiens et d’énormes quantités de lapins, d’oiseaux et de reptiles. Les chats sont les animaux domestiques préférés, mais plutôt chez les filles que chez les garçons. La part des propriétaires d’animaux de sexe féminin possédant des chats est de 71% et est significativement plus élevée que celle des propriétaires de sexe masculin (58%). Il y a probablement autant d’animaux domestiques que d’humains en Suisse, dont la plupart évoluent dans des aquariums, à savoir près de trois millions de poissons. Les chats se classent seconds parmi les animaux domestiques avec plus de 1,7 million d’individus, suivis des poissons dans des mares (1,1 million), puis des chiens, tout de même plus de 500’000 spécimens. Il n’y a certes pas de chiffres actualisés pour 2021, mais nul besoin d’être prophète pour supposer que la détention d’animaux domestiques a vraisemblablement dû connaître une augmentation substantielle à l’heure actuelle. Pourquoi? Tout simplement parce que la solitude est nocive et que l’on en est plus conscient que jamais en ces temps de coronavirus.

Dans un essai intéressant, l’économiste britannique Noreena Hertz, professeur honoraire à l’University College de Londres, décrit le phénomène de la solitude et en conclut que la solitude est nuisible au plan économique. Ceux qui sont seuls sur une période prolongée sont exposés à une probabilité d’infarctus accrue de 32%. Pour le dire simplement, elle affirme: «la solitude est aussi nocive que 15 cigarettes par jour». Les équipes qui déjeunent ensemble sont plus performantes que les équipes qui ne partagent pas le repas de midi. Quant à la compétition qui privilégie les intérêts particuliers et l’égocentrisme plutôt que le sentiment communautaire, elle est nuisible parce qu’elle met l’accent sur la concurrence plutôt que sur la coopération. Soit. Au cas où la solitude deviendrait vraiment un problème, nous disposons au moins de suffisamment d’alternatives pour nouer des contacts en cette ère numérique. Les plateformes de rencontre sont innombrables et on peut même louer sur Internet un(e) ami(e) (Rentafriend), ce qui est à peine croyable. Je me risquerais à prédire que la COVID accroît considérablement le besoin de plateformes sociales, aussi impersonnelles soient-elles, car la solitude entend être compensée à tout prix. Et que les animaux domestiques vont connaître une nouvelle envolée. Votre serviteur est lui-même propriétaire de chien depuis un certain temps. Ce fait n’est certes pas dû à la solitude, mais répond à un souhait de longue date. En revanche, le fait que nous l’ayons satisfait précisément maintenant est sans aucun doute en rapport avec le coronavirus. Nous ne voulions pas combler le temps excédentaire avec Instagram ou Facebook, mais avec quelque chose de vivant, au sens littéral du terme. Parions que nous ne serons pas les seuls à opter pour un chien. On prévoit en effet 60 francs par an et par habitant pour la détention d’animaux domestiques d’ici 2025. Ce montant était encore de 45 francs en 2010. Malgré les liens internationaux, la solitude constitue apparemment un marché en croissance constante. 

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