Revue macroéconomique des marchés par Eurizon

Eurizon

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A partir de la deuxième quinzaine de mai et en juin, l’attention se focalisera probablement sur les effets du redémarrage.

En bref

Les actifs risqués ont enregistré un net rebond le mois dernier, effaçant partiellement les lourdes pertes du mois précédent. Ce rebond, survenu dans un contexte de baisse de la volatilité, a été favorisé à la fois par les bonnes nouvelles concernant l’endiguement du coronavirus au niveau mondial et par les mesures de politique économique très fortes qui ont été prises pour limiter les effets négatifs de l’arrêt de l’économie. 

Tant que les mesures de mise en sommeil de l’économie seront maintenues, le ralentissement de la contagion et les mesures de politique économique devraient permettre aux investisseurs d’accorder moins d'importance aux statistiques économiques, qui reflèteront de plus en plus le coup de frein brutal de l’activité. 

Toutefois, à partir de la deuxième quinzaine de mai et en juin, une fois que les mesures de distanciation sociale auront été assouplies, l’attention se focalisera probablement sur les effets du redémarrage. 

En détail 

Les actifs risqués ont enregistré un net rebond le mois dernier, effaçant partiellement les lourdes pertes du mois précédent. Les marchés ont atteint un niveau situé à peu près à mi-chemin entre les plus hauts de février et les plus bas de mars 2020. Les spreads des obligations d’entreprises Investment Grade et High Yield et des obligations des pays émergents ont baissé, mais ils sont encore loin des niveaux observés avant la correction. Le rendement des obligations d’État américaines est proche des plus bas absolus (environ 0,6% pour le 10 ans), tandis que celui des emprunts d’État allemands se stabilise, à -0,4% depuis plus d'un mois. Les spreads des emprunts d’État des pays périphériques de la zone euro se sont nettement élargis, dans l’attente d’une riposte budgétaire véritablement coordonnée au niveau européen. 

Ce rebond, survenu dans un contexte de baisse de la volatilité, a été favorisé à la fois par les bonnes nouvelles concernant l’endiguement du coronavirus au niveau mondial et par les mesures de politique économique très fortes qui ont été prises pour limiter les effets négatifs de l’arrêt de l’économie. 

En ce qui concerne le virus, il convient de rappeler que depuis fin mars, les signes de ralentissement de la contagion en Italie se sont avérés rassurants quant à l’efficacité des mesures de confinement et ont alimenté l’espoir d’une évolution favorable dans les autres pays. À cela s’est ajouté récemment un autre signe rassurant : le pic de contagion au niveau mondial, et en particulier aux États-Unis, arrive semble-t-il avec deux semaines d’avance sur les prévisions. 

En ce qui concerne les mesures de politique monétaire, l’intervention des autorités américaines s’est avérée la plus rapide et la plus forte. La Fed, qui n’avait déjà pas hésité à ramener ses taux à zéro à la mi-mars, a ensuite relancé l’assouplissement quantitatif en l’étendant progressivement aux marchés du crédit et en incluant dans le périmètre de ses achats les obligations Investment Grade qui ont dû entretemps être rétrogradées dans la catégorie High Yield. Une mesure similaire a été prise in fine par la BCE, qui acceptera en collatéral les obligations déclassées dans cette même catégorie.  

Pour ce qui est des mesures d’ordre budgétaire, la réaction des États-Unis a été très rapide et très forte puisque le Congrès a d’ores et déjà approuvé des mesures représentant plus de 2 000 milliards de dollars (12% du PIB). Dans la zone euro, le Pacte de stabilité a été suspendu, ce qui permet à chaque pays d’adopter les mesures budgétaires nécessaires, par dérogation aux budgets approuvés par la Commission européenne. Au niveau centralisé, l’Union européenne a prévu la mise en place d’un fonds anti-chômage, un élargissement des possibilités d’intervention de la BEI et l’ouverture de lignes de crédit sans conditions pour les dépenses de santé, auprès du Mécanisme européen de stabilité (MES). Ces mesures, bien qu’importantes, sont moins rapides et moins efficaces que celles déployées aux États-Unis et, surtout, elles ne vont pas dans le sens d’un fédéralisme fort comme cela aurait le cas d’une émission de dette commune, hypothèse toujours à l’étude. 

Tant que les mesures de mise en sommeil de l’économie seront maintenues, le ralentissement de la contagion et les mesures de politique économique devraient permettre aux investisseurs d’accorder moins d'importance aux statistiques économiques, qui reflèteront de plus en plus le coup de frein brutal de l’activité. 

Toutefois, à partir de la deuxième quinzaine de mai et en juin, une fois que les mesures de distanciation sociale auront été assouplies, l’attention se focalisera probablement sur les effets du redémarrage.  

À ce propos, deux points seront à surveiller. Premièrement, le degré effectif de redémarrage de l’activité économique, qui dépendra en grande partie des mesures de distanciation sociale qu'il sera nécessaire de maintenir. Deuxièmement, le risque de voir apparaître de nouveaux foyers de contamination après l’assouplissement des mesures visant à contenir l’épidémie. 

En ce qui concerne les marchés, il est à noter que même après le redressement du mois dernier, les valorisations des actifs risqués semblent toujours intéressantes, dans l’absolu mais aussi et surtout par rapport à la rémunération offerte par les obligations d’État de qualité. 

Le rendement des emprunts américains à dix ans (0,6%) et celui des emprunts allemands (-0,4%) intègrent des scénarios déjà extrêmement prudents sur le cycle économique. Les spreads des obligations Investment Grade et High Yield ont augmenté moins fortement que cela n’avait été le cas lors de la correction de 2008, mais il s’agissait alors (contrairement à aujourd'hui) d’une pure crise du crédit, et aujourd’hui, ces obligations bénéficient d’une protection directe (pour le segment Investment Grade) ou indirecte (pour le segment High Yield) des banques centrales. Après le récent élargissement, ces actifs apparaissent attractifs. À moyen terme, c’est aussi le cas des obligations des pays émergents, dont les spreads sont légèrement inférieurs aux plus hauts de 2008, mais ces titres ne bénéficient pas de la protection des banques centrales (Fed et BCE) et la baisse des cours du pétrole pourrait être synonyme de volatilité durablement élevée pour les émetteurs des pays producteurs de brut.  

Les spreads des pays périphériques de la zone euro apparaissent attractifs, au regard de l’attitude de la BCE, qui semble décidée à contenir les tensions financières. Notons toutefois que les importantes émissions de dette auxquelles les pays vont devoir faire face dans les prochains mois pourraient faire obstacle à une baisse rapide de ces mêmes spreads.  Pour fini, un mot des actions. Pour la plupart des indices, les valorisations absolues (ratio cours/bénéfices (PER)) ont renoué avec les moyennes historiques de long terme, mais elles n’affichent pas une décote aussi importante qu’après la correction de 2008. Force est toutefois de constater que la forte baisse des taux d’intérêt rend la rémunération des actions, bien qu’incertaine et en baisse dans les conditions économiques actuelles, attractive à moyen/long terme. 

Points à surveiller pour le scénario 

À ce stade, le scénario à court terme apparaît incertain. Tant que les mesures de mise en sommeil de l’économie seront maintenues, le ralentissement de la contagion et les mesures de politique économique devraient permettre aux investisseurs d’accorder moins d'importance aux statistiques économiques, qui reflèteront de plus en plus le coup de frein brutal de l’activité.

À partir de la deuxième quinzaine de mai et en juin, une fois que les mesures de distanciation sociale auront été assouplies, l’attention se focalisera probablement sur les effets du redémarrage. À ce propos, deux points seront à surveiller : le degré effectif de redémarrage de l’activité économique, qui dépendra en grande partie des mesures de distanciation sociale qu'il sera nécessaire de maintenir, et le risque de nouveaux foyers de contamination. 

Stratégie d’investissement 

Les signes favorables sur l’endiguement de l’épidémie et la portée des mesures de politique économique au niveau mondial incitent à adopter une stratégie légèrement procyclique, avec quelques exceptions. 

Notre opinions d’investissement dans les portefeuilles Eurizon est neutre à l'égard de la duration aux États-Unis, et négative à l’égard de l’Allemagne et des pays «presque core» de la zone euro. Notre opinion sur les emprunts d’État des pays périphériques de la zone euro reste positive. 

Nous optons pour une surpondération des marchés à spread. Le renforcement des positions, amorcé en avril, concerne principalement les segments soutenus par les banques centrales, à savoir les obligations Investment Grade, pour l’essentiel, et le segment High Yield, dans une moindre mesure.

Nous avons une opinion neutre sur les actions, au regard d'un contexte à court terme encore incertain, dans lequel il apparaît peu probable que le rebond des marchés de ces dernières semaines se poursuive. Nous maintiendrons toutefois un style de gestion souple, évaluant les éventuelles corrections en vue d’un renforcement progressif des positions.

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