Plus puissante que toutes les armées – Weekly Note de Credit Suisse

Burkhard Varnholt, Credit Suisse

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Ce que la gestion de fortune durable doit réaliser. Comment l’héritage d’Alfred Escher nous façonne.

Les idées exercent souvent une influence considérable. Elles peuvent même, pour paraphraser Victor Hugo, être plus puissantes que toutes les armées du monde si leur heure est venue. La notion de développement durable est sans aucun doute l’une de ces idées puissantes. Intemporelle, mais plus pressante que jamais, elle constitue une norme universellement applicable. Nous expliquons comment les investisseurs qui prennent en compte les notations de durabilité attribuées aux entreprises peuvent accroître la valeur de leur portefeuille. En outre, nous attirons votre attention sur la Credit Suisse Sustainability Week, une manifestation qui offre une occasion exceptionnelle de passer cinq jours avec des leaders mondiaux et des experts renommés pour discuter d’idées susceptibles de changer notre avenir.

1. Lorsque l’heure est venue

On attribue à Victor Hugo cette phrase célèbre: «Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c’est une idée dont l’heure est venue». Or l’idée du développement durable, aussi intemporelle soit-elle, constitue probablement le défi le plus important et le plus pressant de notre époque. Elle s’impose dans tous les domaines de notre vie et elle a également apporté de profonds changements sur les marchés mondiaux des capitaux ces deux dernières années.

Lorsque les Nations Unies (ONU) ont lancé en 2006 l’initiative PRI (Principes pour l’investissement responsable)1 en partenariat avec de grands établissements financiers, dont le Credit Suisse, les marchés des capitaux ont simplement haussé les épaules. L’idée était bonne, mais son heure n’était pas encore venue. Alors les paroles n’ont pas été suivies d’actes. 

Même quatre ans plus tard, lors de la parution du livre «Domino - Handbuch für eine nachhaltige Welt»2 (Domino - Manuel pour un monde durable), auquel j’ai participé en tant que coéditeur, il était certain que cet ouvrage, comme tant d’autres publications bien intentionnées sur ce sujet, n’aurait aucun impact sur le monde de la bourse et des marchés. (Quoi qu’il en soit, il s’est quand même distingué en remportant le prix suisse du plus beau design de livre de l’année). Aujourd’hui, le monde est différent. 

Pas de notation sans critères de durabilité

La durabilité s’est à présent imposée comme la norme mondiale en matière d’évaluation des entreprises. Bien entendu, il reste beaucoup à faire. Mais il n’est plus possible d’écarter les critères de durabilité lors de la notation d’une entreprise, d’une économie nationale ou d’une stratégie de placement. Plus important encore, la durabilité est devenue un facteur déterminant sur les marchés des capitaux. 

Une mauvaise notation en matière de durabilité représente aujourd’hui un désavantage stratégique pour une entreprise. Elle est synonyme de processus opérationnels moins performants, elle augmente le coût du capital, elle accroît les obstacles réglementaires, elle nuit à la réputation de la société et en réduit la valeur. Dans une étude portant sur 2’689 entreprises, le gestionnaire de fortune américain Fidelity a démontré que de bonnes notations en matière de durabilité permettaient de relever la valeur des sociétés de 2,5% en moyenne par catégorie de rating. 

Ces dernières années, les écarts de performance boursière entre les entreprises affichant une bonne notation et celles en affichant une mauvaise au niveau de la durabilité n’ont jamais été plus grands. Les quatre exemples du graphique 1 sont éloquents:

  1. S’agissant des actions suisses, l’indice MSCI de durabilité (+197%) surperforme nettement le MSCI Suisse traditionnel (+148%).
  2. Dans le cas des actions de la zone euro, l’indice MSCI de durabilité (+186%) devance fortement l’indice MSCI UEM traditionnel (+149%) également.
  3. En ce qui concerne les actions des pays émergents, l’indice MSCI de durabilité (+256%) est lui aussi nettement supérieur au MSCI marchés émergents traditionnel (+165%).
  4. Pour ce qui est des actions chinoises, l’indice MSCI de durabilité (+317%) caracole largement en tête du MSCI Chine traditionnel (+210%).

 

Il existe au moins cinq raisons pour lesquelles la durabilité gagnera encore en importance sur les marchés boursiers à l’avenir:

  1. Performance supérieure. A long terme, c’est la performance qui compte le plus sur les marchés des capitaux. Ces derniers sont sensibles aux conséquences de la surexploitation de notre planète et reconnaissent le potentiel que revêt la transition vers la durabilité. Dans leur cas, les faits ont plus d’importance que les paroles.
    Ils tiennent donc automatiquement compte des répercussions du changement climatique, de l’évolution des valeurs, de la dégradation de l’empreinte écologique, du durcissement de la réglementation, de la perte de biodiversité ou du potentiel des nouvelles technologies. Ils récompensent les pionniers de la durabilité et sanctionnent ceux qui font des promesses vides («éco-blanchiment» ou «green washing»).
  2. Réglementation. Une chose est certaine: à l’avenir, les entreprises et les gestionnaires de fortune professionnels devront élaborer des stratégies de durabilité contraignantes. Quelque 170 réglementations ESG (Environmental, Social and Governance: des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance) ont vu le jour en 2018, contre 20 seulement en 2008. Et cette tendance mondiale va se poursuivre.
  3. Impact sur la valorisation des entreprises. Un nombre croissant de gestionnaires et d’investisseurs s’attendent à ce qu’une bonne notation en termes de durabilité ait un impact positif sur la valorisation des entreprises.
  4. Engagement des investisseurs. Dans le cadre d’un procès qui fera date, des organisations environnementales ont récemment contraint la compagnie pétrolière anglo-néerlandaise Shell à se fixer des objectifs plus ambitieux en matière de réduction des émissions. Et aux Etats-Unis, un fonds de placement relativement modeste, «Engine No1», a remporté deux  sièges sur six au conseil d’administration d’ExxonMobil3 grâce à l’important soutien de BlackRock et de la caisse de pension de l’Etat de New York. L’engagement des investisseurs stimule ainsi l’évolution vers une durabilité accrue. Tous les grands cabinets de conseil en gestion d’entreprise enregistrent actuellement une forte croissance de leurs mandats dans le domaine du développement de stratégies durables.
  5. Changement de génération. Pour les jeunes, le développement durable prend une place beaucoup plus importante dans les décisions de consommation et d’investissement que dans le cas de leurs aînés. Or, les jeunes représentent l’avenir.
2. Ce que la gestion de fortune durable doit réaliser

Notre publication intitulée «The decarbonizing portfolio»4 (le portefeuille de décarbonisation) met en évidence, à partir d’exemples concrets, le potentiel d’augmentation de la valeur d’un portefeuille grâce à une analyse professionnelle de la durabilité. 

Ce potentiel résulte, d’une part, de l’évaluation et de la réduction des risques et, d’autre part, de placements dans des actifs attrayants liés à la transition climatique et à ses retombées. Il ressort aussi clairement qu’une décarbonisation efficace au moyen d’un portefeuille adéquat ne se limite pas à l’étude de l’empreinte carbone. En effet, une compréhension holistique des modèles commerciaux et des différents aspects des marchés des capitaux est tout aussi importante que l’expertise internationale d’un grand nombre de spécialistes, surtout s’ils travaillent au sein du même établissement financier. Bien que certaines entreprises pionnières très prometteuses ne soient pas encore cotées en bourse, les investisseurs peuvent également en tirer parti par le biais de solutions professionnelles de private equity. Le graphique 2 présente quelques thèmes revêtant un grand potentiel.

 

Tout voyage commence par un premier pas

On observe de manière empirique que le premier pas est souvent le plus important lorsqu’il s’agit d’intégrer des critères de durabilité dans la stratégie personnelle de placement. Par expérience, je sais que de nombreux investisseurs privés ressentent le besoin d’agir. Les caisses de pension ont souvent une longueur d’avance à cet égard, et elles doivent l’avoir, pour diverses raisons. 

Point positif: l’intégration de critères de durabilité dans la stratégie personnelle de placement est plus facile qu’on ne pourrait le croire. Un entretien de conseil individuel permet de se faire rapidement une première idée des besoins en matière d’analyse et des mesures à prendre. Les étapes suivantes sont alors très simples pour les investisseurs: ceux-ci profitent de nos processus bien rodés, de notre expertise internationale, de notre pool de données et de notre méthodologie. Le graphique 3 expose les points importants qu’il faut aborder lors de l’examen d’une stratégie axée sur la durabilité.

 

3. Comment l’héritage d’Alfred Escher nous façonne

Lorsqu’Alfred Escher a créé le Crédit Suisse (Schweizerische Kreditanstalt en allemand) en 1856 pour financer la construction du tunnel du Saint-Gothard, il a démontré avec brio sa compréhension de l’engagement durable. Si l’on considère qu’il a également fondé l’Ecole polytechnique de Zurich et la compagnie d’assurances «Caisse de rentes suisse» avant même la construction du fameux tunnel, ce projet de mobilité avant-gardiste qui a permis au final de relier l’Europe du Nord à l’Asie, on réalise la profondeur de l’horizon de sa pensée et de ses actions: c’était un véritable pionnier de l’économie qui a en outre été élu président du Conseil national à quatre reprises. 

Il a non seulement jeté les bases pour la création de nombreux emplois, la perception de recettes fiscales, la mobilité et l’éducation, mais il a aussi fait jaillir l’étincelle d’un développement essentiellement durable. Et cette étincelle illumine aujourd’hui encore sa biographie. L’héritage d’Alfred Escher correspond toujours à l’engagement que nous déployons au service d’un établissement financier d’envergure mondiale qui, du haut de ses 165 ans, est tourné vers l’avenir et le développement durable. Il s’agit en quelque sorte de l’ADN du Credit Suisse et de ses quelque 47’000 collaborateurs. Notre banque a notamment été l’un des premiers signataires de l’initiative PRI des Nations Unies et elle s’est engagée très tôt à réaliser des objectifs contraignants en matière de climat et de durabilité. Entre-temps, 163 entreprises de la liste Forbes Global 500 ont pris le même engagement. Elles représentent environ un tiers des 500 entreprises qui réalisent les plus gros chiffres d’affaires annuels au monde, ceux-ci totalisant 30’000 milliards de francs suisses, et qui regroupent quelque 70 millions d’emplois. Il y a cinq ans, elles n’étaient que trente à s’être ainsi engagées en faveur de la durabilité. Celle-ci ressemble à une idée dont l’heure est venue.

Bienvenue à la Credit Suisse Sustainability Week

La Credit Suisse Sustainability Week5 se tiendra la semaine prochaine. Nous vous invitons à assister pendant cinq jours à des conférences et à des entretiens au coin du feu, notamment avec Mike Bloomberg, Mark Carney, Dr Jane Goodall, Roger Federer, Thomas Gottstein et Sir António Horta-Osório. Il y aura en outre treize tables rondes interactives qui permettront à plus d’une quarantaine d’experts de renommée internationale de discuter avec nos invités de la façon dont les entreprises, les pays et les investisseurs peuvent créer une croissance durable. Cette semaine s’articulera autour de trois grands axes: la protection de l’avenir, la transition vers le meilleur et la rupture liée au progrès durable. Je vous recommande de vous inscrire rapidement, car le nombre de places est limité.

 

1 PRI | Principles for Responsible Investment  
2 «Domino – Handbuch für eine nachhaltige Welt», édition Neue Zürcher Zeitung, 2010, ISBN 9783899812435
3 Les sociétés mentionnées sur cette page sont fournie à titre purement illustratif et leur mention ne saurait 
constituer une invitation ou une offre d’achat ou de vente de tout intérêt ou investissement. 
4 Credit Suisse (2021) | The decarbonizing portfolio  
5 Credit Suisse Sustainability Week 2021

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