Aujourd’hui, la richesse appartient de manière disproportionnée aux plus âgés. Les chiffres concernés sont énormes, portés par l’évolution démographique et l’appréciation substantielle des actifs, qui comprennent de vastes patrimoines immobiliers.
Depuis quelques années, les héritages suisses augmentent rapidement: 63 milliards de francs suisses ont été légués en 2015, soit le double de la somme de 1995 (dans un contexte de faible inflation), avec 16 à 21 milliards de francs suisses supplémentaires en dons annuels, selon le NZZ am Sonntag. La Suisse affiche la deuxième plus grande proportion de millionnaires en USD par habitant (un peu moins de 15%) après le Luxembourg (Global Wealth report 2024 d’UBS).
Or gérer le patrimoine générationnel peut être extrêmement difficile pour les familles concernées. Des données récentes de la compagnie d’assurance Zurich suggèrent qu’«environ 70% de la population suisse n’a pas de testament... ni de pacte successoral...» En outre, étant donné que le droit successoral suisse été modifié très récemment en janvier 2023, un conseiller peut s’avérer très utile. Des recherches antérieures avaient indiqué que jusqu’à 70% des familles fortunées perdaient leur fortune à la génération suivante et jusqu’à 90% à la troisième génération.
Naturellement, cette évolution est en partie inévitable et ne doit pas nécessairement être considérée comme problématique. Les héritages sont répartis, imposés et ce qui reste peut simplement être dépensé de manière raisonnable et non extravagante.
Dans le même temps, une grande partie du patrimoine familial est inutilement perdu en raison d’un défaut de communication au sein de la famille, d’une absence de préparation et d’un manque d’harmonisation des objectifs financiers.
Si les conseillers financiers peuvent briller dans ces circonstances, en apportant un soutien et des conseils indispensables, le grand transfert de richesse qui s’annonce risque de mettre à l’épreuve de nombreuses sociétés de conseil, tout en offrant des opportunités grandissantes à d’autres. Le succès dépendra de la capacité de ces sociétés à impliquer les générations qui vont hériter et à concevoir des propositions qui répondent aux besoins et aux préférences des générations à venir.
Généralement, c’est une partenaire féminine qui hérite dans un premier temps. Les femmes vivent en effet en moyenne plus longtemps que les hommes, avec une espérance de vie supplémentaire de sept ans au niveau mondial et de près de quatre ans en Suisse, selon l’Office fédéral de la statistique. En 2022, les femmes suisses qui se sont mariées avaient un peu plus de deux ans de moins que leurs partenaires. Les femmes ont toutefois une forte propension à se séparer du conseiller financier après le décès de leur partenaire masculin.
En plus d’avoir de nouveaux propriétaires, une grande partie de ce patrimoine sera également géré par un nouveau conseiller.
La recherche montre que cela est généralement dû au fait que le conseiller n’a pas pris soin d’établir de relation avec la conjointe ou qu’il n’est pas en mesure de démontrer de manière adéquate qu’il comprend son point de vue, ses objectifs et les moyens qu’elle préfère utiliser.
Il en va de même lorsque ce sont les enfants qui héritent. Une étude de Cerulli Associates indique que 87% des enfants déclarent qu’il est peu probable qu’ils envisagent de recourir au conseiller financier de leurs parents lorsqu’ils hériteront. Là encore, le manque d’engagement est mentionné, ce qui signifie que les enfants n’ont aucune raison de choisir le conseiller de leurs parents plutôt qu’un autre, qui serait notamment recommandé par des pairs ou avec lequel ils sont déjà en relation.
Pour les conseillers, les difficultés peuvent également résulter de leur propre implication dans le processus de transfert de patrimoine. Ils peuvent être plus proches du client en termes d’âge ou de personnalité que des enfants de ce dernier et ne pas avoir une compréhension approfondie des priorités et des principes patrimoniaux des descendants. L’inverse peut aussi être vrai. Le conseiller peut éprouver de grandes difficultés à fidéliser une famille si ses services ne sont pas considérés comme offrant une valeur durable après le décès du client initial. La division des héritages peut également signifier que les héritiers se retrouvent avec des patrimoines inférieurs à ceux que le conseiller gérerait normalement, ce qui rendrait ces clients moins rentables.
Le grand transfert du conseil
Compte tenu de ces facteurs, l’Advisory Research Centre de Vanguard estime que nous allons probablement passer d’un nombre réduit de portefeuilles d’investissement de grande taille détenus actuellement par les plus de 60 ans à un nombre plus important de portefeuilles plus modestes (au moins au début) détenus par leurs éventuels héritiers.
Ce que nous observons aujourd’hui indique également qu’en plus d’avoir de nouveaux propriétaires, une grande partie de ce patrimoine sera également géré par un nouveau conseiller (ou, dans certains cas, par aucun conseiller). Les relations avec les héritiers deviendront probablement plus concurrentielles, certains conseillers réussissant à développer leur pratique sur la base de ce transfert de patrimoine, tandis que d’autres auront du mal à le faire.
Se préparer pour l’avenir
Alors que le grand transfert de richesse est en cours, les conseillers qui trouveront le moyen de s’engager auprès de la prochaine génération de la bonne manière et au bon moment bénéficieront d’un avantage considérable. Comprendre les différences entre les sexes et les générations pourrait être la clé pour conserver la confiance des clientes et clients au cours du processus de transfert de patrimoine.
Pour faciliter l’engagement, il faut souvent faire preuve de souplesse. Les conseillers peuvent être amenés à rencontrer des groupes familiaux dans des configurations différentes, en fonction des souhaits du client principal, ou à affecter des conseillers spécifiques à certains descendants ou groupes de descendants. En outre, les particuliers fortunés (HNWI) peuvent notamment souhaiter mettre en place certains «garde-fous», y compris des niveaux spécifiques de divulgation concernant la valeur des actifs.
De plus, les relations familiales évoluent et fluctuent au fil du temps, et il n’est pas garanti que les priorités initiales d’un client restent inchangées tout au long du processus de conseil. Des contacts fréquents et continus permettent aux conseillers d’élaborer une offre qui correspond aux besoins des clients et qui évolue en fonction de ceux-ci.
Les entreprises de conseil peuvent également envisager de développer des propositions spécialisées dans le transfert de patrimoine, qui vont au-delà des solutions traditionnelles de planification financière et d’investissement. Il pourrait s’agir, par exemple, de compléter les services de conseil de l’entreprise par un réseau de prestataires de services de confiance, tels que des courtiers en prêts, des conseillers fiscaux, des avocats, des courtiers en assurance et d’autres encore, en fonction de leur relation avec le client.
Une approche spécialisée permet de libérer du temps, qui peut alors être consacré à développer les relations avec la clientèle et à avoir avec elle les conversations nécessaires, souvent empreintes d’émotion, au sujet des héritages. Cela peut également permettre au conseiller de s’occuper d’un plus grand nombre de clients, y compris de ceux avec un patrimoine plus simple.
En aidant une génération à atteindre la prospérité financière, les conseillers financiers ont fourni un service inestimable. Désormais, comme des milliers de milliards de patrimoine passeront d’une génération à l’autre au cours des prochaines décennies, les conseillers financiers doivent s’assurer que leurs pratiques soient prêtes à faire face à ce changement.