Pour Pierre Gruson, professeur de Finance à KEDGE, il faut tout autant penser et anticiper les scenarii possibles de conjoncture.
Les indicateurs économiques actuels sont hors-norme. Donald Trump vient de faire valider par le Congrès un plan de soutien à l’économie américaine de 2000 milliards de dollars, soit l’équivalent du PIB de la France. A 20 dollars le baril, les producteurs de pétrole travaillent à perte, y compris au Moyen-Orient. En Europe, la Banque Centrale Européenne a décidé de frapper fort et a débloqué plus de 1000 milliards d’euros pour tenter de contenir les répercussions sur l’économie de la pandémie de coronavirus. Les Etats, fortement endettés continuent d’emprunter à taux négatif.
Ces éléments de conjoncture ont de quoi refroidir les places financières et les gouvernements. Quid de l’avenir de l’économie mondiale après cette crise sanitaire inédite? Pour Pierre Gruson, professeur de Finance à KEDGE, il faut tout autant penser et anticiper les scenarii possibles de conjoncture.
Un redécollage immédiat de la consommation, comme après la fin d’un conflit militaire, n’est pas envisageable. Tout danger ne sera pas écarté instantanément et la vie sociale ne reprendra que très lentement. La maladie, les comportements de précaution, ainsi que l’augmentation du chômage auront un impact significatif. Actuellement, le chômage massif touche surtout le secteur des services. Et dans beaucoup de cas, les pertes d’activité subies au premier trimestre 2020 ne seront pas comblées. Un risque clair de rupture existe pour certains approvisionnements avec des entreprises qui auront fait faillite. Le rattrapage aura bien lieu, mais partiellement.
D’un point de vue plus macroéconomique, ferons-nous face à une inflation ou à une déflation? Les deux hypothèses sont possibles. Mais la première serait plus favorable à l’économie mondiale. La déflation est en effet largement redoutée parce qu’elle retarde la consommation, augmente le poids des dettes et par extension la reprise économique.
Les prévisions macro et microéconomiques sont pour le moins difficiles à cerner. Un impact de -2% sur le PIB est vraisemblable, mais les avis des experts sont très divergents. Il est de notre responsabilité collective de penser, d’imaginer dès à présent tous les scenarii pour ne pas se laisser surprendre face aux conséquences de cette crise sans précédent.
La sortie de la crise se prépare dès à présent. Quels moyens pour contenir la faillite des entreprises, le chômage massif, les mouvements de population qui l’accompagneront, voire les risques de famine. S’il semble clair que le retour à la normale sera long et accidenté, nous avons déjà des motifs d’espérer. Des initiatives privées innovantes émergent, des entreprises réorientent leurs efforts de production vers la gestion de la crise et le réseau Internet s’affirme comme un levier de communication et de reprise majeur. C’est sûrement sur ces premiers aspects que l’économie mondiale pourra rebondir. Une reprise «www»?