Pharmas et biotech dans les starting blocks

Philipp Lienhardt et Lukas Leu, Julius Baer

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Les recherches portent essentiellement sur les principes actifs antiviraux qui devraient inhiber la réplication de l’agent pathogène chez le patient.

©Keystone

L’apparition du nouveau coronavirus a déclenché une course mondiale à qui trouverait un principe actif pour traiter la maladie ou un vaccin contre le virus. Chaque jour, de nouvelles informations nous parviennent sur les entreprises pharma et biotech, qui sont à la recherche d’un traitement. Nous assistons à une coopération mondiale intensive entre l’industrie et les autorités sanitaires, qui ont reconnu la nécessité d’une solution à long terme en réponse à la troisième propagation d’un coronavirus au cours des 20 dernières années. Les efforts pour combattre ce virus sont considérables, comme le montre clairement le nombre d’essais cliniques en cours. Rien qu’en Chine, plus de 100 études sont actuellement menées. De nombreux aspects sont testés, du plasma sanguin aux nouvelles thérapies vaccinales. Dans le monde, environ 70 vaccins sont à l’essai à différents niveaux. Certains sont déjà testés sur des humains et se trouvent à un stade de développement avancé.

Le candidat le plus éminent est le remdesivir de Gilead.
Mais Roche est également en bonne voie avec l'Actemra.

Afin de traiter les patients souffrant du COVID-19, les entreprises pharma et biotech mènent principalement des recherches sur des principes actifs antiviraux qui devraient inhiber la réplication de l’agent pathogène chez le patient. Le candidat le plus éminent est le remdesivir, initialement développé par la société américaine Gilead pour combattre le virus Ebola, mais qui n’a jamais été homologué. Des premiers résultats positifs ont déjà été publiés et les autorités américaines ont déjà accordé une autorisation spéciale. Roche participe également à la recherche d’un principe actif adapté et se demande actuellement si son médicament Actemra – un anticorps monoclonal pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde – pourrait contribuer au rétablissement des patients atteints de pneumonie à COVID-19. Les résultats d’un vaste essai de phase 3 devraient être publiés en juin. Roche accélère la production de ce médicament afin d’être prêt à le déployer rapidement si les résultats sont concluants. 

A plus long terme, il sera cependant impératif de réussir à développer un vaccin. Un vaccin protège la population en bonne santé et permettrait ainsi une levée complète des restrictions sociales. La société américaine Moderna a suscité de grands espoirs de vaccin dans un avenir proche. Elle a réussi à développer un premier vaccin potentiel à une rapidité impressionnante. Moderna a envoyé son vaccin aux autorités sanitaires américaines 42 jours à peine après avoir reçu la séquence du génome du virus; à titre de comparaison, lors de l’épidémie de SRAS, il a fallu 20 mois pour commencer les premiers tests. L’entreprise ouvre ainsi de nouvelles voies en matière de technologie vaccinale. Alors que les vaccins traditionnels utilisent des protéines virales ou des séquences d’ADN de virus, le vaccin de Moderna est basé sur un ARN messager (ARNm), qui code la protéine Spike (S) typique du coronavirus et induit une défense naturelle dans le corps humain. Un succès de ce vaccin contre le SARS-CoV-2 représenterait en même temps une percée pour une nouvelle génération de vaccins et son utilisation serait possible en cas de futures épidémies.

Les petites biotech ne seraient pas en mesure de produire le vaccin
elles-mêmes et devraient coopérer avec des majors de la  pharma.

Dans le même temps, de nombreux autres fabricants de vaccins bien établis investissent dans la recherche, par exemple Sanofi et GlaxoSmithKline. Ces entreprises peuvent bénéficier de leur portefeuille actuel et de leur savoir-faire dans la production complexe de vaccins. Une fois qu’un vaccin a été développé avec succès, il faut disposer d’une capacité de production suffisante pour permettre une vaccination de la population à grande échelle. Les petites entreprises biotech ne seraient pas en mesure de produire le vaccin elles-mêmes et devraient coopérer avec de grandes entreprises pharmaceutiques. Des organisations de sous-traitance dites CDMO (pour Contract Development and Manufacturing Organizations), comme par exemple Lonza, spécialisée dans la production de principes actifs et de médicaments, peuvent contribuer à la lutte contre le virus grâce à leur large gamme de produits. Lonza est un leader mondial de la production de nouveaux produits biopharmaceutiques et a annoncé être déjà en négociation pour plusieurs projets. De leur côté, des entreprises comme Sanofi espèrent que la situation actuelle sensibilisera globalement le public aux possibilités ordinaires de vaccination contre la grippe. Plusieurs vaccins représentent environ 16% des ventes du groupe Sanofi, et une utilisation accrue des vaccins antigrippaux lui serait bénéfique. 

L’accent est mis sur des tests d’anticorps qui peuvent attester
d’une infection déjà maîtrisée. Roche est à la pointe dans ce domaine.

De grands progrès sont également réalisés dans les tests de détection du COVID-19. Au départ, la majorité des tests recherchés étaient ceux visant à détecter une infection par le SARS-CoV-2. A présent, l’accent est mis sur des tests d’anticorps qui peuvent attester d’une infection déjà maîtrisée. On espère que l’existence d’anticorps dans le sang indique également une immunisation, bien que cet aspect n’ait pas encore pu être prouvé. Roche est à la pointe dans le monde à cet égard. On estime qu’au premier trimestre 2020, le secteur Diagnostics de Roche a déjà enregistré une demande pour ses systèmes de diagnostic spéciaux équivalente à celle de toute une année. Ces systèmes de test entièrement automatisés sont bien positionnés sur le marché. D’ici juin, l’entreprise a l’intention de produire chaque mois des dizaines de millions de tests pouvant être utilisés sur ses systèmes.

Cependant, même lorsque la recherche donne des résultats positifs, les perspectives de profit pour les entreprises sont limitées. Pour les médicaments pour lesquels il existe un besoin urgent, certains contrôles des prix ne peuvent être exclus. Plusieurs entreprises ont déjà affirmé qu’elles remettaient certains médicaments gratuitement ou à prix coûtant. A plus long terme cependant, nous voyons encore un potentiel de bénéfices en raison de la nécessité de stocker les médicaments à titre prophylactique, d’une utilisation globalement accrue des vaccins au sein de la population, et de l’expansion des systèmes de diagnostic modernes. Il est très probable que de nouveaux virus se propageront encore à l’avenir et devront être combattus rapidement et efficacement.

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