Le gigantesque plan de relance américain de 1900 milliards de dollars a suscité des inquiétudes quant à son financement et le risque de réveiller les anticipations inflationnistes.
En ce second trimestre 2021, la conjoncture des marchés financiers reste résolument optimiste, en dépit du fragile contexte économique et des inquiétudes liées à l’endettement des Etats et des entreprises. Seule l’ombre portée sur l’inflation ressurgit. Le gigantesque plan de relance américain de 1900 milliards de dollars a suscité des inquiétudes quant à son financement et le risque de réveiller les anticipations inflationnistes. Par ailleurs, en avril 2021, aux Etats-Unis, l’indice des prix à la consommation vient de franchir le seuil de 4% de hausse en rythme annuel, chiffre qui devrait être confirmé le 10 juin pour le mois de mai. Pierre Gruson étudie les motifs et les effets d’un redémarrage de l’inflation.
Le cours du cuivre a doublé en un an et se situe environ à 50% au-dessus de son niveau moyen constaté depuis cinq ans. Même constat pour le blé dont le cours a plus que doublé depuis un an. Enfin, les prévisions de cours du pétrole à moyen terme dépassent $55 le baril de WTI (West Texas Intermediate), loin de la cotation à terme négative (-$39.00!) du 20 avril 2020.
Des tensions sur l’offre de biens et services
Dans de nombreux secteurs, des goulots de production apparaissent, les délais d’approvisionnement augmentent. La supply chain mondiale reste suspendue à l’évolution de la crise sanitaire en Asie. La pénurie des semi-conducteurs qui risque de paralyser l’industrie automobile mondiale est l’un des exemples les plus emblématiques. Ce n’est pas un cas isolé, que ce soit dans l’industrie ou dans les services. De même, comment va se dérouler la convalescence des secteurs de la restauration et du tourisme?
La consommation est prête à redémarrer. Le déconfinement s’accompagnera, on le souhaite, d’une «fièvre acheteuse» (revenge shopping) de cet excès d’épargne.
Sous un angle monétaire et financier, les tensions inflationnistes se confirment aussi. En marge du débat sur l’opportunité d’annuler ou non la part des dettes publiques détenue par la BCE, les économistes se déchirent sur le caractère inflationniste de l’accroissement de la dette publique. Pour juger de l’ampleur du soutien apporté par une banque centrale, on peut se reporter à la taille de son bilan par rapport au PIB:
- L’actif du bilan enregistre les achats de titres réalisés sur le marché secondaire et le soutien aux demandes de refinancement des banques privées. Avant la crise financière de 2008, ce ratio évoluait entre 8 et 10% dans les principaux pays développés. Il est actuellement de 61% en Europe1.
- Une augmentation de 2200 milliards d’euros en un an, pour un total bilan de 7000 milliards d’euros. Cette augmentation correspond à la mise en œuvre du Pandemic Emergency Purchase Programme, qui a succédé au précédent programme de rachats initié lors de la crise financière de 2008.
Le mécanisme d’acquisition des dettes sur le marché secondaire doit nous prémunir de tout financement monétaire de l’économie. Ce ratio ne devrait pas diminuer tant que «le retour durable» à l’objectif d’inflation n’est pas atteint (2%).
Une inflation raisonnable contribuerait à alléger le service de la dette publique, à la condition qu’elle ne s’accompagne pas d’une hausse des taux d’intérêt
Après avoir brandi en 2015 le spectre de la déflation, désormais, on s’inquiète d’une inflation «hors de contrôle». En Europe, aujourd’hui, 15% des entreprises présentent un EBE (EBITDA) qui couvre à peine leurs charges financières, malgré le contexte des faibles taux d’intérêt. Quant au ratio dette publique/PIB, une valeur à deux chiffres appartient au monde d’avant… Néanmoins, le scénario d’une inflation raisonnable qui allégerait le service de la dette publique ne fonctionnera que si les taux d’intérêt n’augmentent pas rapidement à leur tour. Selon Natixis, les taux d’intérêt réels se révèlent très bas aux USA au regard de l’accélération de l’inflation. En Europe, nous quittons progressivement l’environnement des taux négatifs: plus un demi-point de taux depuis le début de l’année 2021.