Préparer 2022

Emmanuel Ferry, Evooq

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Pas d’ajustements désordonnés des marchés  tant que les conditions monétaires resteront stables et accommodantes.

Depuis le printemps, les taux d'intérêt à long terme ont baissé, le dollar s'est apprécié et la courbe obligataire s'est aplatie, déclenchant une rotation défensive ver la qualité. Les thèmes cycliques et Value semblent à nouveau exceptionnellement bon marché par rapport au thème Growth. Les idées contrariantes sont désormais très attractives. Les éléments techniques du marché (prix, sentiment, positionnement) fourniront des points d'entrée tactiques d'ici la fin de l'année, tandis que des fondamentaux solides et un policy mix procyclique continueront d'apporter une certaine convexité aux investisseurs.

Le cycle économique passe d'une nette reprise à une expansion plus volatile. Cela dit, l'activité reste au-dessus de son potentiel et la politique économique reste inhabituellement très accommodante à ce stade du cycle. La dynamique des bénéfices est toujours très forte avec une contagion limitée des préoccupations macroéconomiques jusqu'à présent (Chine, variante Delta, inflation des prix des intrants). Les conditions de marché restent bien ancrées dans un mode risk-on, tandis que l'excès de liquidité postpandémique revient progressivement à une situation plus normale.

La psychologie des investisseurs est dominée par deux éléments de complaisance: FOMO (peur de passer à côté) et TINA (il n'y a pas d'alternative). Cela devrait conduire à des correction des marchés actions plus fréquentes à l'avenir. La diversification et les approches contrariantes sont la meilleure ligne de défense à ce stade du cycle de marché.

Les investisseurs vont continuer d’avoir une approche pro-risque, ce qui limitera la durée et l’ampleur des phases baissières.
Stratégie: «keep calm and carry on»

Le cycle macro est plus mature, mais il reste compatible avec une allocation pro-risque: les fondamentaux macro et micro restent solides, la politique économique demeure expansionniste, et le risque épidémique contraint les autorités à retarder la phase de normalisation. La rotation défensive à l’œuvre depuis avril ouvre une fenêtre d’opportunité pour revenir sur les thématiques cycliques et liées à l’inflation. Le couple rendement/risque dans les EM se dégrade. Un élargissement de la profondeur de marché est une condition nécessaire pour la soutenabilité du cycle haussier des marchés Actions. Depuis 2011, les Actions mondiales équipondérées enregistrent la même performance que le High Yield global. La classe d’actifs Actions a donc un réservoir de surperformance et de rattrapage par rapport aux actifs qui ont dominé la dernière décennie. Cela reste conditionné à un scénario de normalisation, tant sur le plan économique, que monétaire et financier. Les prochains épisodes susceptibles de conduire à une révision de la stratégie d’allocation d’actifs sont: 1. les tensions dans le marché du travail aux Etats-Unis; 2. une rupture brutale du biais accommodant de la Fed; 3. un durcissement des conditions de crédit.

Macro: le cycle n’est pas terminé

Le regain épidémique pourrait différer la reprise dans les pays émergents principalement. C’est le principal risque pour la croissance à court terme, mais il demeure limité. Le variant Delta s'est largement propagée mais a jusqu'à présent généré une augmentation des infections plus modeste que prévu. Les taux de vaccination élevés sont susceptibles de limiter les dommages sanitaires et économiques. Les risques sur la croissance sont concentrés en Asie, où la vaccination est en retard et la tolérance au risque du gouvernement envers le COVID est faible. Globalement, le recul de la mobilité est modeste en raison de moins de restrictions par rapport aux vagues précédentes. La croissance du PIB mondial devrait augmenter de plus de 6% cette année. Les perspectives dans les DM dotés de programmes de vaccination avancés se sont améliorées, tandis que celles des pays émergents se sont affaiblies. L'économie américaine a retrouvé son niveau prépandémie au deuxième trimestre, reflétant l’intensification de la reprise économique, la réouverture et les effets des mesures de soutien liés au COVID-19. En Europe, il faudra attendre la fin de l’année 2021 pour récupérer la perte d’activité. La dynamique conjoncturelle va se maintenir à un rythme soutenu, aidé par un restockage inévitable au cours des prochains trimestres. La reflation demeure un facteur de soutien, même si sa dynamique diminue.

Risques: peu de matérialisation à attendre

Etant donné la convexité naturelle et implicite fournie par la combinaison de l'abondance de liquidités, des conditions de crédit accommodantes et du régime de marché favorable au risque, les investisseurs vont continuer d’avoir une approche pro-risque, ce qui limitera la durée et l’ampleur des phases baissières. Le pic d’activité observé en avril (ISM à 65) n’a pas pesé sur le directionnel du marché, mais a enclenché une rotation défensive. Le risque lié au variant Delta est contenu sur le plan économique et financier. Le risque inflationniste est toujours considéré comme transitoire, ce qui stabilise les anticipations sur le changement de sens de la politique monétaire de la Fed. L’hypothèse d’un tapering de la Fed en décembre a été pré-annoncé, et donc déjà largement anticipé, ce qui devrait limiter son potentiel disruptif pour les marchés financiers. Le risque lié à la Chine (réglementaire, stabilité financière) demeure local, sans contagion à ce stade.

Les excès financiers globaux amplifiés par la crise pandémique (valorisation, endettement, liquidité) ne devraient pas connaître d’ajustements désordonnés  tant que les conditions monétaires resteront stables et accommodantes.

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