Prudence dans le secteur du haut rendement

George Curtis, TwentyFour AM

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Les prix des obligations à haut rendement ont subi une importante correction à la baisse. Faut-il investir sur cette classe d’actifs?

Cette classe d’actifs en Europe, a connu une forte correction à la baisse par rapport aux sommets atteints en début d’année, l'indice Crossover passant d'un niveau serré de 203 pb en janvier à un niveau plus large de 730 pb le 18 mars dernier. Nous avons fait preuve de prudence sur ce segment pendant un certain temps, et ce principalement pour deux raisons, les évaluations tendues et l'incapacité des sociétés moins bien notées à résister à un choc. Compte tenu de la correction observée dans les évaluations des obligations à haut rendement depuis la propagation du COVID-19, nous partageons ici nos réflexions sur le secteur et sur un éventuel changement de notre point de vue.

La liquidité est la clé

Il y a 4 mois, nous n'envisagions pas un choc de l'ampleur de celui que nous connaissons actuellement. La vitesse et l'agressivité de la récession à venir ne ressembleront probablement en rien à ce que nous avons connu jusqu'à présent avec un confinement généralisé entraînant une réduction de près de 100% des revenus pour certaines entreprises. Les équipes de direction ont très rapidement dû chercher à rationaliser leur base de coûts et, plus particulièrement, gérer leurs liquidités pendant une période prolongée de forte baisse des revenus.

Au cours des cycles précédents,
les agences de notation se sont montrées moins agressives.

Sans doute plus facile à dire qu'à faire pour de nombreuses entreprises notées B et CCC; nous n'avons donc pas été surpris de la vitesse à laquelle les agences de notation ont décidé de déclasser les entreprises qu'elles considèrent comme les plus exposées au virus. Au cours des cycles précédents, les agences de notation se sont montrées moins agressives, en rencontrant plutôt les équipes de direction et en appliquant éventuellement le principe du bénéfice du doute dans leurs estimations - qui ont tendance à être trop optimistes - avant d'agir. La nature de cette récession étant différente – car elles le sont finalement toutes -, il ne s’agit que d’une question de temps avant que de nombreuses entreprises aux activités très cycliques ne se retrouvent en situation de défaut de paiement et ne soient confrontées à un manque de revenus et de liquidités. En Europe, entre la clôture de jeudi et l'ouverture de mardi, nous avons dénombré sept dégradations de notation d'entreprises distinctes, tandis que cinq autres ont été placées sous surveillance négative.

Une meilleure rémunération du risque dans d'autres secteurs

En 2019, le taux de défaut dans le secteur européen des obligations à haut rendement était extrêmement bas (1,2%). Nous ne serions pas surpris de voir ce taux passer à 8 ou 9% en 2020, ce qui correspond au taux de déclassement que nous avons observé ces dernières semaines; cela dépendra toutefois de la levée complète des restrictions gouvernementales dans les mois à venir - ce qui n’est pas garanti à ce stade. Nous nous attendons à ce que ces défauts concernent principalement les noms cycliques mal notés, prédiction que nous voyons déjà se confirmer dans le niveau de dispersion de l'indice; les non-cycliques mieux notés ont fortement surpassé les autres.

Le secteur des obligations d'entreprises de type «investment grade»
présente actuellement une bien meilleure rentabilité des risques.

Cela nous amène à demeurer relativement prudents sur l'ensemble du secteur - pour le moment. Alors que le choc économique du virus a été très agressif, nous prévoyons une vitesse de la reprise économique comparativement plus lente; les avis de défaut feront la une des news financières et institutionnelles dans les mois à venir.

C’est plutôt dans d’autres classes d’actifs de fixed income que nous constatons actuellement une bien meilleure rentabilité des risques notamment dans le secteur des obligations d'entreprises de type «investment grade», où certaines sociétés notées A émettent des obligations à des écarts équivalents à ceux atteints par les sociétés notées B il y a quelques mois à peine; ou encore dans le secteur des services financiers, tant pour les assurances que dans le secteur bancaire, les banques étant mieux capitalisées aujourd’hui qu'elles ne l'ont jamais été.

Bien que certains titres de cette classe d’actifs à haut rendement des entreprises européennes semblent présenter une bonne valeur pour les investisseurs, nous resterons patients. Et ce, tout au long du déroulement de cette période très délicate, et en attendant que la portion la moins bien notée parvienne à franchir cette étape des plus menaçantes.

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